Un chef d'État réconciliateur
La politique intérieure napoléonienne se fonde sur un principe simple : réconcilier les Français. Lorsque le coup d'Etat du 18 brumaire renverse le Directoire, des lois, parfois toutes récentes, persécutent encore émigrés et religieux. Moins d'une semaine plus tard est abrogée celle du 24 messidor an VII (12 juillet 1799), qui autorise la prise en otages des parents d'émigrés et de ci-devant nobles. Quelques jours plus tard, les fonctionnaires de Police sont chargés par leur ministre « de ne plus rien tolérer dans les spectacles qui pût diviser les esprits ». Moins d'un mois après est organisée une fête à la Tolérance en l'église Saint-Germain-l'Auxerrois. Le ton est donné.
Rapprocher les partis, mettre fin à la désunion civile, va être le souci constant du Premier Consul puis de l'Empereur. Un habile dosage de fermeté et de magnanimité va lui permettre d'arriver à ses fins.
Côte royaliste, les conflits s'apaisent bientôt dans l'ouest de la France. Chouans et vendéens déposent les armes, voire même se rallient. Les ultimes tentatives de soulèvements échouent et les derniers irréductibles, tel Georges Cadoudal, en sont réduits à de misérables complots ou tentatives d'assassinat, privés qu'ils sont d'assise politique. Car la signature du Concordat rassure les écclésiastiques comme les croyants et rallie provisoirement le clergé au régime. Peu à peu, faute de matière et de soutien, l'opposition royaliste s'étiole. Même l'exécution du duc d'Enghien provoque plus d'horreur et de consternation que de colère et de réactions. Déjà, les enfants des plus prestigieuses familles ne dédaignent plus de prendre leur place dans l'armée ou dans l'administration de l'Empire naissant. Sous peu, ils côtoieront au sein d'une nouvelle noblesse les filles et les fils de leurs anciens serviteurs.
Cette politique n'est pas sans mécontenter certains vieux républicains. Ceux-ci, qu'on rencontre surtout dans l'armée, refuge du sentiment jacobin en ces dernières années de la Révolution, estiment la concorde retrouvée trop chèrement acquise au prix - jugent-ils - de certains de leurs plus chers principes. Le retour des ci-devants, celui des prêtres surtout, leur paraît une trahison. Faute d'un chef (Bernadotte est trop prudent, Moreau trop impolitique), cette opposition-là ne se trouvera pas de débouché. La guerre, et pour quelques-uns les libéralités de l'Empereur, prodigue en récompenses de toutes sortes, leur feront oublier leurs griefs.
Plus modérés mais plus difficiles à se concilier sont ceux que Napoléon regroupe sous le terme d'Idéologues. Premier Consul puis Empereur, il ne voit en eux qu'un ramassis de dangereux rêveurs, capables de détruire son oeuvre au nom de leurs fumeuses conceptions. Peut-on lui donner tort, si l'on considère que leur plus brillante représentante est prête à tout pour hâter la chute du tyran, y compris à souhaiter une invasion étrangère et à parcourir l'Europe en tous sens pour la provoquer ? C'est pourtant l'un de ces opposants déclarés qui rédigera le dernier texte constitutionnel de l'Empire, l'Acte Additionnel, prouvant ainsi que Napoléon finissant, fidèle à son grand principe, était toujours prêt à rassembler autour de lui ce que la France comptait de talents et de bonnes volontés.