La campagne d'Italie prend place parmi les opérations des guerres de la première coalition. Celle-ci oppose depuis le 20 avril 1792 la France révolutionnaire et bientôt républicaine aux puissances monarchiques européennes.
A l'orée de 1796, le principal adversaire de la République est l'Autriche. Elle s'appuie sur le Royaume-Uni qui agit essentiellement par l'intermédiaire de sa flotte et de ses finances. Le Royaume de Sardaigne, dont le Piémont est la principale composante, leur est allié. Le royaume de Naples est techniquement en guerre avec la France mais n'apporte qu'un soutien symbolique à ses cobelligérants.
Le conflit se déroule sur deux fronts : l'Allemagne, que le Directoire, au pouvoir en France depuis octobre 1795, considère comme le principal théâtre d'opérations, et l'Italie. L'importance de cette dernière est donc secondaire dans le plan mis au point par Lazare Carnot, le Directeur en charge des questions militaires. Il s'inspire d'ailleurs de ceux présentés par Napoléon Bonaparte au cours des deux années précédentes, en tant que responsable de l'artillerie à l'armée d'Italie ou membre du bureau topographique du Comité de Salut public.
Quand Bonaparte prend son commandement, ce plan prévoit de marcher sur Vienne [Wien] par les vallées du Main et du Danube pour contraindre l'Autriche à la négociation. L'armée d'Italie doit y jouer un rôle de diversion face aux troupes piémontaises et aux armées autrichiennes qui tiennent la Lombardie et Milan [Milano] . Quant à sa conduite face aux autres états italiens, qui oscillent entre une neutralité malveillante et apeurée (Gênes, Parme, Modène, Toscane, Lucques, Venise), une hostilité à peine déguisée (Etats pontificaux) et une antipathie parcimonieusement agissante (Naples, qui fournit 1 500 cavaliers à l'armée autrichienne), les instructions remises à son général en chef n'en soufflent mot.
En ce printemps de 1796, cette armée manque de tout : argent, équipement, chevaux, vivres, sauf de généraux de qualité - André Masséna et Charles Augereau, en particulier, ont déjà donné des preuves de leur talent - et ses soldats sont sévèrement démunis. Napoléon Bonaparte saura jouer sur ce dénuement pour motiver ses troupes.
La Première Campagne d'Italie jour après jourOuverture de la campagne
Les forces en présence
Les troupes françaises se répartissent ainsi :
- Les divisions de François Macquard (parfois orthographié Macquart), de 3 700 hommes, et de Pierre Dominique Garnier, de 3 300 hommes, sont placées respectivement dans la vallée qui mène au col de Tende et dans celle qui aboutit au col de Cerise ; ces deux divisions assurent la liaison avec l'armée des Alpes commandée par François Christophe Kellermann ;
- Une division de cavalerie de 4 000 hommes est cantonnée sur la côte ;
- La division de Jean-Mathieu Philibert Sérurier, avec 7 000 hommes, se tient près d'Ormea et des sources du Tanaro ;
- La division d'Augereau, de 8 000 hommes, est encore plus en retrait, devant Finale Ligure ;
- La division de Masséna, de 9 000 hommes, est un peu en arrière (au sud-ouest), près de Vado ;
- La division d'Amédée Emmanuel François Laharpe, de 8 000 hommes, se tient près de Savone. Une de ses brigades, commandée par le général Jean-Baptiste Cervoni , s'est avancée jusque vers Voltri.
Ces trois dernières divisions occupent également quelques postes sur les crêtes des Apennins, autour des sources de la Bormida.
Le tout représente un effectif de 43 000 hommes environ, pourvus de moins de soixante canons. Deux divisions de réserve (ou trois, selon les auteurs), cantonnées en Provence et dans le comté de Nice annexé, servent de dépôt tout en assurant la protection des ports et la sécurité intérieure.
Les Français occupent donc la Riviera de Gênes et les crêtes qui la surplombent. Une telle position, étroitement resserrée entre la montagne et une mer contrôlée par l'ennemi ne peut être maintenue longtemps en l'état. En effet, tout succès adverse sur la gauche française serait gros d'une catastrophe car la flotte britannique menace en permanence l'unique route parcourant cette bande de terre et donc la seule ligne de retraite disponible.
En face, Johan von Beaulieu, assume à la fois le commandement supérieur de l'ensemble du dispositif austro-sarde et celui de l'armée autrichienne proprement dite. Cette dernière se compose de 32 000 soldats, répartis entre une aile droite de 15 à 16 000 hommes sous Eugène-Guillaume d'Argenteau et une aile gauche de 16 à 17 000 combattants sous Karl Philipp Sebottendorf van der Rose. L'armée sarde, sous la responsabilité du général autrichien Michelangelo Alessandro Colli-Marchi, rassemble 20 000 Sardes et les 5 000 Autrichiens d'un corps de liaison confié au général Giovanni Provera. Ces effectifs sont cependant largement théoriques car les différentes unités comptent toutes de très nombreux malades. En outre, les deux principaux généraux vont montrer une incapacité à peu près totale à s'entendre et à coopérer, d'ailleurs largement liée à la méfiance régnant entre leurs gouvernements respectifs.
Ces forces sont disposées de la façon suivante :
- Colli se tient avec le plus gros de ses forces (huit bataillons) près de Ceva, tout en ayant distribué quelques troupes (deux bataillons) vers Murialto, Paressio, Mondovì et Pedagena ;
- Provera est à sa gauche avec quatre bataillons, entre Cairo [Cairo Montenotte] et Millesimo , et fait le lien avec Argenteau ;
- Celui-ci s'est installé à Sassello avec trois bataillons. Il tient une ligne de près de quarante kilomètres de long entre Ovado, dans la vallée de l'Orba, et Cairo . Il dispose de onze bataillons d'infanterie et de deux escadrons de cavalerie, ce qui ne représente que la moitié des effectifs qu'il commande, le reste étant encore sur le Pô. Il s'ensuit que ses forces sont excessivement émiettées et dispersées, la doctrine militaire autrichienne d'alors exigeant que chaque vallée, chaque contrefort, soit tenu par quelques hommes ;
- L'aile gauche a quatre bataillons sur la Bocchetta et deux à Campo-Freddo, ou du moins en route pour y parvenir.
Au total, la moitié de l'armée austro-sarde est au contact des Français, mais dans des positions extrêmement éparpillées et aux communications fragiles, tandis que le reste est en cours de concentration vers Acqui et Novi, à plusieurs journées en arrière. Elle se trouve donc à la merci d'une attaque énergique, d'autant qu'aucune disposition sérieuse n'a été prise pour s'y préparer.
Les plans d'opérations des deux adversaires
Curieusement, les deux généraux en chef ont tous deux l'intention de prendre l'offensive.
Beaulieu souhaite expulser les Français de la Riviera de Gênes et s'emparer des Alpes-Maritimes, ce qui, grâce à la possession du littoral, lui permettra de mieux se coordonner avec la flotte anglaise et de diminuer l'étendue du front à défendre. Ce plan diffère à peine de celui mis en oeuvre l'année précédente par son prédécesseur. Il ne cherche qu'un gain limité au prix, croit-il, de risques limités.
Napoléon Bonaparte lui, s'est vu fixer un objectif bien plus ambitieux : faire basculer le royaume de Sardaigne de son alliance avec l'Autriche vers une alliance avec la France. Le Directoire en a même indiqué le moyen : repousser les Autrichiens, conquérir le Milanais et l'offrir en gage au Piémont, auquel on aurait jusque-là épargné les coups.
Bonaparte ne va pourtant pas agir ainsi. Ce plan implique en effet de porter toutes ses forces contre les Autrichiens en négligeant les Sardes. C'est se mettre à la merci de ceux-ci qui, bénéficiant de leur position géographique, n'auraient qu'à produire un effort minime pour couper ses communications avec la France et se porter sur ses arrières. Mais qu'il laisse en face d'eux un détachement suffisant pour parer à cette éventualité et c'est le succès contre l'Autriche qui devient problématique, les effectifs disponibles contre cet adversaire n'étant plus suffisants. En outre, les troupes sardes sont à la fois moins nombreuses et moins solides que les autrichiennes et la proximité de Turin [Torino] obligera leur gouvernement à traiter sans délai en cas de défaite. Séparer Beaulieu et Colli puis faire porter tous ses efforts contre ce dernier va donc être l'objet principal des manoeuvres de l'armée d'Italie.
De Montenotte à Mondovì
Bonaparte, arrivé le 27 mars à Nice , est à Savone [Savona] le 9 avril, après avoir suivi avec tout son état-major la route de la Corniche sous le feu des navires britanniques. Il souhaite prendre aussitôt l'offensive en franchissant les montagnes à la jonction entre les Alpes et les Apennins, aux sources de la Bormida.
Quasi simultanément, Beaulieu, après avoir rejeté un plan plus audacieux que le sien proposé par le général Colli, déclenche sa propre attaque, dirigée exclusivement sur l'aile droite française. Il pense ainsi la couper de Gênes [Genova] et se relier lui-même à la flotte de l'amiral anglais John Jervis, sans se mettre en danger en s'attaquant au gros des forces ennemies. N'ayant en vue que ces objectifs limités, il ne juge pas même nécessaire d'achever la concentration de ses troupes avant de passer à l'action.
Le premier combat a lieu à Voltri, le 10 avril. L'extrême droite française, sous Cervoni, attaquée par deux colonnes totalisant 8 000 hommes, est repoussée avec quelques pertes. Elle recule vers Savone puis La Madonna de Savone où elle rejoint la division Laharpe le lendemain. Le 11, Argenteau commence à exécuter l'ordre reçu le 9 de se porter à Montenotte et de chasser les Français des hauteurs environnantes. Il ne rencontre d'abord qu'une faible résistance. Mais, lorsqu'il se heurte au colonel Antoine-Guillaume Rampon et aux deux bataillons de la division Laharpe installés dans les retranchements abandonnés qui couronnent le Monte Legino (ou Monte Negino) , tous ses efforts se brisent sur la détermination des Français. A la nuit, il ne peut que retirer ses troupes.
Au vu de ces mouvements, Napoléon Bonaparte décide de se porter sur Argenteau avec les divisions Laharpe, Masséna et Augereau, soit 25 000 hommes valides environ. Il compte l'écraser par sa supériorité numérique et séparer les deux ailes de l'ennemi en culbutant son centre. Pendant ce temps, Sérurier est envoyé vers Ceva par la vallée du Tanaro pour fixer Colli.
Dans la nuit du 11 au 12 avril, Laharpe gravit le Monte Legino et attaque Argenteau de front au petit matin. Masséna, accompagné de Bonaparte, passe par Altare et déborde le flanc droit autrichien. Augereau, décrivant une boucle encore plus large, se porte sur Cairo puis tourne à droite pour rejoindre la zone de combat. Bien que la dernière de ces divisions, ayant plus de chemin à parcourir, arrive trop tard pour prendre part au combat, ces combinaisons aboutissent à faire assaillir 4 000 Autrichiens par 15 000 Français. Argenteau s'échappe à grand-peine vers Ponte Ivrea [Pontinvrea] par la vallée de l'Erro, laissant sur place 2 à 3 000 hommes. Il se replie ensuite sur Paretto, près de Spigno.
Ayant des raisons de penser que le plus gros des troupes ennemies se trouve à Sassello et Dego , Bonaparte prend les dispositions suivantes :
- Laharpe avance vers Sassello pour concentrer l'attention sur lui. Il doit ensuite se rabattre sur Dego et participer à l'attaque de cette place ;
- Masséna se porte sur Dego qu'il doit attaquer le 13 avec le soutien de Laharpe ;
- Bonaparte et Augereau marchent sur Carcare .
Le 13, cependant, Masséna, qui ne voit pas arriver Laharpe comme prévu, se juge trop faible pour attaquer seul Dego et se contente d'envoyer quelques hommes en reconnaissance tandis que sa division se tient à la Rochetta.
Le même jour, Augereau s'étant rendu maître des alentours de Millesimo, Napoléon Bonaparte attaque, avec deux brigades, le général Provera qui se tient à Cosseria avec 1 800 hommes. Privé de ligne de retraite par les mouvements des Français, celui-ci se jette dans le vieux château en ruine de Cosseria , accroché à un piton entre les deux Bormida et difficile à enlever d'assaut malgré son état. La nuit tombe sans évolution notable de cette situation malgré quelques tentatives de secours menées par Colli. Celui-ci doit se résigner à voir son aile gauche chassée de ses positions et assiégée. Là encore, les combinaisons de Bonaparte ont permis aux Français de se battre en large supériorité numérique : 8 à 10 000 d'entre eux affrontant 3 à 4 000 coalisés.
Pendant ce temps, Argenteau, ayant reçu l'ordre de tout faire pour tenir Dego, y envoie le colonel Joseph Philipp Vukasović (Wukassovitch) avec cinq bataillons, tandis que Beaulieu en fait marcher trois supplémentaires par Spigno.
Laissant Augereau devant Provera, qui ne va pas tarder à se rendre faute de vivres et d'eau, coûtant aux Autrichiens 2 à 3 000 hommes supplémentaires, Napoléon Bonaparte marche le 14 sur Dego . Il y dirige une attaque énergique, exécutée dans l'enthousiasme, qui aboutit à la prise ou à la destruction de sept bataillons et dix-huit canons. Argenteau, trompé par la fausse nouvelle d'une retraite de Masséna, quitte Paretto trop tard, au bruit du canon tonnant sur Dego, et n'arrive que pour assister à la chute de la place. Il bat en retraite sur Acqui [Acqui Terme] avec les débris de la garnison qui ont pu se sauver.
