Duc de Conegliano
Prononciation :
Né le 31 juillet 1754 à Moncey (paroisse de Palise) en Franche-Comté, d'un avocat au parlement de Besançon, Bon Adrien Jannot de Moncey se montre dans son jeune âge un enfant turbulent et indiscipliné. A quinze ans, il s'évade du collège et s'engage dans l'armée ; son père le rachète ; il récidive. Cette fois, c'est de son plein gré qu'il quitte le service, quelques mois plus tard, avant de rempiler dès 1774 dans la gendarmerie. Quand il y atteint le grade de lieutenant, en 1785, il voit, comme tant d'autres, sa carrière bloquée par ses origines non nobles.
En 1789 il achète au marquis du Cheylard le château de son village natal .
En 1791, Moncey s'engage à nouveau, cette fois dans un régiment de volontaires, qui l'élit capitaine. On l'affecte à l'armée des Pyrénées-Occidentales de 1793 à 1795. Il s'y fait si bien apprécier des représentants en mission qu'ils le nomment général de brigade le 18 avril 1794, général de division et commandant en chef de l'armée six mois plus tard.
Après avoir tenté d'échapper à cette responsabilité qu'il juge écrasante ‒ mais sa lettre au Comité de Salut public reste sans effet ‒ il se résigne à l'assumer et le fait avec grand succès. Une série de victoires lui permet de repousser les Espagnols derrière l'Ebre et de prendre Bilbao le 17 juillet 1795.
Dénoncé, après le coup d'État du 18 fructidor an V, comme royaliste, ami de Lazare Carnot et de Jean-Charles Pichegru, il est réformé malgré un éloquent mémoire justificatif (26 octobre 1797). Sans emploi pendant les deux années suivantes, il est remis en activité deux mois avant le 18 brumaire et apporte son soutien à Napoléon Bonaparte.
Il fait la seconde campagne d'Italie, en 1800, à la tête d'un corps d'armée mais s'entend très mal avec Guillaume Marie-Anne Brune d'abord, avec Joachim Murat ensuite, sous les ordres de qui il refuse de servir.
Le 3 décembre 1801, Bon Adrien Jannot de Moncey est nommé inspecteur général de la gendarmerie, ce qui fait de lui l'égal du ministre de la police. A ce titre, il dispose de ses propres services d'espionnage, de fonds secrets dont il ne doit compte qu'au Premier consul Napoléon Bonaparte, d'un accès direct à celui-ci, sans passer même par le secrétaire d'État, le tout dans une époque particulièrement riche en complots.
Maréchal en 1804, Grand Aigle de la Légion d'Honneur en 1805, il est envoyé en Espagne au début de 1808, y remporte quelques victoires qui lui valent d'être créé duc de Conegliano le 2 juillet, dirige le siège de Valence (septembre) et commence le second siège de Saragosse en décembre.
Il rentre en France en 1809 et commande diverses armées de réserve jusqu'en 1813.
Le 30 mars 1814, commandant en second de la garde nationale parisienne, il défend héroïquement la barrière de Clichy contre les Russes puis, après la capitulation, rassemble les débris de ses troupes et les ramène à Fontainebleau.
Pair de France sous la première Restauration, pair de France sous les Cent-Jours, il perd ce titre lors du second retour de Louis XVIII.
Désigné pour présider le conseil de guerre chargé de juger Michel Ney, il adresse au roi une magnifique lettre de refus : Sire, placé dans la cruelle alternative de désobéir à Votre Majesté ou de manquer à ma conscience, j'ai dû m'en expliquer à Votre Majesté. Je n'entre pas dans la question de savoir si le maréchal Ney est innocent ou coupable... C'est au passage de la Bérésina, Sire, c'est dans cette affreuse catastrophe que Ney sauva les débris de l'armée ; et j'enverrais à la mort celui à qui tant de Français doivent la vie !... Non, Sire, s'il ne m'est pas permis de sauver mon pays, ni ma propre existence, je sauverai au moins l'honneur (...) .
