Les institutions : le meilleur de l'héritage napoléonien
Après dix ans de Révolution, la France de 1799 ne dispose toujours pas d'un régime capable d'assurer à la fois la liberté des Français, leur sécurité ou même sa propre stabilité. Après la royauté constitutionnelle qui s'est fracassée sur la duplicité de Louis XVI, après le gouvernement d'assemblée dégénérant en dictature des comités sous la pression de la guerre, on en est arrivé à une stricte séparation des pouvoirs entre un exécutif collégial et un parlement bicaméral. De l'avis de tous, ou presque, c'est un échec. Les coups d'Etat se succèdent, frappant tantôt à droite, tantôt à gauche, pour sauver un Directoire dont la base politique se fait de plus en plus étroite au fil du temps.
La corruption du régime et ses échecs militaires achèvent de le discréditer. Ses plus hauts responsables eux-mêmes trempent dans les complots qui ont pour but de l'abattre. Mais Napoléon Bonaparte, l'instrument qu'il se choisissent pour mener à bien cette entreprise, va se révéler incommode et, au final, plus habile et plus déterminé qu'eux tous. Non content d'être le grand bénéficiaire du changement de régime, il va imposer sa volonté et les nouvelles institutions, même si elles sont rédigées avec le concours des personnalités les plus éminentes de l'époque, du moins celles ayant survécu à la Révolution, portent sa marque.
Les années du Consulat, puis celles de l'Empire, seront des années d'intense activité institutionnelle. Un nouveau cadre, politique, administratif et juridique se met en place, marqué à la fois par la consoliditation des conquêtes de la Révolution, la méfiance vis à vis de l'élection et la prééminence de l'exécutif. Le multi-camérisme, renforcé par la création d'un Tribunat, sert surtout à débiliter le législatif.
Le tempérament de son chef et la volonté de pérenniser le régime et ses acquis, font rapidement évoluer les formes du gouvernement d'un républicanisme plus ou moins de façade au monarchisme théoriquement hériditaire. Trois Constitutions successives témoignent de cette évolution. L'institution d'une nouvelle noblesse, ouverte à tous, basée sur le mérite et sans privilège, la couronne. C'est la partie la plus éphémère de la construction, même si certaines pratiques, telles le plébiscite, participent à l'élaboration de l'inconscient politique français.
L'armature administrative et juridique, elle, perdure. L'organisation préfectorale, le Conseil d'Etat, s'ils ne sont pas à proprement parler des créations napoléoniennes, prennent alors leur forme définitive ; les grands Codes (civil, pénal, de commerce, etc.) sont rédigés et promulgués entre 1804 et 1810. Tout ce travail, considérable, se révèlera d'une admirable solidité. Conservés pour l'essentiel par des successeurs pourtant peu suspects de sympathies pour la Révolution ou l'Empire, nombre de ces institutions fonctionnent encore deux siècles plus tard, nombre de ces textes s'appliquent toujours ou servent de fondations à ceux qui régissent la République Française.