Le colonel Wükassovitch, lui, n'est pas encore arrivé. Victime d'une erreur chronologique commise sur l'ordre écrit qu'il a reçu, il reste inactif presque tout le 14 et ne s'approche de Dego que le 15, instruit de la prise de la place par les Français. Il les attaque cependant et obtient d'abord des succès. Ses adversaires se limitent en effet à une fraction de la division Masséna (6 000 hommes environ, le reste s'étant porté contre Colli), persuadée en outre d'être prise à partie par le corps de Beaulieu tout entier. La débandade des Français est telle que Masséna ne peut en venir à bout, et les Autrichiens se rendent maîtres des retranchements. Bonaparte, toutefois, croyant lui aussi à une attaque en force de Beaulieu, a fait demi-tour depuis Carcare où il a passé la nuit et s'en revient à Dego avec la division Laharpe et la brigade Jean-Victor Perrin (dit Victor). Vukassovich, cette fois, ne pouvant trouver nul renfort aux alentours (il n'y a plus un bataillon autrichien à vingt kilomètres à la ronde), doit céder face au nombre. Il se retire sur Acqui après avoir finalement perdu la moitié de son effectif. A Dego encore, les Français ont réussi à rassembler 15 à 20 000 hommes face à 4 000 Autrichiens.
L'ensemble de ces combats, réunis sous le nom de bataille de Montenotte, a coûté aux coalisés une dizaine de millier d'hommes et peut-être quarante canons. De tels résultats, obtenus au final essentiellement par les deux divisions Masséna et Laharpe et la brigade Victor, soit 20 000 hommes, n'auraient jamais pu être atteints en bataille rangée et résultent essentiellement de la qualité des combinaisons exécutées. Clausewitz n'a pas hésité à dire qu'en l'occurrence la stratégie a décidé presque à elle seule du résultat.
Bonaparte, ainsi établi, comme souhaité, entre les deux armées ennemies, attaque maintenant les Sardes avant qu'ils n'aient connaissance de toute l'étendue de la défaite du reste de l'armée coalisée. Laissant Laharpe en observation devant les Autrichiens, il se tourne vers Colli avec les divisions Masséna, Augereau et Sérurier.
Dès après la capitulation de Provera, Augereau s'est dirigé sur Montezemolo et a refoulé Colli sur Ceva. Le 16 avril, il est devant cette place. Sérurier le rejoint alors après avoir descendu la vallée du Tanaro dans laquelle il a été positionné depuis le début de la campagne. Colli répartit ses 15 000 hommes entre Ceva (8 000), Pedaggera (au nord, 4 000) et Mondovì (3 000, servant de réserve). Le 19, Augereau attaque à Ceva et Pedaggera tandis que Sérurier tourne l'ennemi par sa droite à Mombasiglio et Masséna par sa gauche à Castellino Tanaro. Les Sardes résistent courageusement dans les redoutes de Ceva mais ne peuvent échapper aux mouvements tournants qui menacent de les encercler qu'en se retirant sur la rivière Cursaglia, dans une position rendue très forte par ses berges à pic. Leur droite est à Madonna de Vico, leur centre à San Michele Mondovì, leur gauche près de Lesegno.
Napoléon Bonaparte donne l'ordre d'attaquer sans tarder. Mais ni Augereau ni Masséna ne parviennent à franchir la rivière et Sérurier, qui en est venu à bout, est rejeté sur l'autre rive avec de grosses pertes. Seule une brigade, commandée par le général Jean Joseph Guieu (ou Guyeux), franchit la Cursaglia en amont de Torre Mondovì et repousse la droite des Sardes. C'est insuffisant pour ne pas faire de ce combat un échec français.
Cinq jours après Dego, il est à craindre que Beaulieu soit à nouveau en état d'intervenir. C'est d'ailleurs ce que promet l'ambassadeur autrichien à la cour de Turin et ce à quoi s'attend Bonaparte. Les troupes françaises étant harassées et quelque peu démoralisées par leur insuccès devant la Cursaglia, la situation devient délicate. Napoléon Bonaparte réunit alors un conseil de guerre à Lesegno . Il en ressort que ni la fatigue ni le découragement des troupes ne doivent retarder une nouvelle attaque. Les circonstances ne pouvant devenir que de plus en plus défavorables, il faut agir immédiatement, sous peine d'être rapidement acculé à la défaite.
Les dispositions suivantes sont donc prises pour l'attaque du 22 avril :
- Sérurier attaquera l'aile droite ;
- une nouvelle division provisoire de deux brigades, confiée au général Philippe Romain Ménard, se portera au centre contre San Michele Mondovì ;
- la brigade de Barthélemy Catherine Joubert sera opposée à l'aile gauche de Colli ;
- Augereau tentera de couper les communications ennemies à Castellino.
Le général Colli, qui ne peut espérer résister si les Français cherchent une action décisive, ne doit attendre une amélioration de sa situation que d'une action combinée avec Beaulieu. Sa seule préoccupation est de gagner du temps en attendant celui-ci. Il change donc de position dans la nuit du 21 au 22 pour en prendre une nouvelle devant Mondovì, soit un à deux kilomètres plus en arrière, qui paraît de nature à permettre d'attendre des secours pendant quelques jours.
Malheureusement pour les Sardes, lorsque les Français constatent qu'ils attaquent une position abandonnée, ils entament aussitôt la poursuite. Sérurier et Ménard sont les premiers au contact. Les troupes de Colli, qui n'ont pas reculé assez vite sont rejointes près de Vico [Vicoforte] et sont déjà en pleine confusion au moment où elles atteignent leur destination pour y subir aussitôt l'attaque des Français. Le centre résiste un moment sur le Bricchetto mais, cerné, finit par céder. Colli se retire en traversant Mondovì . Il perd 1 000 hommes et 8 pièces d'artillerie mais parvient à infliger des pertes sérieuses à la cavalerie française qui charge prématurément la sienne au cours du repli.
Cette défaite et le peu de secours à espérer de leur allié autrichien achèvent de démoraliser les troupes et le gouvernement sardes. Dès le 23 avril, celui-ci manifeste son désir de conclure un armistice. Cette demande étant parfaitement conforme aux intérêts français, Bonaparte se garde bien de poser des conditions trop dures. Il se contente de réclamer deux places à choisir parmi Alessandria , Tortone [Tortona] et Coni [Cuneo], en vue d'en faire les bases de ses opérations ultérieures.
En attendant la réponse sarde, Napoléon Bonaparte fait franchir l'Ellero à son armée le 23 avril. Le lendemain, Serrurier se dirige sur la Trinité de Fossano d'où il se porte le 25 sur Fossano qu'il occupe après avoir échangé quelques tirs d'artillerie avec Colli. Le même jour Masséna entre à Cherasco et Augereau à Alba. Laharpe, lui, n'a pas bougé, restant à Benedetto. Le 26, Masséna et Augereau rejoignent Serurier, tandis que la place de Coni est investie. Bonaparte est désormais solidement installé entre Colli et Beaulieu.
Le général en chef autrichien, en effet, à la nouvelle de Mondovì et de la demande d'armistice des Sardes, a renoncé à prendre des dispositions pour réunir les deux armées coalisées vers Alba tandis que Colli, pour sa part, a continué de reculer en direction de Turin. Le 26, ce dernier se trouve dans les environs de Carmagnola.
Le 28, le gouvernement sarde, considérant que les Français ne sont qu'à deux étapes de Turin, qu'un parti républicain commence à se manifester dans la capitale et que l'esprit de l'armée lui donne des inquiétudes, signe l'armistice de Cherasco. Le Piémont-Sardaigne se retire du conflit.
La chute de Milan et de la Lombardie
Avec la défection du royaume de Sardaigne, la situation des Autrichiens en Italie en devient extrêmement précaire. Les Français sont désormais en position de supériorité numérique, morale et même politique car il se forme dans les divers états de la péninsule de puissants partis favorables aux idées nouvelles, dont ils espèrent une renaissance italienne. Dans ces conditions, tenter de se maintenir sur le cours supérieur du Pô est manifestement une trop lourde tâche pour l'armée autrichienne. Il n'y aurait à en attendre que de nouvelles défaites. C'est pourtant la mission que son gouvernement va prescrire à Beaulieu. Celui-ci passe donc le Pô et installe le gros de ses troupes à Valeggio [village de l'actuelle province de Pavie] et Lomello. Son aile gauche est à Sommo, entre la rivière Tessin [Ticino] et le Pô, avec quelques avant-postes sur ce fleuve qu'ils surveillent jusqu'à Olona ; son aile droite sur la Sesia. Le choix de cette disposition est essentiellement motivé par la clause en principe secrète que Napoléon Bonaparte a fait inclure dans l'armistice de Cherasco pour lui donner l'autorisation de franchir le Pô à Valenza.
Napoléon Bonaparte reprend l'offensive dès le début mai 1796, avant l'arrivée des renforts autrichiens. Dans l'état des forces en présence, le choix du point où il passera le Pô ne dépend que de lui. Il va résulter d'une balance entre contraintes pratiques et impératifs stratégiques. La première et la plus importante des difficultés est le manque de matériel de pont. Il impose l'utilisation des moyens disponibles au point de passage et interdit par conséquent d'en choisir un qui soit sérieusement défendu. En second lieu, si un franchissement effectué très à l'est a le double avantage de rejeter les Autrichiens loin du Milanais et d'éviter à l'armée française le franchissement de plusieurs affluents de la rive gauche du Pô, il ne peut cependant se faire assez près de l'Adriatique pour repousser directement Beaulieu au-delà de l'Adige . Il faudra donc de toute façon pénétrer en Lombardie et y investir les différentes places fortes qui s'y trouvent.
Napoléon Bonaparte décide finalement de traverser un peu en aval du point où il se fait fort d'attirer Beaulieu. Quelques démonstrations exécutées dans cette dernière zone complèteront l'effet des clauses cachées de l'armistice. Pendant que les Autrichiens auront leur attention tournée vers ce point, un détachement français sera envoyé passer un peu plus à l'est. Le reste de l'armée suivra aussitôt. Cette façon de faire interdit de traverser plus loin que Plaisance [Piacenza]. L'armée française prendra donc pied sur la rive gauche du Pô avant le confluent de ce fleuve avec l'Adda, ce qui est un inconvénient ; l'avantage sera de pouvoir compter sur l'effet de surprise.
Le 4 mai, les divisions françaises sont positionnées ainsi :
- Serurier à Alexandrie et Valenza ;
- Masséna à Tortone et Sale ;
- Augereau à Castellanio ;
- Laharpe à Voghera et Casteggio.
Tout semble donc confirmer que le Pô sera franchi à Valenza. Mais le 6 mai, Napoléon Bonaparte, avec 3 000 grenadiers et 1 500 cavaliers, se dirige sur Plaisance à marche forcée. Le 7, il y traverse le fleuve au moyen des embarcations trouvées sur la rive droite. Les deux escadrons autrichiens qui tiennent l'autre rive sont repoussés. Le reste de l'armée d'Italie commence à passer le jour même mais il en faudra encore deux pour que les faibles moyens disponibles permettent de la rassembler sur la rive gauche.
Pendant ce temps, Beaulieu effectue quelques mouvements assez désordonnés qui aboutissent cependant à mettre le général Anton Lipthay (ou Liptay) de Kisfalud et ses 8 000 hommes au contact des Français de la rive gauche dès le 7 au soir. Liptay n'ose cependant les attaquer à fond et se retire sur Fombio. Le lendemain matin, à la tête de 10 à 12 000 hommes organisés en trois colonnes, Napoléon Bonaparte l'attaque. Deux colonnes de flanc entreprennent de le couper de Casal Pusterlengo d'un côté, de Codogno et Pizzighettone de l'autre. La troisième l'attaque de front. Lipthay parvient à se retirer après avoir perdu 600 hommes, poursuivi jusqu'à Codogno par Laharpe puis en direction de Pizzighettone par Claude Dallemagne.
Simultanément ou presque, Beaulieu, informé du combat du 7, se met en marche vers Ospedaletto dans l'intention, en se réunissant à Liptay, de rejeter les Français sur l'autre rive du Pô. Le soir, malgré la nouvelle de la défaite de son lieutenant, il décide de poursuivre son mouvement pour le rejoindre le lendemain à la première heure. Cette même nuit, le général Laharpe est accidentellement tué par ses propres soldats au cours d'une attaque que subit sa division vers Codogno. Le succès de ce petit engagement conforte Beaulieu dans ses projets offensifs. Il décide un assaut général sur Codogno et envoie les ordres nécessaires puis, constatant qu'ils ne peuvent atteindre Liphay, finit par y renoncer. Il ne va plus désormais s'appliquer qu'à ramener son armée derrière l'Adda. Colli (que l'armistice de Cherasco a relevé de son commandement et qui désormais est à la tête d'une division de l'armée de Beaulieu) reçoit l'ordre de laisser une garnison dans la citadelle de Milan et de franchir la rivière à Cassano, Sebbotendorf celui de rallier Wukassovitch puis de se rendre au plus vite à Lodi. Le 9, Beaulieu prend cette même direction.
