Prince impérial, vice-roi d'Italie
Prononciation :
Eugène Rose de Beauharnais, aîné des enfants du vicomte Alexandre François Marie de Beauharnais, officier de l'armée royale, et de la créole Marie-Josèphe-Rose de Tascher de la Pagerie voit le jour à Paris le 3 septembre 1781. Après la séparation de ses parents, en 1785, tandis que sa soeur accompagne leur mère en Martinique, il demeure dans la capitale avec son père.
Dès 1789 ‒ il n'a pas huit ans ‒ les circonstances lui font fréquenter les plus hautes sphères politiques. En effet, son père, député de Blois à l'Assemblée nationale constituante, présidant même celle-ci à l'occasion, fait bénéficier le jeune Eugène du privilège (certes douteux, pour un garçonnet) d'assister aux débats de l'illustre aréopage. Il l'emmène ensuite avec lui à l'armée (1792) puis, pour obéir à un décret de la Convention imposant une éducation démocratique aux enfants de ci-devant nobles, il le place en apprentissage chez un menuisier (1793-1794).
En 1794, son père guillotiné et sa mère emprisonnée, Eugène est pris en charge par le général Lazare Hoche. Celui-ci le retire d'apprentissage et le prend à son service en Vendée où il le charge de toutes sortes de menues besognes. Le maître était sévère,
écrira Eugène dans ses Mémoires , et l'école, pour avoir été dure, n'en a pas été moins bonne
. Au bout de quelques mois, Joséphine, rentrée en grâce depuis la réaction thermidorienne, récupère son fils et lui fait terminer ses études.
C'est pour conserver ou recouvrer l'épée de son père ‒ les récits divergent selon qu'ils sont signés Napoléon ou Eugène ‒ que ce dernier s'adresse avec succès, après le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), au général en chef de l'Armée de l'intérieur, le général Bonaparte. De cette initiative naît la première rencontre entre Joséphine et son futur mari.
Six mois plus tard, nommé sous-lieutenant et aide de camp de Bonaparte, Eugène suit son tout récent beau-père en Italie. En 1798, il l'accompagne en Égypte et revient en France avec lui sur la Muiron pour participer au coup d'État du 18 brumaire. Peu après, ne trouvant plus d'intérêt à ses fonctions d'aide de camp, il demande à entrer dans la garde consulaire où il est successivement nommé colonel en 1802 puis général en 1804.
Le 7 juin 1805, la République italienne devient un royaume et Eugène de Beauharnais son vice-roi, avec résidence à Milan [Milano].
L'année suivante, le 14 janvier 1806, il est le premier des parents de Napoléon Ier à s'allier, par son mariage avec Augusta-Amélie, fille du roi de Bavière, à une famille royale. La célébration se tient dans la Galerie verte du palais royal [Münchner Residenz] de Munich [München] [un tableau signé François Menageot illustre cette cérémonie]
Napoléon lui accorde le titre de Prince de Venise, le déclare son fils adoptif et héritier présomptif de la couronne d'Italie. Joséphine espère encore davantage.
Doté de capacités ordinaires mais travailleur et consciencieux, le vice-roi s'appuie sur les collaborateurs expérimentés dont l'a entouré Napoléon pour administrer l'Italie à la parfaite satisfaction d'un beau-père, qui, de son aveu même, n'avait rien à y faire
. Un seul échec : Eugène ne parvient pas à se faire aimer de ses sujets, qui persistent à voir en lui un étranger.