Cette lettre lui vaut destitution de tous ses grades et condamnation à trois mois de prison à la forteresse de Ham. Le commandant de la forteresse, un prussien, ayant décliné le honteux honneur d'être le geôlier des gloires de la France
, Moncey s'installe pour la durée de sa peine dans l'auberge qui fait face à la prison. On prétend que la musique du régiment prussien y vient chaque jour lui donner la sérénade. Il se renferme ensuite dans son château de Baillon, près de Luzarches, affectant de se considérer toujours comme prisonnier. Le 3 juillet 1816, le roi, se sentant ridicule, lui rend discrètement son bâton. La pairie suit en 1819.
En 1823, septuagénaire, le duc de Conegliano retrouve le commandement d'un corps d'armée lors de l'expédition d'Espagne. A sa tête, il conquiert la Catalogne, prend Barcelone, Tarragone et Hostalrich.
En 1833, après la mort de Jean-Baptiste Jourdan, il devient Gouverneur des Invalides et y accueille, le 15 décembre 1840, les cendres de Napoléon. Après avoir embrassé la poignée de l'épée de Napoléon, ce vieil homme de quatre-vingt sept ans, qui supplie depuis des jours ses médecins de le faire vivre assez pour recevoir l'Empereur
a ce mot qui marque la fin d'une époque : A présent, rentrons mourir.
Il s'éteint le 20 avril 1842 et est inhumé aux Invalides, dans la crypte des gouverneurs de la cathédrale Saint-Louis .
"Le maréchal Moncey, duc de Conegliano" par Jacques Luc Barbier-Walbonne (Nîmes 1769 - Passy 1860).
Modèle de toutes les vertus, selon Jean-de-Dieu Soult, le duc de Conegliano n'est cité qu'une fois dans le Mémorial de Sainte-Hélène :
Moncey était un honnête homme.
Franc-maçonnerie : Le maréchal Moncey devint en 1814 Grand Officier d'Honneur du Grand Orient de France.
Les Postes de la République Française ont émis en 1976 un timbre de 0,80 F à l'effigie de Bon Adrien Jannot de Moncey.
Le nom de Moncey est inscrit sur la 33e colonne (pilier Ouest) de l'arc de triomphe de l'Étoile , tandis qu'une statue en pied signée Félix Desruelles honore sa mémoire sur la façade Nord du Louvre, rue de Rivoli et qu'un monument surmonté d'une statue en bronze , oeuvre d'Amédée Doublemard, rappelle depuis 1869, Place de Clichy, sa conduite héroïque du 30 mars 1814.
Carrière militaire détaillée
établie par M. Eric Le Maître (voir son site web), mise en ligne avec son aimable autorisation.Blessures au combat
Aucune.Captivité
Aucune.Premier engagement
Engagé volontaire au régiment de Champagne-infanterie, le 15 septembre 1769.Évolution de carrière
Sous-lieutenant, le 16 août 1779.Lieutenant en second, le 30 août 1782.
Lieutenant en premier, le 1er juillet 1785.
Capitaine, le 1er avril 1791.
Chef de bataillon, le 26 juin 1793.
Général de brigade, le 18 février 1794.
Général de division, le 9 juin 1794.
Maréchal de l'Empire, le 19 mai 1804.
États de service
Engagé volontaire au régiment de Champagne infanterie, le 15 septembre 1769.Achète son congé, le 30 juin 1773.
A la compagnie des gendarmes anglais, le 8 avril 1774.
Quitte, le 15 août 1776.
Au corps d'infanterie de Nassau-Siegen, le 16 août 1779.
Au 5e bataillon de chasseurs, le 1er juin 1788.
A l'armée des Pyrénées-Occidentales, de 1793 à 1795.
A la 5ème demi-brigade légère, le 26 juin 1793.