L'artillerie et la cavalerie françaises finissent de passer sur la rive gauche du Pô le 10 mai (un pont est enfin disponible ce jour-là). En cours de journée, Napoléon Bonaparte se met en route vers Lodi. Il n'emmène avec lui que des grenadiers. La division Masséna suit, celle d'Augereau est un peu en arrière. La division Laharpe, confiée au général Ménard, reste à Pizzighettone. Sérurier marche sur Pavie [Pavia], avec ordre de pousser ensuite sur Milan.
Beaulieu, lui, part immédiatement pour Crema, laissant le général Anton von Schubirž von Chobinin à Lodi pour attendre Sebottendorf. Celui-ci arrivé (et Schubirts parti rejoindre son général en chef) il reste 12 600 hommes sur place. Sebottendorf n'est pas censé stationner plus d'une journée à Lodi. Sa mission n'est que de procurer au reste de l'armée un répit pour qu'elle puisse se reposer après les marches forcées des jours précédents.
Malgré le nombre des défenseurs et la longueur du pont (quelques 200 mètres) qui rendent de l'avis général la position inexpugnable, Bonaparte, après quelques heures de combat, décide de faire prendre le pont d'assaut. Epouvantées par la témérité des assaillants et probablement déjà très abattues par les défaites subies les semaines précédentes, les troupes autrichiennes cèdent à la poussée des grenadiers français puis des divisions Masséna et Augereau.
Sebottendorf, qui perd dans l'affaire 2 000 hommes et 15 canons, se rallie à Fontana puis se retire à Beuzona et atteint Crema dans la nuit, sans que sa retraite soit perturbée par les Français.
Après ce fait d'armes inouï, dont le retentissement est immense en Europe, Napoléon Bonaparte s'attarde quatre jours sur place. C'est le moment où il reçoit une communication du Directoire lui annonçant que le gouvernement compte renforcer l'armée d'Italie avec les troupes de l'armée des Alpes mais aussi la scinder en deux parties égales. La première, commandée par François Christophe Kellermann, continuera d'opérer en Italie du Nord, tandis que l'autre, confiée à Bonaparte, devra descendre dans la péninsule pour chasser les Anglais de Livourne [Livorno] et contraindre Rome et Naples à signer la paix. Napoléon répond le 14 par un refus poli, arguant de la faute que serait cette division du commandement et mettant sa démission dans la balance. A la réception de sa lettre, le Directoire renonce au projet.
Pendant ce temps, Beaulieu a fait retraite par Pizzighettone et Crémone [Cremona] vers l'Oglio, qu'il passe le 14 mai. Il se retire ensuite derrière le Mincio par Mantoue [Mantova]. Plutôt que de le poursuivre vivement, Napoléon Bonaparte choisit de s'assurer du Milanais.
La garnison autrichienne de Pizzighettone s'étant rendue, les divisions Masséna et Augereau marchent sur Milan pendant que que Sérurier surveille la retraite autrichienne depuis Crémone. Alors que la division Laharpe cesse d'être citée dans les rapports, ses effectifs ayant probablement été répartis entre les trois autres, Augereau s'assure de Pavie en y installant une garnison de 300 hommes puis rejoint Masséna à Milan le 14 mai. Napoléon Bonaparte fait à son tour son entrée dans la capitale lombarde le lendemain et charge le général Hyacinthe François Joseph Despinoy de réduire la citadelle, où résistent encore les 1 800 à 2 500 soldats laissés sur place par Colli.
Le général en chef consacre les jours suivants à l'administration et à la diplomatie tandis que ses troupes jouissent pendant huit jours de leur première détente depuis le début des opérations.
Le 23 mai, elles sont rassemblées sur l'Adda autour de leur chef quand celui-ci apprend la survenue de troubles dans le Milanais et que l'armée française est menacée d'un soulèvement sur ses arrières. La mauvaise tenue des troupes, les lourdes réquisitions, le sourd travail du clergé et les rumeurs annonçant l'arrivée de renforts importants pour Beaulieu ainsi qu'un débarquement anglais à Nice en sont les principales causes. Quelques désordres sont signalés à Milan mais c'est à Pavie que la situation est la plus sérieuse. Des milliers de paysans en armes s'y sont emparés du château après avoir neutralisé la garnison française.
Bonaparte se préoccupe d'abord de rétablir la situation à Milan, où il retourne aussitôt. C'est chose faite dès le 24 au soir. Il prend ensuite sans tarder la route de Pavie à la tête de 1 800 hommes. Le 25, il disperse un rassemblement de paysans armés à Binasco et fait brûler le village. Le 26, il atteint son objectif et reprend la cité non sans avoir dû combattre. La sévérité de Napoléon Bonaparte s'exerce alors aussi bien sur les soldats français - le dixième de la garnison et son commandant, qui se sont rendus sans combat, sont fusillés - que sur les insurgés - quelques maisons sont brûlées et la ville livrée quelques heures au pillage. Le calme revenu, l'armée se retourne à nouveau vers l'ennemi autrichien et prend la direction de Brescia où elle arrive le 27.
Le passage du Mincio
Beaulieu est décidé à défendre la ligne du Mincio. En comptant la garnison de Mantoue, portée à 13 000 soldats, il dispose de 31 000 hommes. Quelques milliers en sont assez inutilement postés sur les bords du lac de Garde , vers Riva et jusqu'aux sources de l'Adige. Le reste se répartit comme suit :
- Liptay, avec 4 500 hommes, forme l'aile droite. Il est installé vers Peschiera, avec son avant-garde sur la Chiese, un affluent du Pô descendant du nord à l'ouest du lac de Garde ;
- Sebottendorf, avec 6 000 hommes, tient le centre, à Valeggio sul Mincio ;
- Colli, avec 9 500 hommes, dont la moitié pris sur la garnison de Mantoue, occupe l'aile gauche, à Goito ;
- Michael Friedrich Benedikt von Melas, avec 4 500 hommes, commande la réserve. Il est cantonné à Oliosi ;
- Le QG de Beaulieu est à San Giorgio, près de Borghetto ;
- Mantoue est tenue par 8 à 9 000 hommes, dont la moitié sont détachés vers la Chiese et le Pô ;
- Quelques avant-postes sur la rive droite du Mincio complètent le dispositif.
Napoléon Bonaparte décide de franchir le Mincio à Borghetto . Le pont n'y a pas été détruit, pas plus d'ailleurs que les trois autres qui existent sur cette rivière. Mieux encore, il n'est défendu que par un bataillon et une pièce d'artillerie, les Autrichiens ayant, comme à leur habitude, excessivement éparpillé leurs forces.
Le 30 mai au matin, les Français parviennent à franchir la rivière. L'ennemi fait retraite par Castelnovo pour ce qui est de Beaulieu, Mélas et Lipthay, par Villafranca [Villafranca di Verona] et Bussolengo pour Sebottendorf. Colli, de son côté, renvoie son infanterie à Mantoue avant de rejoindre Liptay avec sa cavalerie. La poursuite, cependant, ne témoigne pas de l'ardeur habituellement déployée par Napoléon Bonaparte pour exploiter ses avantages. L'indisposition dont il est victime le jour de la bataille, ou, plus probablement, l'état de fatigue de ses troupes expliquent cette inhabituelle mollesse. Masséna, cependant, s'avance jusqu'à Rivoli Veronese , suivant les Autrichiens dans la vallée de l'Adige . Beaulieu y recule jusqu'à Calliano, au-delà de Trente et se disperse encore une fois depuis les Grisons jusqu'à la vallée de la Brenta.
Début du blocus de Mantoue
Ayant repoussé ses adversaires jusque dans le Tyrol, l'armée française se dispose de façon à protéger ses conquêtes et à les compléter par la prise de Mantoue avant l'arrivée d'une armée autrichienne de secours. Pour cela, Napoléon Bonaparte doit se rendre maître de la ligne de l'Adige en contrôlant les ponts de Vérone et de Legnago. Le 3 juin 1796, il envoie Masséna s'emparer de la première de ces villes. Porto-Legnago est occupé de même et une armée d'observation se positionne depuis le Monte-Baldo jusqu'au bas Adige, en passant par Vérone. Le siège de Mantoue est ainsi couvert. Napoléon Bonaparte lui-même s'y porte avec Sérurier et Augereau.
Le Mincio forme en ce temps-là trois lacs qui entourent la ville. Celle-ci est reliée à la terre par cinq digues coupées de de pont-levis ou de portes dont une seule, celle de la Favorite, est protégée par une citadelle. Le 4 juin, Napoléon Bonaparte prend le contrôle des quatre autres issues après des combats assez vifs. Puis il charge Sérurier du blocus en lui affectant 8 000 hommes, ce qui est presque moitié moins que l'effectif des assiégés, mais que la configuration des lieux rend suffisant. Convaincu par ses ingénieurs que la place ne pourrait tenir longtemps, Bonaparte ne fait établir aucune circonvallation, ce qui s'avérera une erreur lorsque Dagobert Sigmund von Wurmser, après la bataille de Bassano, parviendra de ce fait à se réfugier dans la place.
Durant les semaines suivantes, pendant que Masséna, avec 12 000 hommes, continue à surveiller la vallée de l'Adige, Bonaparte s'occupe à l'organisation des territoires occupés, au siège de Mantoue, à la diplomatie, et à des expéditions militaires d'importance secondaire dans le sud de la péninsule. S'il s'en donne le loisir, c'est qu'il sait avoir du temps devant lui. Beaulieu est en effet figé dans l'attente de 30 000 hommes de renfort envoyés d'Allemagne dont aucun ne s'est encore mis en route et qui ne peuvent atteindre leur destination en moins de six semaines, deux circonstances dont l'état-major français est parfaitement informé.
Au cours des premiers jours de juin 1796, les régions occupées manifestent à nouveau une certaine agitation. Ces troubles sont sévèrement réprimés et le sénat de Gênes, sur le territoire duquel ils se sont produits, est très fermement invité à ne pas en tolérer de nouveaux. Le roi de Naples, pour sa part, tire prudemment les conséquences des défaites de Beaulieu en faisant parvenir le 5 des propositions d'armistice.
Pour convaincre le Pape Pie VI de se montrer aussi sage que son voisin méridional, Augereau, avec 10 000 soldats, marche sur Bologne. Il passe le Pô le 14 juin et prend la ville le 19. Son général en chef l'y rejoint presque aussitôt. La démonstration est suffisamment convaincante pour que, dès le 23, un plénipotentiaire pontifical, le marquis Antonio Gnudi, signe un armistice qui coûte à son souverain vingt et un millions de francs, cent objets d'art et l'occupation de Bologne, Ferrare et Ancône jusqu'à la paix. Trois jours plus tard, Bonaparte quitte Bologne pour Pistoïa avec la division Charles-Henri de Belgrand de Vaubois (arrivée depuis peu de l'armée des Alpes) puis pousse jusqu'à Livourne où il s'empare de marchandises anglaises. Vaubois et Augereau repartent ensuite pour l'Adige après avoir laissé quelques garnisons derrière eux, à Livourne et Ferrare entre autres. L'état d'esprit y est toutefois si résolument favorable aux idées nouvelles que les gardes nationales dont se dotent ces villes suffiraient à assurer la domination française.
Pendant ce temps, Sérurier, avec 10 000 soldats, poursuit le blocus de Mantoue. La cité est bien approvisionnée en hommes (13 000), en canons (316) et en vivres et se trouve sous le commandement d'un militaire réputé, le général Josef Franz Canto d'Irles dont la principale préoccupation est le nombre très élevé de malades que compte sa garnison : près de 4 000. Fin juin, l'arrivée d'Augereau est l'occasion pour les Français d'entamer enfin un siège en bonne et due forme, avec un effectif renforcé. Cependant, comme Wurmser s'est entre-temps mis en route pour le Tyrol, la question se pose de savoir s'il est judicieux d'entreprendre ces travaux avant les combats à venir. Les assurances de ses ingénieurs, qui prédisent une chute rapide de la place, emportent la décision de Napoléon Bonaparte. Le chantier s'ouvre le 18 juillet.
Première offensive de Wurmser
Bien que Beaulieu, dès le mois de juin, ait cédé sa place au général Mélas, c'est Wurmser qui a finalement été désigné pour lui succéder et qui, à la tête d'un renfort de 29 000 hommes, chemine pour l'heure du Haut-Rhin vers le Tyrol. L'addition de ces forces à celles déjà présentes sur le front et à quelques autres secours venus d'autres points de la monarchie autrichienne va rassembler plus de 60 000 hommes sous ses ordres.
Plan de campagne autrichien
Le plan de Wurmser prévoit de déboucher de la montagne par les deux rives du lac de Garde. Une première colonne de 32 000 hommes, sous son propre commandement, descendra la vallée de l'Adige. Une seconde, de 18 000 soldats, confiée à l'autorité de Peter Vitus von Quasdanovitch, arrivera par Riva et Salo, à l'ouest du lac. La manoeuvre poursuit plusieurs buts : sécuriser le trajet de forces trop considérables pour n'utiliser qu'une seule route ; amener les Français à se diviser eux-aussi, leur ligne de retraite étant menacée ; dégager ainsi quasi mécaniquement Mantoue ; exploiter au mieux les conséquences de la victoire sur laquelle on compte en cas de bataille générale et qui, couplée à la possession de Mantoue, libèrera le Milanais. Comme le dit Napoléon dans ses Mémoires : "Wurmser ne songeait pas à vaincre mais à profiter de sa victoire et à la rendre décisive et fatale à son ennemi." Et Clausewitz d'ajouter : "(...) nous n'hésitons pas à tenir le plan des Autrichiens pour une de ces conceptions stratégiques où une fausse science d'état-major éprouve le besoin de combiner des forces et des directions sans même savoir pourquoi."
