En 1799, les républicains, en France, sont éclatés entre cinq grandes factions politiques, dont chacune comporte en son sein bien des nuances. Ce sont :
- les idéologues, disciples de Nicolas de Condorcet ;
- les amis de Gilbert du Motier de La Fayette, admirateurs de George Washington et Thomas Jefferson, partisans d'une république à l'américaine ;
- des centristes, pour lesquels le maintien de l'ordre peut bien justifier quelques entorses aux principes ;
- les extrémistes, ou jacobins, qui continuent à croire aux idéaux de Maximilien Robespierre ;
- les babouvistes enfin, égalitaristes, qui ont échappé à la répression après la conspiration des Egaux et vivent depuis dans la clandestinité.
Napoléon Bonaparte, pour sa part, jouit d'une réputation de général jacobin. Son passé, d'ailleurs, parle pour lui. Nommé général sur proposition d'Augustin Robespierre, n'a-t-il pas maté les insurgés royalistes le 13 vendémiaire an IV ? N'a-t-il pas envoyé Charles Augereau préter main-forte au Directoire pour réaliser le coup d'Etat du 18 fructidor an V contre ces mêmes royalistes, vainqueurs cette fois en toute légalité des élections ? Mais il est également proche des idéologues dont, en tant que membre de l'Institut, il fréquente quelques-uns des grands noms.
Toutes les factions républicaines, à l'exception des babouvistes, envisagent donc d'abord avec sympathie son arrivée au pouvoir.
Le coup d'Etat du 18 brumaire est d'ailleurs organisé ou approuvé par la plupart des grands noms de la Révolution encore actifs : Emmanuel-Joseph Siéyès en est l'instigateur, Jean-Jacques de Cambacérès, Joseph Fouché, déjà ministre de la Police, le facilitent, tout comme Charles-Maurice de Talleyrand. La plupart des généraux jacobins participent, approuvent ou laissent faire.
Mais très vite, Bonaparte va heurter les convictions de certains de ses partisans. C'est que s'il entend mettre en place un état moderne intégrant les acquis de la Révolution, il veut aussi refaire l'unité du pays. Pour cela, il lui faut prendre des mesures de réconciliation (amnistie des émigrés, concordat) que tous n'acceptent pas.
Par ailleurs, l'autoritarisme croissant du régime en éloigne les idéologues et surtout Benjamin Constant, théoricien du libéralisme politique.
La lutte entre Napoléon Bonaparte et ses opposants républicains tourne assez vite court. Sans véritable organisation ou chef, sensibles aux sirènes du pouvoir, les réfractaires au nouveau régime en acceptent pourtant bientôt, pour la plupart d'entre eux, fonctions ou prébendes. Si bien que Madame de Staël et Benjamin Constant, pendant les années de l'Empire, représentent presque à eux seuls l'opposition républicaine déclarée.