L'attaque autrichienne sur l'Italie, en 1809, vaut à Eugène de commander en chef pour la première fois. Il est chargé d'arrêter l'ennemi sur l'Isonzo, fleuve proche de l'actuelle frontière entre l'Italie et la Slovénie. Son coup d'essai n'est pas un coup de maître. La bataille de Sacile, contre l'archiduc Jean, est une défaite. Napoléon Ier adjoint à son beau-fils le général Étienne Macdonald, qui rétablit la situation. Eugène peut alors marcher sur Vienne [Wien] à travers les Alpes. Il prend sa revanche sur l'archiduc le 14 juin lors de la bataille de Raab, surnommée la petite-fille de Marengo et de Friedland
par Napoléon. Cette victoire empêche l'archiduc Jean d'amener ses renforts à son frère Charles. L'armée d'Eugène, au contraire, fait sa jonction avec le gros des forces françaises, à temps pour permettre à Macdonald de gagner son bâton de maréchal sur le champ de bataille de Wagram (5-6 juillet).
En fin d'année, Eugène est à Paris au moment du divorce de sa mère et de Napoléon Ier. Le tact avec lequel il fait face à l'événement lui évite de voir sa faveur en pâtir.
La campagne de Russie, en 1812, est l'occasion pour lui de se couvrir de gloire : les 25 et 26 juillet à la bataille d'Ostrovno, le 7 septembre à la Moskowa, les 27 et 28 novembre à la bataille de la Bérézina, il se conduit en héros ; début 1813, il prend le commandement de l'armée ‒ Murat l'ayant abandonnée pour rejoindre l'Italie (13 janvier) ‒ et, au prix d'une remarquable retraite, en ramène les débris jusqu'en Saxe, après avoir traversé la Pologne malgré les attaques conjuguées des Russes et des Prussiens. Ce renfort permet à l'Empereur de remporter la victoire de Lützen (2 mai).
Eugène regagne peu après l'Italie que les Autrichiens s'apprêtent à envahir. En janvier 1814, il refuse de quitter ce pays pour porter secours à Napoléon Ier en France, comme celui-ci le lui demande. Mais ses efforts de résistance (victoire de Mincio le 8 février 1814) sont rendus caducs par la chute de Paris et l'abdication de Napoléon Ier. Il faut cependant encore de violentes émeutes pour l'obliger à renoncer à son trône.
Le 26 avril, Eugène fuit l'Italie et se retire en Bavière, chez le roi Maximilien Ier, père de sa femme. Nanti par ce dernier du duché de Leuchtenberg et de la principauté d'Eichstadt, il se contente dès lors et jusqu'à la fin de sa vie de faire fructifier sa fortune. En effet, séjournant à Vienne au moment du retour de l'île d'Elbe, il n'évite l'arrestation qu'en donnant sa parole de ne pas chercher à quitter la Bavière. Il ne joue donc aucun rôle durant les Cent-Jours.
Eugène de Beauharnais meurt prématurément d'apoplexie (on dirait de nos jours : d'accident vasculaire cérébral) le 21 février 1824 à Munich.
Sa tombe se trouve dans la crypte de l'église Saint-Michel [Michaelskirche] à Munich, dans la nef de laquelle un très beau cénotaphe signé Bertel Thorvaldsen honore sa mémoire.
"Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie" par Andrea Appiani (Milan 1754 - Milan 1817).
Arrangé par Napoléon Ier pour des raisons strictement politiques, le mariage d'Eugène de Beauharnais fut cependant particulièrement heureux. La nombreuse progéniture issue du couple en fait les ancêtres de plusieurs têtes couronnées européennes (Norvège, Suède, Danemark, Grèce).
Remerciements
Les photos de la Galerie verte du palais royal de Munich, du cénotaphe d'Eugène de Beauharnais et de la façade de la Michaelskirche nous ont été grâcieusement fournies par M. Stefan Wengermeier.Autres portraits
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"Eugène de Beauharnais" par Giovanni Battista Gigola (Brescia 1769 - Tremezzo 1841).
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"Eugène de Beauharnais" par Michel-Martin Drolling (Paris 1786 - Paris 1851).
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"Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie", peint vers 1800 par Andrea Appiani (1754-1817).
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"Eugène de Beauharnais, duc de Leuchtenberg" par Joseph Karl Stieler (Mayence 1781 - Munich 1858).