Côté Français, Pierre François Sauret de la Borie (dit Sauret) forme l'aile gauche du dispositif avec 4 à 5 000 hommes placés sur la rive ouest du lac de Garde et dans la vallée de la Chiese. Il est donc sur la route de Quasdanovitch. Sur celle de Wurmser se dresse Masséna qui commande, depuis son quartier général de Bussolengo, 15 à 16 000 hommes établis entre Rivoli Veronese et Vérone, montant la garde aux principaux points de l'Adige. A sa droite, Le général Despinoy veille sur le fleuve de Vérone à Zevio, à la tête d'une réserve de 5 000 fantassins cantonnés vers Peschiera. Plus loin, Augereau se tient avec 5 à 6 000 hommes à Legnago et surveille le cours d'eau de chaque côté de cette cité. La réserve de cavalerie (15 à 16 000 chevaux) est à Valèze [Valeggio sul Mincio]. Le tout représente 33 000 hommes environ, capables de se rassembler en deux jours, que ce soit à l'est entre le Mincio et l'Adige ou à l'ouest entre le Mincio et la Chiese. Devant Mantoue, Sérurier conserve 10 000 hommes et l'immobilité.
Succès autrichiens
Le premier accrochage a lieu le 29 juillet à Rivoli Veronese , position que la configuration du terrain rend très difficile à défendre contre des forces supérieures en nombre. Napoléon Bonaparte, en conséquence, n'attend pas de Masséna qu'il y fasse une défense obstinée mais simplement qu'il y gagne le temps nécessaire pour rassembler les forces françaises et leur permettre d'offrir le combat en un lieu choisi par leur général en chef. Wurmser se présente fractionné en deux colonnes principales et trois colonnes secondaires, sur un front de 20 kilomètres de large. Ce qui aurait pu lui coûter cher contre le gros de l'armée française se trouve sans danger contre les 8 à 10 000 soldats stationnés en face de lui. Dans ces conditions, au contraire, à moins d'un homme contre deux, ce sont les défenseurs qui peuvent se mettre en grand péril s'ils résistent à outrance. Sagement, Masséna ne se défend que le temps de recueillir ses avant-postes puis se retire. Cette conduite pourtant prudente n'est déjà pas sans causer des pertes substantielles en hommes et en matériel. Un peu avant la nuit, sa division arrive à Pioretano.
De son côté Quasdanovitch, le 29 également, repousse de Salo les Français du général Sauret. Un bataillon français et le général Guieu parviennent cependant à s'y maintenir, retranchés dans une grande bâtisse à l'extérieur de la ville. Quasdanovitch avance ensuite jusqu'à Gavardo et l'un de ses détachements capture à Brescia quelques troupes et plusieurs généraux. Sauret doit reculer jusqu'à Desenzano.
Lorsque lui parviennent les rapports concernant ces engagements, dans lesquels les forces ennemies sont peut-être surévaluées, Napoléon Bonaparte estime indispensable de procéder à une concentration générale de ses forces. Le 30 juillet au soir, après concertation avec ses généraux (dont il serait bien invraisemblable qu'elle ait pris la tournure racontée plus tard par Augereau, pour s'y donner tout le mérite des dispositions finalement adoptées), il décide de lever le siège de Mantoue sans même prendre le temps de sauver les parcs d'artillerie, et de se porter en masse sur l'une des deux colonnes ennemies, pendant que celles-ci sont encore séparées par le lac de Garde. L'attaque portera sur Quasdanovitch, dont l'armée est la plus faible et menace les arrières des Français ainsi que leurs communications avec Milan.
Ce jour-là, Masséna est à Castelnovo, Augereau à Roverbello, Despinoy et Charles Édouard Jennings de Kilmaine à Villafranca di Verona. Sérurier s'occupe de lever le siège de Mantoue. Il va bientôt faire retraite à Borgoforte et Marcaria, d'où il contrôlera la route de Crémone. Sauret ne bouge pas de Desenzano. Guieu tient toujours à Salo face à l'aile gauche de Quasdanovitch. Celui-ci continue son avancée vers la Chiese et atteint Ponte San Marco et Montechiaro [Montichiari] .
Dans la nuit du 30 au 31, Masséna et Augereau passent le Mincio en y laissant quelques troupes. Le premier se dirige vers Lonato, le second vers Montechiaro. Bonaparte se porte lui-même sur Desenzano où il ordonne au général Sauret de secourir le général Guieu. Sauret exécute cet ordre avant de se positionner, le lendemain, entre Salo et Desenzano.
Le 31, le général Despinoy, en train de se faire maltraiter à Lonato, voit arriver à sa rescousse Napoléon Bonaparte à la tête des brigades Rampon et Dallemagne, tirées de la division Masséna. La supériorité numérique ayant changé de camp, les Autrichiens sont contraints de reculer après avoir perdu 5 à 600 hommes. Quasdanovitch, après ces deux échecs, comprend qu'il est face au gros des troupes françaises et rétrograde jusqu'à Gavardo.
Bonaparte continue vers l'ouest sur Brescia avec les divisions Augereau et Despinoy. Contrairement à ses attentes, les Autrichiens sont à peine en état de lui disputer la ville. Il vient aisément à bout de leur faible résistance, les expulse, et laisse sur place la division Despinoy. Le 2 août, il repart à Montechiaro.
A l'est, Wurmser entre dans Mantoue le 1er août. Il envoie une partie de la garnison à la poursuite de Sérurier vers Marcaria et Borgoforte et se déploie le long du Mincio, en plaçant son avant-garde à Goito, sous le commandement de Lipthay. Les traces du départ précipité des Français achèvent de le convaincre, après ses succès à Rivoli et Salo, que sa supériorité numérique et sa stratégie lui ont donné une complète victoire. Il reste donc à peu près inerte le 2, se contentant de faire avancer Lipthay jusque vers Castiglione delle Stiviere. Les arrière-gardes françaises du Mincio sont repoussées, en particulier les troupes qui occupent Castiglione, dont le général se comporte si mal qu'il est aussitôt destitué. Dans la soirée, Wurmser apprend tardivement et avec surprise les violentes attaques que Quasdanovitch a subies, les pertes très importantes qui lui ont été infligées, et son recul sur Gavardo. Le retard avec lequel il en est informé tient pour beaucoup à la position du gros des troupes françaises, qui ont réussi à se placer entre les deux colonnes ennemies.
Défaites autrichiennes
Bataille de Lonato
Le 3 août 1796, Napoléon Bonaparte, souhaitant repousser encore davantage Quasdanovitch, en confie la mission au général Despinoy, pourvu de 5 à 6 000 hommes. Il a ordre d'avancer sur Gavardo, Pietro [vraisemblablement Chiesa S. Pietro, 45.62120, 10.49128] et Salo en trois colonnes, une quatrième menaçant le flanc droit des Autrichiens par Osetto [sans doute Soseto]. Augereau, renforcé par la cavalerie de Kilmaine, est chargé de reprendre Castiglione. Bonaparte lui-même reste avec Masséna à Lonato , au centre du dispositif, prêt à se porter où les circonstances le demanderont.
Malgré une résistance opiniâtre de Lipthay, Augereau parvient à s'établir à Castiglione. Au contraire, face à Quasdanovitch, Despinoy est accablé sous le nombre et refoulé sur Rezzato et Brescia, seul le général Guieu, sur l'aile droite, parvenant à progresser, avançant jusqu'à Salo. Les Autrichiens atteignent Lonato, y défont le général Jean Joseph Magdeleine Pijon (ou Pigeon), puis s'avancent à Ponte San Marco. Ils s'y trouvent soudain aux prises avec la division Masséna et Napoléon Bonaparte lui-même, qui viennent d'y arriver. Les Autrichiens tentent alors de déborder sur les deux flancs mais c'est leur propre centre qui est enfoncé et leurs ailes séparées. Les troupes de Quasdanovitch se rallient finalement aux alentours de Gavardo. Napoléon Bonaparte, resté à Lonato, envoie quelques renforts à Guieu et donne l'ordre à Despinoy de repartir à l'attaque, toujours contre Quasdanovitch.
Au total, la journée a coûté aux Autrichiens 3 000 hommes et 20 pièces d'artillerie. La bataille, pour n'être pas décisive, permet aux Français d'aborder les futurs engagements dans les meilleures conditions. D'abord, Quasdanovitch est désormais à peu près incapable d'y participer, d'autant qu'il sera encore attaqué le lendemain par Guieu et, menacé sur sa droite à Gavardo, reculera bientôt sur Riva puis jusqu'à la forteresse de Rocca d'Anfo. Ensuite, Wurmser lui-même n'est pas intact et les Français peuvent l'attaquer en bénéficiant de l'avantage du nombre. S'il se dérobe, la poursuite qu'on lui fera dans la montagne donnera l'occasion de le maltraiter encore davantage. Napoléon Bonaparte décide donc de marcher le 5 août sur Wurmser.
Le 4 août est consacré à remettre en état les troupes et à attendre l'approche de deux brigades de la division Sérurier, commandées par le général Pascal Antoine Fiorella, auxquelles a été envoyé l'ordre de se mettre en mouvement, de Marcaria où elles se trouvent, vers Guidizzolo, où elles devront se tenir prêtes à intervenir le lendemain.
Bataille de Castiglione
Le 5 au matin, Napoléon Bonaparte avance sur Solférino . Masséna est à gauche, Augereau à droite, avec Kilmaine derrière lui. Fiorella, depuis l'aube, est arrivé à Guidizzolo et a ordre de marcher sur Cavriana , sur les arrières des Autrichiens. Le tout représente environ 30 000 hommes. Wurmser en a 29 000. Son aile droite est à Solferino, sa gauche positionnée en travers de la route de Brescia à Mantoue . Attaqué à la fois de front et dans son dos, Wurmser doit se retirer à Valeggio sul Mincio et Peschiera , mais réussit à limiter les dégâts grâce à sa supériorité en cavalerie. Il n'en perd pas moins 3 000 hommes et vingt bouches à feu. Les Français, à l'issue de la bataille, ne le poursuivent que jusqu'à Pozzolenzo et Castellaro Lagusello .
Wurmser cherche dans un premier temps à se maintenir dans un camp retranché près de Peschiera mais il en est délogé dès le 6 août par Masséna. Trop faible désormais pour tenir le Mincio où même pour rester trop étroitement au contact de l'armée française, il renouvelle et renforce la garnison de Mantoue, la portant à 15 000 hommes, puis remonte dans la vallée de l'Adige et le Tyrol.
Il y est d'abord suivi par la quasi totalité de l'armée française. Mais Sérurier rebrousse bientôt chemin pour reprendre Vérone et se positionner à nouveau devant Mantoue. Masséna, le 7 août, réintègre son ancienne position à Rivoli Veronese avant d'occuper le Monte Baldo et La Corona le 11. Augereau se réinstalle dans la plaine. A l'ouest du lac de Garde, Limone et Riva tombent, ainsi que l'important poste de la Rocca d'Anfo, dans la vallée de l'Idro, le 12.
Quasdanovitch se rattache à nouveau au gros de l'armée autrichienne près d'Ala, dans la vallée de l'Adige, après quoi Wurmser retourne à Trente , en laissant son avant-garde à Rovereto.
A Mantoue, les Français se contentent à nouveau d'un simple blocus de la ville, faute de disposer du nécessaire pour pouvoir en reprendre le siège. Tout l'équipement disponible a en effet été détruit au moment de l'offensive de Wurmser. Le reconstituer ne pourrait se faire dans un délai assez court pour permettre la prise de la cité avant la prochaine attaque autrichienne, que l'on sait imminente. Bonaparte juge donc inutile de s'exposer à perdre à nouveau son matériel lorsqu'elle se produira.
Bilan de l'offensive
Paradoxalement, à la fin de cette offensive ratée, la situation, pour n'être pas très différente de celle de la fin du mois de juin 1796, s'est plutôt améliorée du point de vue autrichien. Bien que presque constamment battu, Wurmser a néanmoins réussi à empêcher la prise de Mantoue et même à faire cesser le siège de la ville. Les Français, toujours vainqueurs, n'ont pas obtenu la victoire décisive qui leur aurait permis de poursuivre leurs ennemis à travers le Tyrol et restent retenus en Italie par la valeur défensive de Mantoue.
Les opérations s'interrompent jusqu'au début de septembre 1796. Cette inaction s'explique par les pénuries en tout genre dont souffrent les troupes françaises et par l'attente des 20 000 hommes de renfort, tirés de l'armée des Côtes de l'Océan et de celle des Alpes, que le gouvernement français a promis à Bonaparte. Ces soldats lui sont en effet indispensables alors que son armée compte 15 000 malades dans ses rangs.