Général en chef provisoire de l'armée, le 9 août 1794 et confirmé, le 17 août 1794.
Commandant la 11e division militaire à Bayonne, le 15 septembre 1795.
Réformé comme royaliste, le 26 octobre 1797.
Remis en activité, le 20 septembre 1799.
Commandant la 12e division militaire, le 30 novembre 1799.
Commandant la 19e division militaire à Lyon, le 3 décembre 1799.
Lieutenant du général en chef de l'armée du Rhin, le 24 mars 1800.
Commande un corps de 15 000 hommes en Helvétie, le 16 avril 1800.
A l'armée de réserve, le 9 mai 1800.
Chargé de défendre la Lombardie, le 9 juin 1800.
Commandant un corps à l'armée d'Italie et chargé d'occuper la Valteline, le 20 juin 1800.
Commandant l'aile gauche de l'armée d'Italie, le 5 juillet 1800.
Commandant par interim l'armée d'Italie à la place de Brune, du 8 mars au 19 juin 1801.
Lieutenant général commandant les troupes françaises en Cisalpine, le 2 juin 1801.
Premier inspecteur général de la Gendarmerie, le 3 décembre 1801.
Commandant en chef le corps d'observation des côtes de l'Océan, le 16 décembre 1807.
Conduit ce même corps en Espagne, le 9 janvier 1808.
Commandant le 3e corps de l'armée d'Espagne, le 7 septembre 1808.
Commandant en chef de la Tête-de-Flandre, en Belgique, le 5 septembre 1809.
Commandant la réserve de 3 divisions de gardes nationales en Belgique à la place de Bessières, le 11 septembre 1809.
Inspecteur des cohortes des gardes nationales dans les 12e, 13e, 14e et 15e divisions militaires, en 1812.
Commandant en chef l'armée de réserve des Pyrénées, le 16 novembre 1813.
Major général de la garde nationale de Paris, le 8 janvier 1814.
Prend part à la défense de Paris, le 30 mars 1814.
Pair de France à la Première Restauration, le 4 juin 1814.
Pair de France aux Cent-Jours, le 2 juin 1815.
Destitué pour avoir refusé de présider le conseil de guerre chargé de juger le maréchal Ney et condamné à trois mois de prison, le 29 août 1815.
Rétabli dans la jouissance de son traitement à compter du 1er décembre 1815, par décision royale du 3 juillet 1816.
De nouveau Pair de France, le 5 mars 1819.
Gouverneur de la 9e division militaire, du 5 avril 1820 au 5 novembre 1830.
Commandant en chef le 4e corps de l'armée des Pyrénées, le 12 février 1823.
Gouverneur de l'Hôtel royal des Invalides, le 17 décembre 1833.
Adresse
73, Rue du Faubourg Saint-Honoré. Paris VIIIème arrondissement
L'almanach Impérial de 1811 indique que le maréchal Moncey demeure à cette adresse.Château de Moncey. Département du Doubs
Le duc de Conegliano possède également depuis 1789 cette gentilhommière, dans son village natal.Remerciements
Nous exprimons notre gratitude au général de division Christian Baptiste, directeur du Musée de l'Armée, qui nous a autorisés à accéder au caveau des Gouverneurs de la cathédrale Saint-Louis des Invalides, et à M. Mickaël Blasselle, qui nous a guidés pour cette visite en décembre 2011.La photo de la statue en pied du duc de Conegliano, rue de Rivoli à Paris, nous a été grâcieusement fournie par M. Cyril Maillet.
Autres portraits
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"Bon-Adrien Jannot de Moncey, capitaine au 7e de ligne en 1792" par Pierre Joseph Dedreux-Dorcy (Paris 1789 - Bellevue 1874).
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"Le maréchal Moncey, duc de Conegliano". Gravure d'Adolphe Forestier (Paris 1801 - Paris 1885).