Une différence d'appréciation avec le Directoire sur la suite à donner aux opérations contribue sans doute aussi à cette immobilité provisoire. Alors que Napoléon Bonaparte souhaite marcher sur Trieste, détruire la ville et le port et menacer le centre de l'Autriche, les autorités parisiennes refusent à plusieurs reprises ce projet, effectivement très risqué en termes stratégiques. Elles lui préférent une simple marche sur le Tyrol afin d'éviter que Wurmser, laissé en repos, ne puisse détacher quelques troupes en Allemagne où Jean-Victor Moreau et Jean-Baptiste Jourdan sont désormais aux prises avec l'archiduc Charles d'Autriche.
Seconde offensive de Wurmser
Positions françaises
A la fin août 1796, les 45 000 hommes des forces françaises se répartissent ainsi :
- 13 000 hommes à Rivoli, avec Masséna ;
- 9 000 hommes à Vérone, avec Augereau ;
- 11 000 hommes sur la rive ouest du lac de Garde avec Vaubois, qui a remplacé Sauret ;
- 10 000 hommes devant Mantoue, avec Jean Joseph François de Sahuguet d'Amarzit de Laroche, qui a remplacé Sérurier ;
- 2 000 cavaliers, entre le Mincio et l'Adige avec Kilmaine.
Nouveau plan de campagne et positions des Autrichiens
Les Autrichiens, de leur côté, ont déjà reconstitué l'armée de Wurmser et l'ont portée à 45 000 hommes. Le nouveau plan, dû à un général du génie nommé Franz von Lauer, prévoit à nouveau de diviser l'armée. Paul von Davidovitch restera dans le Tyrol avec 20 000 hommes ; Wurmser se répandra dans la plaine par la vallée de la Brenta. Si l'armée française se porte au devant de celui-ci, un corps de bonne taille, soustrait aux forces de Davidovitch, s'avancera dans le dos des Français par la vallée de l'Adige. Ces derniers se trouveront ainsi forcés de reculer entre l'Adige et le Mincio, bloqués dans la plaine et incapables d'entrer au Tyrol, à moins qu'ils ne préfèrent livrer bataille.
Ce plan, que Clausewitz considère plus mauvais encore que celui de la première offensive, a pour défaut selon lui de viser un objectif sans intérêt stratégique majeur, cela sans se donner réellement les moyens de l'atteindre, et au prix de l'abandon de la sécurité fournie par les Alpes. En effet Mantoue ne donne encore nul signe d'être sur le point de tomber, les effectifs autrichiens sont moins fournis qu'au mois de juillet et, à deux reprises déjà, Napoléon Bonaparte s'est senti trop faible pour s'aventurer dans les montagnes du Tyrol.
Les forces de Davidovitch, dont le QG est à Rovereto , se répartissent entre deux corps secondaires qui font face aux masifs du Vorarlberg et de la Valteline et un corps principal de 14 000 hommes positionné aux environs de Trente. Une division appartenant à celui-ci se trouve au sud de Rovereto, à Mori , sur la rive droite de l'Adige. Elle rassemble de 5 à 6 000 hommes et est commandée par le prince Heinrich zu Reuss-Plauen. Une autre, sous Wükassovitch, est à San Marco [aujourd'hui Marco, non loin de Rovereto] , avec une avant-garde à Serravalle. La réserve occupe une position très solide à Calliano.
Wurmser se met en marche vers Bassano del Grappa par la vallée de la Brenta avec les divisions Quasdanovitch, Sebottendorf et Johann Mészáros von Szoboszló, en tout 26 000 hommes.
Bonaparte attaque Davidovitch
Face à ces mouvements, dont il est rapidement informé, Napoléon Bonaparte décide de laisser Kilmaine avec 3 000 hommes dans les plaines de Vérone et Porto Legnago pour protéger le blocus de Mantoue, tandis que lui-même marchera sur le haut Adige avec Vaubois, Masséna et Augereau. Après avoir battu Davidovitch, il se lancera à la poursuite de Wurmser pour l'affronter, où qu'il se trouve.
Davidovitch étant au nord du lac de Garde , Napoléon Bonaparte fait remonter Vaubois par la rive occidentale tandis que les deux autres divisions empruntent la rive orientale. Le 3 septembre, Vaubois atteint le pont sur la Sarca, près de Torbole, le prend et se présente devant Mori. Masséna, de son côté, a repoussé les Autrichiens d'Ala puis de Serravalle et atteint San Marco. Augereau le suit comme réserve et s'occupe de sécuriser les crêtes.
Le 4 septembre, Vaubois et Masséna attaquent les villages de Mori et San Marco, en chassent les Autrichiens qu'ils poursuivent à travers Rovereto jusqu'à Calliano . Atteinte dans l'après-midi, la position, quoi que très forte, est prise avant la nuit. Les Autrichiens se retirent sur Trente avec une perte de 3 000 hommes. Le lendemain, Masséna entre dans cette ville tandis que Vaubois, en soirée, attaque à nouveau Davidovitch. Installé à Lavis, à quelques kilomètres au nord de Trente, derrière l'Avio, celui-ci est encore trop près de l'entrée de la vallée de la Brenta au gré de Napoléon Bonaparte. On le repousse donc jusqu'à Neumarkt.
Une fois encore, Napoléon Bonaparte, par ses dispositions stratégiques, a su attaquer les Autrichiens en disposant d'une forte supériorité numérique. On peut en effet estimer les effectifs de Davidovitch, lors de ces combats, à 10 000 hommes environ tandis que les divisions Vaubois et Masséna en totalisent autour de 20 000.
Bonaparte à la poursuite Wurmser
En apprenant ces événements, Wurmser décide de ne pas rebrousser chemin mais de continuer sa route vers Vérone et Mantoue afin d'obliger les Français à redescendre dans la plaine italienne. Seulement, loin de revenir sur ses pas, comme les Autrichiens s'y attendent, Napoléon Bonaparte décide de les suivre dans la vallée de la Brenta avec les divisions Masséna et Augereau, totalisant 20 000 hommes. Vaubois seul reste sur l'Avio pour surveiller Davidovitch.
Dès le 7 septembre, Augereau est à Primolano où il force la reddition de trois bataillons de Croates laissés en arrière-garde par Wurmser. 1 500 hommes et 5 canons tombent aux mains des Français. Ce même jour, Wurmser a pris position avec Sebottendorf et Quasdanovitch sur un plateau près de Bassano del Grappa. Son quartier général est à Bassano même . Quelques troupes postées à Campo Lungo et Sologna, sur chaque rive de la Brenta, couvrent les arrières de l'armée. L'avant-garde, sous Mészáros, avance vers Montebello Vicentino.
Attaqués le 8, les détachements d'arrière-garde finissent par se réfugier dans le camp autrichien et la ville de Bassano après avoir offert une résistance suffisante pour donner au gros de l'armée le temps de prendre ses dispositions. Celles-ci, si tant est qu'elles aient réellement été prises, n'empêchent cependant pas les Français de s'emparer bientôt non seulement de la ville mais aussi de grandes quantités de matériel. L'armée autrichienne est coupée en deux. Elle abandonne sur place, peut-être même sans combattre, plus de 2 000 prisonniers et 30 canons.
Séparé du corps principal autrichien, Quasdanovitch prend en catastrophe la direction du Frioul. Wurmser fuit vers Fontaniva. Il y passe la Brenta ce même jour et se dirige vers Vicence [Vicenza], puis poursuit sur Montebello Vicentino et Legnago, dans l'intention de s'enfermer dans Mantoue avec les 12 000 fantassins et les 4 000 cavaliers qui lui restent.
Le 8 septembre toujours, Napoléon Bonaparte envoie Augereau se positionner sur la route de Padoue afin de couper à Wurmser le chemin du Frioul. Simultanément, Masséna part pour Vicence où il arrive à la nuit tombante et dont il repart le lendemain matin pour Ronco. Il y passe l'Adige le 10 sur des radeaux. Le 11 au matin, il atteint Sanguinetto après avoir, en six jours, parcouru près de 200 kilomètres, pris part à la bataille de Bassano et traversé l'Adige par des moyens de fortune.
Le but de tous ces mouvements est d'obtenir la capitulation de Wurmser. Napoléon Bonaparte pense que la nature du terrain, parsemé de marais et de cours d'eau entre Legnago et Mantoue, ainsi que le passage de l'Adige ralentiront suffisamment les Autrichiens pour que Kilmaine ait le temps d'accourir au devant de Wurmser tandis que Masséna et Augereau l'assailliront sur ses arrières et ses flancs.
Wurmser à Mantoue
Wurmser passe à Legnago le 10 septembre, laisse sur place 1 800 hommes et 20 canons, puis poursuit sa marche vers Mantoue. Il traverse Sanguinetto le 11 après avoir disputé victorieusement la possession du pont sur le Menago à l'avant-garde de Masséna. Une marche de nuit l'amène à Nogara le 12. Un passage trop faiblement défendu vers Villa Impenta lui permet de franchir sans difficulté le cordon de troupes françaises qui bloquent Mantoue, où il arrive sans plus d'obstacle.
Masséna atteint Castel D'Ario le 12 mais trop tard pour intervenir. Il se porte le 13 devant Due Castelli [Castelbelforte]. Le 12 toujours, Augereau fait capituler la garnison autrichienne de Legnago puis investit Mantoue du côté de Governolo.
Fort maintenant de 29 000 hommes dont 4 000 cavaliers, Wurmser n'entend pas se laisser aussitôt enfermer dans la ville même et établit son camp entre La Favorite et San Giorgio Mantovano. Masséna tente de l'y surprendre le 14 en profitant d'un possible laisser-aller consécutif à l'installation. Il est assez sèchement refoulé jusqu'à Due Castelli.
La suite de combats victorieux que viennent de connaître les Autrichiens dans les derniers jours de la retraite détermine Wurmser à tenter une attaque de plus grande envergure le 15 septembre, sans véritable nécessité stratégique. Il s'avance donc ce jour-là entre les routes de Vérone et de Legnago avec 16 à 18 000 hommes. Mais les divisions Masséna et Augereau (ce dernier, malade, suppléé par le général Louis André Bon) le repoussent entre la Citadelle et le fort San Giorgio dont le général Victor s'empare. Wurmser doit ramener tout son monde dans la place, non sans mal, par la route de la Citadelle. Il a perdu près de 2 000 hommes dans l'aventure et ne tient plus que la Citadelle sur la rive gauche du Mincio. Sur la rive droite, il garde le contrôle du Serraglio, zone très fertile délimitée par le Mincio, le Pô et le canal de Mantoue à Borgoforte.
La garnison, minée par les maladies, compte environ dix-huit mille hommes valides, avec lesquels Wurmser va tenter au cours des mois suivants de nombreuses sorties peu fructueuses.
Le Directoire considérant qu'un siège est inutile, puisque Mantoue ne peut que tomber par suite de la famine et des épidémies, la place ne subit à nouveau qu'un simple blocus, auquel on n'emploie que 9 000 soldats, dirigés maintenant par Kilmaine. Les 33 000 autres sont répartis entre Vérone, Bassano et Trente, la réserve se tenant à Villafranca di Verona.
Bilan de l'offensive
L'offensive, cette fois-ci, a totalement échoué. La situation autrichienne est bien plus mauvaise à la mi-septembre 1796 qu'avant son déclenchement. Non seulement Mantoue n'a pas été libérée mais la ville contient désormais une garnison double, menacée par la famine. Bonaparte a de nouveau parfaitement su utiliser les erreurs de ses ennemis. La première a été non seulement de diviser leurs forces mais de séparer les deux corps ainsi créés par des montagnes ne leur offrant qu'une unique voie de communication. Une fois celle-ci aux mains des Français, le morcellement de l'armée autrichienne s'est avéré irrémédiable. De surcroît, Bonaparte a su totalement surprendre son adversaire en ne redescendant pas par la vallée de l'Adige une fois Davidovitch battu et en poursuivant Wurmser par celle de la Brenta. De ce fait, pour parer tout danger du côté de Davidovitch, il a certes dû laisser un corps de troupe nombreux devant ce dernier et accepter ainsi de ne disposer cette fois que d'une supériorité numérique limitée sur son adversaire. Mais il a obtenu en contrepartie l'avantage de poursuivre son offensive sans laisser souffler son ennemi et en se précipitant sur ses arrières. Comme l'écrit Clausewitz : "(...) Il (Bonaparte) choisit la solution la plus décisive (...) et il la mène avec une vigueur et une vitesse étourdissantes, qui n'ont jamais eu d'égales."
Pendant les mois qui suivent, Napoléon Bonaparte reste à peu près immobile sur ses positions. Plusieurs considérations justifient cette pause. En premier lieu, avec l'entrée de Wurmser dans Mantoue, la reddition de la cité équivaudrait désormais à la capture d'une armée autrichienne tout entière et devient un objectif suffisant en soi pour une armée de la taille de celle de Bonaparte.
La situation politique de la péninsule est une autre bonne raison de ne pas s'aventurer au-delà des Alpes. En favorisant les républicains locaux, les Français se sont certes facilités la gestion des territoires occupés mais ont attisé les haines des autres partis. Tout revers important pourrait provoquer de nouveaux soulèvements comparables à ceux réprimés en mai dans le Milanais. Par ailleurs, les relations avec la cour de Turin ne sont pas placées sous le signe de la confiance. Le Piémont continue d'entretenir en sous-main des contacts avec Vienne et le Directoire ne parvient pas à se décider à lui faire des propositions suffisantes pour l'attirer dans l'orbite française. Le gouvernement de Gênes non plus ne se trouve pas dans les meilleures dispositions vis à vis de la France ; le Milanais donne des inquiétudes ; le roi de Naples n'est pas loin d'être sur le pied de guerre et le Pape en est à faire des préparatifs pour entrer dans le conflit. Si les deux derniers parviennent à équiper quelques dizaines de milliers d'hommes et coordonnent leur attaque avec une nouvelle offensive autrichienne, la position française en Italie du Nord deviendra plus que précaire. Il n'est donc pas question de les inciter à agir en se portant inconsidérément vers la frontière autrichienne dans une opération qui mobiliserait l'essentiel des forces de la République.
Les inquiétudes suscitées par Naples s'apaisent cependant dès octobre 1796 quand les négociations entre ce royaume et le Directoire, languissantes pendant les opérations, reprennent de plus belle suite aux défaites de Wurmser en Italie et de Jourdan en Allemagne. Rendus plus circonspects par la forces des choses, les deux interlocuteurs s'entendent et signent la paix dès le 10 octobre. Napoléon Bonaparte n'en persiste pas moins dans son attitude, consacrant l'essentiel de son temps à la politique et à l'administration tout en s'occupant à reposer son armée et à en reconstituer le matériel.
Première offensive d'Alvinczy
Le nouveau plan autrichien
Pendant ce temps, l'Autriche, dont la situation s'est considérablement améliorée en Allemagne, prend des mesures pour venir le plus rapidement possible au secours de Wurmser, dont les troupes commencent à souffrir de privations dans Mantoue. Vers la mi-octobre, quatre semaines à peine après les derniers combats de la précédente offensive, les effectifs de Quasdanovitch, revenu avec 6 000 hommes sur la Piave et l'Isonzo, ont été multiplié par cinq. Davidovitch, dans le Tyrol, s'est lui aussi renforcé, entre autres en récupérant les troupes que la retraite de Moreau a rendues inutiles devant le Vorarlberg. Il dispose maintenant de 20 000 soldats.
Le plan prévoit à nouveau une attaque sur deux colonnes, mais cette disposition découle cette fois naturellement de l'agencement des forces, Quasdanovitch étant dans le Frioul et autour de Bellune, Davidovitch au Tyrol.
La manoeuvre prévue se présente ainsi : Quasdanovitch franchira la Piave pour avancer sur Bassano, son flanc droit couvert par Davidovitch qui s'emparera au même moment de Trente et de Calliano. Ainsi protégé, le corps venu du Frioul s'avancera par Vicence jusqu'à l'Adige et Vérone, près de laquelle il attaquera l'armée française. Davidovitch, de son côté, fera tout pour réaliser la jonction d'une partie au moins de ses troupes avec celles de Quasdanovitch, que ce soit par le Val Freddo ou par la vallée de l'Adige. Wurmser, enfin, doit se tenir prêt à faire une sortie pour se porter sur les arrières de l'armée française lorsqu'elle sera engagée dans la bataille prévue près de Vérone. Pour diriger la manoeuvre, un nouveau général en chef est nommé en la personne de Josef Alvinczy von Borberek. Il prescrit l'attaque simultanée de Bassano et de Trente pour le 3 novembre mais n'entend franchir l'Adige que lorsque Davidovitch lui annoncera que la vallée en est libre d'ennemis.
Positions françaises
A cette date, les Français occupent les positions suivantes :
- Vaubois à Trente avec 10 000 hommes ;
- Kilmaine devant Mantoue avec 9 000 hommes ;
- Augereau à Vérone avec 9 000 hommes ;
- Masséna à Trévise et Bassano avec 10 000 hommes ;
- 4 000 hommes de réserve à Villafranca.
Succès initiaux de Davidovitch
Pour éviter une possible jonction entre Davidovitch et Alvinczy par la vallée de la Brenta, Napoléon Bonaparte ordonne au général Vaubois de repousser les avant-postes autrichiens installés sur l'Avio. L'attaque a lieu le 2 novembre en deux points : Saint-Michel, où Guieu obtient un succès, Segonzano où, au contraire, Fiorella et Vaubois échouent à repousser Wukassovitch. Ce sont eux, au contraire, qui sont refoulés le lendemain à l'arrivée de Davidovitch avec le gros de ses forces. Ils se replient jusqu'à Calliano. Trois jours plus tard, Davidovitch les attaque à nouveau, échouant devant la place mais s'emparant des postes de Nomi et Torbole. Il insiste le 7, prend Mori et repousse Vaubois vers Rivoli et La Corona. Ses succès suivants le portent jusqu'à Serravalle où il s'arrête, bien qu'il ait infligé aux Français des pertes importantes et leur ait pris 6 canons. Il va maintenant attendre jusqu'au 16 novembre le résultat des opérations d'Alvinczy avant de déboucher dans la plaine.
Avancée d'Alvinczy
Ce dernier a passé la Piave le 2 novembre. Masséna s'étant retiré le 4 sur Vicence, il ne reste plus alors sur la Brenta que des arrière-gardes françaises. Elles sont repoussées. Alvinczy divise son armée en deux colonnes. La première, commandée par Quasdanovitch, avance jusqu'à Bassano. La seconde, sous Provera, avance jusqu'à Citadella et envoie même Lipthay en avant-garde à Fontaniva . Napoléon Bonaparte, informé des défaites de Vaubois, calcule qu'il faudra plusieurs jours aux Autrichiens pour chasser son lieutenant des montagnes et décide qu'il a le temps dans l'intervalle d'attaquer Alvinczy. Masséna reçoit l'ordre de se porter sur Fontaniva et Augereau sur Bassano. Tandis que Provera couvre le fleuve en amont comme en aval, conservant ses réserves à Citadella , Lipthay se retire dans une île de la vieille Brenta à l'approche des Français. Le 6, un violent combat l'y oppose à Masséna, qui semble tourner plutôt à l'avantage de celui-ci. Augereau, quant à lui, se heurte à l'avant-garde de Quasdanovitch, en marche vers Vicence, aux alentours de Marostica . Après, là aussi, un combat opiniâtre, Friedrich Franz Xaver von Hohenzollern-Hechingen, qui commande ce détachement, se replie sur la position solide établie par son chef entre la Brenta et les premières pentes des Sette Communi. Les Autrichiens y résistent jusqu'à la nuit.
Très inquiet pour Vaubois, n'ayant obtenu aucun avantage décisif contre Alvinczy et voyant sa ligne de retraite menacée si Masséna est repoussé par Provera, Napoléon Bonaparte abandonne son plan et se retire pour regrouper ses forces. Le 7 novembre, Masséna et Augereau rétrogradent sur Vérone par Vicence et Montebello Vicentino , suivis à la trace par Alvinczy. Le 11, celui-ci est à Villanova [quartier de San Bonifacio], avec une avant-garde à Caldiero.
Depuis le 8, Napoléon Bonaparte est à Vérone. Il y a appris que Davidovitch se tient toujours immobile à Serravalle. Il a donc donné deux jours de repos à ses troupes avant de reprendre les hostilités contre Alvinczy. Le 11, l'avant-garde autrichienne est repoussée avec pertes après avoir tenté une incursion à Saint-Martin et Saint-Michel, aux portes de Vérone. Elle rallie vers Caldiero une force autrichienne de 8 000 hommes qui occupe autour de ce bourg une position extrêmement sûre. L'aile droite touche au village de Colognola, au pied du Monte Oliveto, l'aile gauche aux escarpements abrupts située derrière le village même. La ligne qui les joint se situe au somment d'un terrain en pente douce. Alvinczy entend tenir cette position suffisamment longtemps pour surprendre par un mouvement de flanc, avec le reste de ses troupes, l'armée française occupée à lui donner l'assaut.
Tout se passe, le 12 novembre, comme il l'a prévu : les Français attaquent ; Augereau, à gauche, prend le village de Caldiero ; Masséna, à droite, celui de Colognola ; l'armée d'Alvinczy surgit alors et prend l'avantage sur les assaillants. Quoi que l'armée française ait perdu 2 000 hommes, il ne semble pas que le moral de la troupe comme du commandement s'en soit ressenti. D'autant que les Autrichiens, sans chercher à exploiter leur avantage, laissent les Français se replier tranquillement à San Giacomo puis, le lendemain dans leur camp sous Vérone.
Nouvelles dispositions de Bonaparte
Bonaparte échafaude alors un nouveau plan. Il va se dégager par la droite, passer l'Adige à Ronco et surprendre le flanc gauche des Autrichiens, soit dans leur position de Caldiero, soit dans leur marche sur Vérone, soit dans leur passage de l'Adige, selon ce qu'ils auront entrepris. Il s'écoule cependant 24 heures avant que ce projet ne soit mis à exécution. Certains auteurs expliquent ce délai par l'indécision consécutive aux dangers de la situation. Clausewitz juge cette interprétation incompatible avec le caractère de Bonaparte et préfère attribuer le retard à des causes extérieures inconnues.
Toujours est-il que le 14 novembre au soir, les Français se mettent en marche et passent le fleuve le 15 à l'aube. Alvinczy, qui a avancé la veille jusqu'à Saint-Martin, se rapprochant ainsi de Vérone comme espéré par Bonaparte, compte traverser l'Adige à Zevio avec la moitié de son armée tandis que l'autre moitié attaquera Vérone. Ce mouvement, excessivement audacieux alors que l'armée ennemie est si proche, doit commencer à s'exécuter dans la nuit du 15 au 16. Il est abandonné à la nouvelle du passage de l'Adige par Bonaparte. Les trois jours suivants sont occupés par les différents combats et les mouvements tactiques composant la bataille d'Arcole qui se termine par la retraite d'Alvinczy. Bien que les pertes soient très probablement du même ordre dans les deux armées, le général en chef autrichien ne se sent plus en état d'affronter la bataille décisive que Bonaparte risque de lui imposer en plaine le 18 s'il s'obstine. Cette fois, c'est par la grâce d'une meilleure gestion des combats partiels, d'une plus grande résolution, d'une audace hors pair et de troupes d'une valeur exceptionnelle que Napoléon Bonaparte s'est sorti d'une situation plus que délicate.
Retraite des Autrichiens
Pendant ce temps, Davidovitch s'est remis en mouvement. Le 16 novembre, il a chassé Vaubois et ses 6 000 hommes de la Corona, le 17 de Rivoli, le 18 de Castelnovo, les rejetant derrière le Mincio. Averti de ces défaites, Napoléon Bonaparte, après Arcole, se contente d'envoyer sa cavalerie de réserve à la poursuite d'Alvinczy et se tourne aussitôt contre Davidovitch. Il fait marcher Masséna sur Villafranca par où Vaubois doit se retirer et envoie Augereau couper la retraite des Autrichiens dans la vallée de l'Adige, par Vérone, le Monte Molare et Dolce. Mais Davidovitch se rend compte à temps du péril qui le guette. Il se retire sur Ala dès le 19, non sans que son arrière-garde éprouve des pertes importantes à Campara. Alvinczy, qui est arrivé entre temps à Montebello Vicentino, envoie à son tour quelques détachements menacer le flanc d'Augereau par le Monte Molare et retourne lui-même à Villanova le 20 pour donner plus de poids à cette menace. Napoléon Bonaparte réagit en revenant à Vérone et Alvinczy se retire derrière la Brenta, son aile gauche à Padoue, la droite à Trente. Bonaparte reprend sur l'Adige la même position qu'avant l'offensive autrichienne. Une ultime tentative de sortie de Wurmser, effectuée le 23, c'est à dire bien trop tardivement, ne donne aucun résultat.
Intermède politique
La paix règne en Italie pendant les deux mois suivants. Comme après Bassano, les Français ont les meilleures raisons du monde de se concentrer sur le blocus de Mantoue tandis que les Autrichiens s'occupent une fois de plus à renforcer leur armée, qui est à nouveau portée à 40 000 hommes environ.
Pendant cet intervalle, Napoléon Bonaparte retourne à ses préoccupations de politique italienne, s'émancipant peu à peu de la tutelle parisienne. En France, en effet, le Directoire, dans son désir d'aboutir à la paix, ne veut pas travailler à l'indépendance de conquêtes italiennes qu'il compte utiliser comme monnaie d'échange avec l'Autriche afin de conserver la Belgique et la rive gauche du Rhin. La même raison l'amène à se priver des alliances du Piémont et de Parme, conditionnées selon lui à la cession d'une partie des territoires conquis. L'analyse de Napoléon Bonaparte est différente. Beaucoup moins attaché à la recherche de la paix, et bien que conscient de l'utilité des contingents que pourraient lui fournir le Piémont, Parme et Venise, il pense cependant qu'une entente est envisageable avec ces états au prix d'une simple garantie de leurs frontières et d'une sourdine mise aux entreprises républicaines sur leurs territoires. Il ne craint donc pas de pousser à la création de républiques sur le reste des provinces qu'il contrôle. Les territoires de Bologne, Ferrare, Reggio et Modène forment une république Cispadane. La proclamation d'une république Lombarde n'est empêchée que par l'opposition trop forte du Directoire.
Arrive alors en Italie le général Henri-Jacques-Guillaume Clarke, en route pour Vienne afin d'y porter les propositions de paix du Directoire. L'empereur d'Allemagne, tout en refusant de le recevoir sous prétexte des pourparlers déjà en cours avec le Directoire par l'intermédiaire de l'ambassadeur anglais en France, envoie cependant un plénipotentiaire pour discuter d'un éventuel armistice. Mais alors que Clarke penche pour un accord entérinant le statu quo, Napoléon Bonaparte s'oppose à tout règlement n'incluant pas la reddition de Mantoue, condition indispensable pour ne pas le rendre totalement favorable aux Autrichiens. Les discussions tenues à Paris échouent le 19 novembre, l'Angleterre ni l'Autriche n'étant sérieusement décidées à trouver un accord. Celles d'Italie sont bientôt interrompues par la nouvelle offensive d'Alvinczy.
Seconde offensive d'Alvinczy
Positions françaises
A cette date Napoléon Bonaparte a reçu quelques renforts qui ont porté ses effectifs à 47 000 hommes, ainsi répartis :
- Joubert est à Rivoli avec 10 000 soldats ;
- Masséna à Vérone avec 9 000 ;
- Sérurier devant Mantoue avec 10 000 ;
- Augereau autour de Legnago avec 9 000 ;
- Gabriel Venance Rey à Desenzano avec 4 000 ;
- Lannes à Bologne avec 2 000 ;
- Victor et une réserve de 2 000 hommes à Goito ;
- A quoi s'ajoute une petite réserve de cavalerie de 700 chevaux.
4ème plan autrichien pour délivrer Mantoue
Les Autrichiens n'ont pu cette fois-ci rassembler que 45 000 hommes, dont 42 000 disponibles pour l'attaque. Leur plan est proche du précédent à ceci près que c'est, pour le coup, la colonne principale qui doit attaquer Rivoli Veronese , sous le commandement d'Alvinczy. Deux autres colonnes arriveront par la plaine. La première, de 5 000 hommes, sous le général Adam Bajalics von Bajaháza (Bayalitsch), a pour objectif Vérone. La seconde, de 9 000 combattants, sous Provera, avance par Padoue sur Legnago. Ces deux colonnes ont surtout pour vocation de retenir le gros des forces françaises en plaine pendant que la division Joubert, dans la montagne, sera détruite par Alvinczy. Elles doivent également se diriger continûment sur Mantoue pour secourir Wurmser qui aura dû entre-temps être averti par courrier des dispositions à prendre. Malheureusement pour lui, le porteur de ces ordres se fera intercepter par les Français. Faisant feu de tout bois, la cour de Vienne a également envoyé au Pape généraux et officiers autrichiens pour encadrer les 15 000 hommes équipés par le Saint-Père. On espère ainsi tenir 5 000 à 6 000 Français éloignés du théâtre des opérations. Mais Napoléon Bonaparte juge suffisant de laisser un millier de ses soldats, soutenus par 4 000 Lombards, en face de ces troupes. Une fois de plus, il concentre ses forces sur l'objectif principal sans les éparpiller sur des théâtres d'opérations secondaires.
Les opérations
Les 7 et 8 janvier 1797, l'avant-garde de Provera, sous Hohenzollern, se heurte à celle d'Augereau, près de Bevilacqua. Le 9, le gros de la colonne arrive devant Legnago. Le 12, Bayalitsch paraît devant Vérone.
Le même jour doit se produire l'attaque principale sur la position de Joubert. Celui-ci occupe la Coronna et, un peu plus au sud, Rivoli Veronese. La disposition du terrain y est telle que le défenseur a la possibilité d'amener sur place des détachements de toutes armes tandis que l'attaquant ne peut quasiment utiliser que son infanterie. Il lui faut donc jouir d'une importante supériorité numérique pour pouvoir espérer l'emporter mais, s'il la possède, le résultat est à peu près assuré. Joubert a 10 000 hommes, les Autrichiens en amènent 22 000. Alvinczy sait en outre que Napoléon Bonaparte n'est pas sur place mais à Bologne où il s'occupe d'organiser la république Cispadane. Enfin, le général autrichien espère bien détourner l'attention de son adversaire et l'amener à méconnaître le point critique de l'attaque au moyen des colonnes envoyées vers Legnago et Vérone. Ayant pesé toutes ces circonstances, Alvinczy estime avoir devant lui le temps nécessaire non seulement pour vaincre Joubert mais également pour l'encercler de telle façon qu'il n'ait plus qu'à déposer les armes.
Les Autrichiens divisent donc leur armée en six colonnes pour assaillir Rivoli Veronese de toutes parts. La première, commandée par le colonel Franz Joseph de Lusignan doit prendre à revers la position en passant par Pezzena [Pesina]. La seconde, sous Lipthay et la troisième sous le général Samuel Köblös de Nagy-Varád, passent par des vallées latérales pour déboucher sur La Corona de front et sur le côté gauche. La quatrième, sous Quasdanovitch, s'avance par la rive droite de l'Adige et doit grimper sur le plateau de Rivoli par le défilé de l'Osteria [Zuane Osteria]. La cinquième, sous Joseph Ocskay von Ocskó, la suit en servant de réserve, ayant pour mission de soutenir Quasdanovitch, Köblös ou Lipthay, selon les circonstances. La sixième, sous Wükassovitch, marche par la rive gauche de l'Adige pour enlever le poste de La Chiusa et contrôler les arrières de la position de Rivoli.
Toutes ces colonnes, les trois premières à peu près dépourvues d'artillerie comme de cavalerie, se sont mises en marche le 11 janvier et attaquent La Corona dans la matinée du 12. Des problèmes de coordination entre les différents détachements entravent le bon déroulement des opérations autrichiennes si bien que Joubert parvient à conserver sa position la journée durant. Le lendemain, cependant, à quatre heures du matin, en apprenant que Lusignan manoeuvre pour le prendre à revers, il se replie en bon ordre sur Rivoli Veronese et y reste jusqu'au soir. Les Autrichiens, qui avancent très lentement, le laissent à peu près tranquille mais se mettent en position pour attaquer le lendemain.
Le 14 janvier, la première colonne autrichienne s'est installée à Lumini, les deuxième et troisième colonnes avancent sur les villages de Caprino et San Martino , au pied du Monte Baldo ; la position des trois autres n'est pas connue. Joubert, qui observe ces mouvements et voit toutes les crêtes alentours couronnées de feux autrichiens alors qu'il n'a pour sa part reçu ni nouvelles ni renforts, décide vers dix heures du soir de reculer vers Villanova par Campara pour éviter d'être cerné et écrasé par des forces très supérieures en nombre à celles dont il dispose. Il vient de se mettre en marche quand il reçoit simultanément la nouvelle que Bonaparte est sur le point de le rejoindre et l'ordre de tenir en avant de Rivoli. Il l'exécute aussitôt en revenant sur ses pas.
Car Bonaparte a déployé, depuis qu'il a appris l'offensive autrichienne, toute l'activité dont il est capable. De Bologne, il s'est d'abord rendu à Roverbello [Roverbella] pour donner ses ordres à Sérurier au cas où l'ennemi se porterait sur Mantoue. Il est ensuite accouru à Vérone, le 12 janvier dans l'après-midi, où il a fait donner la division de Masséna sur celle de Bayalitsch, dont la faible résistance l'a convaincu de ne pas avoir affaire au gros des forces de l'ennemi. Le rapport de Joubert qui lui parvient le soir le persuade que c'est à Rivoli, par la montagne, qu'arrive la masse des Autrichiens. Après avoir ordonné à Augereau, attaqué lui aussi, l'ordre de n'accepter aucun combat d'envergure, Napoléon Bonaparte part lui-même pour Rivoli avec les trois-cinquièmes de la division Masséna dans la soirée du 13. Le général Rey doit le rejoindre à Castelnovo tandis que Joachim Murat traversera le lac de Garde d'ouest en est, de Salo à Torre [Torri del Benaco] , avec 600 hommes pour se porter dans le dos des Autrichiens. En tout, ce sont près de 12 000 hommes de renforts que Napoléon amène, ce qui porte l'effectif disponible à 22 000 hommes environ et 60 canons.
La bataille qui s'engage le 14 janvier n'est pas encore finie quand Napoléon Bonaparte apprend, au crépuscule, que Provera a passé l'Adige à Anghiari et avance sur Mantoue. Il quitte aussitôt le théâtre des opérations avec la division Masséna, en confiant à Joubert les rênes de la bataille. La journée du 15 complète la déroute de l'armée autrichienne. Sur 28 000 soldats, elle compte 2 à 4 000 blessés ou tués, 10 à 12 000 prisonniers, en tout 14 000 hommes perdus.
Pendant ce temps, Provera a poursuivi sa marche sur Mantoue, sans être intercepté par Augereau pourtant préposé à la surveillance de la région. Ce dernier parvient cependant à s'emparer du détachement chargé de la garde du pont d'Anghiari et à brûler cet ouvrage. Il prend également quelques mesures contre un éventuel retour de Provera ou l'arrivée de nouveaux contingents ennemis venus de Padoue. Ces opérations occupent sa journée du 15 et expliquent son arrivée tardive le lendemain sur le champ de bataille de La Favorite.
Toujours en cette même journée du 15 janvier, Provera ne trouve donc devant Mantoue que la division Sérurier, capable de lui opposer tout au plus 5 à 6 000 hommes. Cette colonne de secours autrichienne étant d'une force à peu de chose près équivalente, une sortie de Wurmser avec 8 à 10 000 hommes a toutes les chances de réussir. Mais des retards se produisent et la sortie n'a lieu que le lendemain. Or, le 16 au matin, Napoléon est déjà sur place avec les 8 000 hommes de la division Masséna, à la rapidité de déplacement hors normes. Les forces étant dès lors égales, les Autrichiens constatent vite qu'ils ne perceront pas, d'autant qu'Augereau s'approche à son tour par les routes de Ronco et Legnago. Wurmser rentre dans Mantoue. Provera et ses 6 700 hommes, confrontés à des ennemis quatre fois plus nombreux, déposent les armes.
Bilan
L'offensive d'Alvinczy se solde pour les Autrichiens par des pertes colossales : 5 à 6 000 morts ou blessés, 20 000 prisonniers, pour une armée de 42 000 hommes, et ce face à un adversaire moins nombreux et qui ne déplore pour sa part que des dommages limités. Cet immense succès français rend la chute de Mantoue inéluctable, Wurmser ne pouvant plus espérer de nouvelle tentative de déblocage avant longtemps. Napoléon Bonaparte doit néanmoins attendre que cette reddition se produise avant de marcher sur la frontière autrichienne. Les troupes dont il dispose ne sont en effet pas suffisantes pour passer à l'offensive préalablement. Il attend d'ailleurs également l'arrivée de deux divisions de renforts envoyées de l'armée du Rhin.
Dans l'intervalle, Napoléon Bonaparte fait avancer l'avant-garde d'Augereau jusque sur Trévise d'où elle surveille les plaines de Vénétie et du Frioul. Du côté de la montagne, les Français prennent possession de la vallée de la Brenta. Le 24 janvier, Joubert se porte à la rencontre de Johann Ludwig Alexius von Laudon, qu'Alvinczy a laissé à Rovereto avec 8 000 hommes, et le pourchasse jusqu'à l'Avis [Torrente Avisio] puis, le 26, encore au-delà, afin de se rendre maître de l'entrée de la vallée de la Brenta. A l'autre extrémité de celle-ci, Masséna expulse Bayalitsch de Bassano del Grappa le 24 et remonte le cours du fleuve jusqu'à faire sa liaison avec Joubert. Bayalitsch prend position à Conegliano.
Face à ces mouvements, Alvinczy ramène les troupes chargées de protéger la Carinthie sur Villach puis sur le Tagliamento.
Le 2 février 1797, Wurmser capitule. Il reste encore à Mantoue 6 000 blessés dans les hôpitaux et 15 000 hommes en état de combattre. 7 000 autres sont morts au cours du blocus.
Opérations contre le Pape et paix de Tolentino
Les Français consacrent alors quelques jours à mettre un terme aux affaires romaines. Peu après la bataille de La Favorite, tout en se portant lui-même sur Bologne, Napoléon Bonaparte a envoyé le général de division Victor et le général de brigade Jean Lannes en direction des Etats pontificaux. S'y ajoute une colonne mobile de 1 000 hommes, sous le Chef de brigade Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont, qui marche sur Sienne. Le 2 février, Victor entre à Imola. Lannes, vers la même date, culbute 3 à 4 000 soldats pontificaux postés derrière le Sennio, s'empare de quatorze canons et se porte sur Faenza. Le 9, Victor s'empare d'Ancône, le 12 de Macerata et marche sur Foligno pour faire sa jonction avec la colonne de Marmont. Le même jour, le Pape Pie VI écrit une lettre à Napoléon Bonaparte pour demander la paix. Elle est signée le 19 février à Tolentino, dans les Marches. Le Saint-Père reconnaît l'annexion d'Avignon et du Comtat-Venaissin ; il renonce à Bologne, Ferrare et a la Romagne ; il accepte l'occupation d'Ancône par les Français jusqu'à la signature d'une paix générale ; il s'engage à payer en indemnités de guerre 15 millions de francs de plus que convenu lors de l'armistice du 23 juin et à céder de nombreux objets d'art.
Bonaparte sur la route de Vienne
Positions françaises
Le dernier acte de la campagne commence quatre semaines environ après la signature du traité de Tolentino. Avec l'arrivée des divisions de renforts amenées d'Allemagne par Jean-Baptiste Bernadotte et Antoine-Guillaume Maurailhac d'Elmas de La Coste (dit Delmas), Napoléon Bonaparte dispose cette fois de troupes bien plus nombreuses que celles des Autrichiens. Elles se répartissent ainsi à la fin février 1797 :
- Masséna à Bassano avec 11 500 hommes ;
- Sérurier à Castel Franco avec 10 500 ;
- Guieu (qui a remplacé Augereau parti pour Paris) à Trévise avec 10 500 ;
- Bernadotte à Padoue avec 10 500 ;
- Joubert dans le Tyrol avec 7 500 ;
- Louis Baraguey d'Hilliers également dans le Tyrol avec 6 500 ;
- Delmas lui aussi dans le Tyrol avec 6 500 ;
soit plus de 63 000 hommes comme masse de manoeuvre, auxquels il faut ajouter les forces de Victor qui remontent des Etats pontificaux vers Ferrare et les diverses garnisons de Lombardie.
Positions autrichiennes
Du côté des Autrichiens, Laudon a pris position derrière l'Avisio et Wilhelm Lothar Maria von Kerpen derrière la rivière Noce. Tous deux se sont renforcés de milices Tyroliennes. Alvinczy est sur le Tagliamento où doit se former une nouvelle armée. Lusignan est à Feltre avec une brigade, Hohenzollern sur le cours inférieur de la Piave. L'archiduc Charles d'Autriche, nouveau commandant en chef, se positionne près de Valvasone, sur la rive gauche du Tagliamento. Cela lui permet de couvrir les deux routes qui, par Tarvis et Villach pour l'une, par Ljubljana et Klagenfurt pour l'autre, traversent les Alpes Juliennes. Il fait également tenir les principaux cols de celles-ci. Ce sont Ocskay, posté à Chiusa Veneta et Pontebba, et Köblös, installé à Chiusa de Plez [Ljubelj, Loiblpass], qui s'en chargent. Les effectifs dont dispose l'Archiduc sont mal connus mais le gros de l'armée, sur le Tagliamento, doit compter 15 à 20 000 hommes à peine. Deux divisions sont en marche depuis le Rhin pour compléter le dispositif mais n'arriveront qu'après le début de l'offensive française.
Le plan de Bonaparte
Bonaparte, averti de la faiblesse de son adversaire, prend le parti de l'attaquer au plus vite pour ne pas lui laisser le temps de se renforcer. Bien que cela interdise de synchroniser les mouvements de l'armée d'Italie avec ceux des armées françaises d'Allemagne, qui ne se mettront effectivement en marche que six semaines plus tard, l'avantage de se battre avec des Autrichiens largement inférieurs en nombre compense aisément, selon lui, cet inconvénient. Le Directoire laisse faire, soit qu'il ait été mis devant le fait accompli, soit qu'il ait partagé cette analyse, soit enfin qu'il n'ait pas osé s'opposer à un général si souvent victorieux. Le plan de celui-ci consiste comme toujours à frapper le centre de gravité des forces ennemies. Il décide donc de s'engager dans le Frioul pour y affronter le gros des troupes de l'archiduc et les pousser le plus loin possible en direction de Vienne [Wien]. Joubert, qui commande en chef dans le Tyrol, reçoit l'ordre d'utiliser sa supériorité numérique pour refouler Kerpen et Laudon jusqu'au pied du Brenner avant de rejoindre Bonaparte par la vallée de la Rienz et le Pustertal, si les circonstances le justifient.
Opérations dans le Tyrol
Après avoir repoussé le général Kerpen sur Bolzano, Joubert installe ses trois divisions à Neumarkt [Egna] le 21 mars 1797. Il y subit une attaque de Laudon mais le repousse et se rend maître le même jour de Bolzano tandis que son adversaire malheureux s'installe à Meran [Merano], dans la vallée de l'Adige. Bien qu'il puisse ainsi voir l'ennemi déboucher sur ses arrières, Joubert poursuit son chemin vers le col du Brenner, comme le prescrivent ses ordres. Il attaque Kerpen le lendemain à Klausen [Chiusa], puis encore le 28 mars et le rejette assez loin pour s'ouvrir le chemin du Pustertal, derrière Brixen [Bressanone] jusqu'à Sterzing [Vipiteno]. Dans l'ignorance des mouvements aussi bien de l'armée d'Italie que des armées du Rhin, il décide de ne pas pousser plus loin et s'installe à Brixen. Il y est bientôt attaqué par Laudon et Kerpen, renforcés de milices Tyroliennes. Des combats se déroulent le 31 mars et le 2 avril autour de ses avant-postes. Le 2 toujours, Laudon, dont les forces atteignent maintenant 12 000 hommes, se montre devant Bolzano et envoie un de ses détachements sur la route de Neumarkt. Dans cette situation très difficile, avec l'ennemi sur ses arrières et devant lui, Joubert apprend que Bonaparte a franchi les Alpes Juliennes avec succès. Il décide de le rejoindre par le Pustertal [Val Pusteria]. Le 4 avril, Delmas évacue Bolzano pour rejoindre le gros de l'armée de Joubert. Le 5, le corps au complet quitte Brixen en rompant les ponts qui se trouvent en amont et marche sur Brünecken [Brunico]. Il passe ensuite par le col de Tolbach, Lienz, Spital où il livre l'unique combat de ce périple et arrive à Villach le 8, après la signature de l'armistice.
Opérations dans le Frioul et les Alpes Juliennes
Les colonnes françaises à destination du Frioul s'ébranlent le 10 mars 1797. Les divisions Sérurier, Guieu et Bernadotte avancent en deux colonnes par Sacile et Portobuffolè sur Valvasone où elles arrivent le 16. Elles chassent d'abord l'avant-garde autrichienne de la rive droite du Tagliamento. Elles passent ensuite sans difficulté le fleuve, dont les eaux sont très basses, et se heurtent vers midi au gros des forces ennemies. Celles-ci acceptent la bataille mais se comportent plutôt comme lors d'un combat de retraite, en évitant de s'engager à fond pour ne pas s'exposer à une déroute. A la nuit, l'archiduc se retire en perdant 500 hommes et six canons. Son aile droite, sous Bayalitsch, se retire sur Tarvis par Udine, Caporetto [Kobarid] et la vallée de l'Isonzo. Le reste de son armée prend la route de Laibach [Ljubljana] par Gradisca, suivi par les Français. Dès le 19 mars, Gradisca, bien que défendue par 2 000 hommes et dix canons, tombe aux mains des divisions Bernadotte et Sérurier. Charles d'Autriche poursuit son mouvement rétrograde par Görz. La colonne française se divise alors. La division Guieu reçoit l'ordre de poursuivre Bayalitsch par Cividale et Caporetto. Bernadotte doit suivre l'archiduc vers Laibach. Sérurier, avec Napoléon Bonaparte lui-même, suivra Guieu pour lui porter assistance en cas de besoin mais ne se mettra en marche que le 22.
Pendant ce temps, Masséna a été chargé de détruire le corps de Lusignan. Le 11 mars, il est à Feltre puis poursuit sa proie dans sa retraite le long de la vallée de la Piave. Le 13, Masséna atteint Bellune, le 14 Langaro [Longarone] où il cerne l'arrière-garde ennemie et s'empare de 500 hommes et de Lusignan lui-même. Après s'être avancé jusqu'à Pieve di Cadore, il doit rebrousser chemin à cause de l'état des routes et revient dans la vallée du Tagliamento, à Spilimbergo, par celle de la Celline [Cellina]. Le 20 mars, il attaque Ocskay à Chiusaforte puis le 21 à Pontebba et le rejette dans la vallée de la Save, au-delà de Tarvis [Tarvisio]. Il se trouve ainsi maître de la place de Tarvis avant l'arrivée de Bayalitsch. Ce dernier, ayant emprunté le col de Loïbl [Loiblpass, prelaz Ljublej], le voit se refermer derrière lui quand la division Guieu force Köblös, qui en a la garde, à déposer les armes. Les deux bouts de la vallée dans laquelle il s'est engagé étant désormais tenus par les Français, Bayalitsch n'a plus qu'à se rendre lui aussi. Il s'y résout, le 23 mars, avec 3 à 4 000 de ses hommes, son avant-garde ayant réussi à forcer le passage à Tarvis, deux jours plus tôt, face à celle de Masséna.
Le 28 mars, Napoléon Bonaparte arrive à Villach avec les divisions Masséna, Sérurier et Guieu puis se porte le 29 sur Klagenfurt où l'archiduc est arrivé le 25. Ce dernier, en reculant sur Sankt Veit an der Glan, y a laissé derrière lui la division Ignaz Karl von Mercandin, qui vient d'arriver d'Allemagne. Napoléon Bonaparte la chasse de Klagenfurt et marche à son tour sur Sankt Veit le 30.
Situation de Bonaparte début avril 1797
A ce moment-là, malgré ses victoires, la situation de Napoléon Bonaparte est devenue très périlleuse. Des circonstances sur lesquelles il n'a aucune prise, comme le retard considérable dans la mise en mouvement des armées du Rhin, d'autres qu'il n'a pas anticipées comme les difficultés de Joubert ou l'insurrection des populations hostiles aux armées françaises, ont rendu sa position bien plus précaire qu'il n'a pu le prévoir lors de son entrée en campagne. Il vient en effet d'apprendre que ni Lazare Hoche ni Jean-Victor Moreau ne se sont encore mis en action alors qu'il n'est plus, lui, qu'à 150 kilomètres de Vienne ; il n'a pas de nouvelles de Joubert mais il sait que tout le Tyrol est en effervescence voire en cours de soulèvement et il craint que les habitants de Carniole ou de Carinthie ne suivent cet exemple alors que les 350 kilomètres de sa ligne de communication se déroulent pour une bonne part dans ces contrées. Ses effectifs, enfin, ont fondu d'un tiers. Par ailleurs, si Joubert le rejoint, le Tyrol est perdu et les Autrichiens libres de descendre en Lombardie et de couper l'armée française de ses bases, voire de lui interdire toute retraite. Si au contraire il reste sur place, il y est probablement voué à sa perte.
La situation est donc telle que la moindre bataille perdue, face à un adversaire désormais aussi fort que Bonaparte et encore à même de se procurer des renforts, serait une catastrophe et provoquerait la perte totale de l'Italie. Il n'y a plus d'issue possible autre que désastreuse ou triomphale. Reculer n'est pas envisageable : ce serait accepter un échec stratégique, perdre en un instant sa gloire, son prestige, son influence politique. S'arrêter pour attendre les autres armées, ce serait s'exposer à tous les périls de la situation et offrir aux Autrichiens l'occasion de les exploiter. Continuer et tenter d'obtenir devant Vienne une victoire éclatante, si hardi que soit Bonaparte, il en sent trop le danger et les aléas. Il choisit donc la seule voie qui s'offre à lui, la voie diplomatique, quitte à se munir lui-même des pleins pouvoirs qu'il ne tient pas du gouvernement.
Ce qu'il ignore et qui va pourtant assurer son succès, c'est que, dans les faits, les Autrichiens ne disposent pas de forces suffisantes pour pouvoir sauver leur capitale s'il poursuit son avance. Ils vont donc se résigner à sacrifier ce qu'il leur est manifestement impossible de sauver, dans l'idée que poursuivre ce combat serait donner le temps aux autres armées françaises d'entrer dans la lutte : le mieux qu'on pourrait espérer alors serait de les reconduire au Rhin et en Lombardie, sans guère que les conditions d'une paix éventuelle en soient pour autant changées.
Armistice et préliminaires de paix de Leoben
Le 31 mars 1797, Bonaparte écrit à l'archiduc pour lui faire des ouvertures. Il poursuit en même temps sa progression sans marquer d'hésitation, afin de masquer les véritables causes de sa démarche et de n'apparaître mû que par son désir de paix. Il avance le 1er avril sur Friesach et refuse l'armistice de 24 heures qu'on lui propose, jugeant cette durée trop courte pour ne pas dissimuler une arrière-pensée. Le 3 avril, il attaque l'arrière-garde de l'archiduc à Dürnstein et la repousse à Unzmarkt. Le 6, il est à Judenburg où il entend rassembler son armée. Le lendemain se présentent les généraux autrichiens Henry-Joseph de Bellegarde et Maximilan von Merveldt, porteurs d'une proposition d'armistice de cinq jours, que Bonaparte, cette fois, accepte. A son échéance, le 13 avril, la suspension d'armes sera prolongée jusqu'au 20.
Tard dans la nuit du 17 au 18 avril sont signés les préliminaires de paix de Leoben. L'Autriche renonce aux Pays-Bas, au Milanais jusqu'à l'Oglio et entérine les acquisitions françaises de Nice et de la Savoie, ainsi que la disparition du duché de Modène. Ce traité met un terme aux opérations militaires de la campagne d'Italie.
Principales batailles de la campagne d'Italie de 1796-1797
Crédit photos
Photos par Michèle Grau-Ghelardi.Photos par Marie-Albe Grau.
Photos par Didier Grau.