Si Napoléon était un fervent partisan de l'inoculation, il n'a jamais obligé personne à se faire vacciner, contrairement à une idée reçue.
Une politique mise en place précocement
Le 11 mai 1800 naît le Comité central de vaccine. Dès 1804, Napoléon fonde la Société pour l'extinction de la petite vérole par la propagation de la vaccine. Un comité est aussitôt formé regroupant seize membres1. Cette institution a pour objectif de créer des antennes locales et de mettre en place des infrastructures de vaccination dans chaque département. Des rapports fréquents doivent être remis au ministère de l'Intérieur. Joseph Ignace Guillotin en est le président et Henri Husson le secrétaire. Les autres membres sont : Philippe Pinel, Jean-Nicolas Corvisart des Marets, Auguste Thouret, Leroux, Jean-Noël Hallé, Antoine Fourcroy, Claude-Louis Berthollet, Jean-Antoine Chaptal, Benjamin Delessert, Georges Cuvier, Frochot, Bernard Germain de Lacépède et La Rochefoucault-Liancourt. Malgré de vrais soutiens, ce comité dispose de peu de subsides2. En 1809, pourtant, est publié un premier décret sur la vaccine. Une somme est allouée annuellement au comité afin qu'il organise la vaccination à l'échelle départementale, paie les vaccinateurs - le plus souvent des officiers de santé - achète la fourniture nécessaire et installe vingt-cinq sites de stockage et de conservation du vaccin. Pourtant, cette mesure s'oppose à la conviction religieuse du clergé et à l'administration des hospices de Paris3.
En s'appuyant sur d'illustres médecins
1799, Joseph Ignace Guillotin (1738-1814) milite pour une vaccination systématisée. En recherche perpétuelle, il préside le comité de vaccine à partir du 11 mai 1800 et obtient à cet effet le soutien du pape de l'époque, Pie VII, en 1804. Guillotin avait au préalable obtenu de Joséphine de Beauharnais une entrevue, le 23 octobre 1803, avec Bonaparte, qu'il a tenté de convaincre du bienfait de la vaccination contre la petite vérole. Selon Gourdol4, Au mois de mai 1805, Guillotin reçoit le soutien de Parmentier, qui impose jusqu'en 1813, l'obligation de la vaccination contre la variole autant chez les civils que chez les soldats de la Grande Armée. Le docteur Larrey se montre très dévoué dans l'inoculation des soldats de l'Empereur. Napoléon fait vacciner son fils le roi de Rome le 11 mai 1811.
Jean Noël Hallé milite activement pour une médecine préventive. Il publie d'ailleurs en 1800, à l'Institut, un Rapport sur la vaccine qui constitue un état des lieux sur sa mise en fonction, suivi d'un second rapport en 1812 qui établit un constat sur son accomplissement sur le sol français5. En 1810, il est d'ailleurs appelé en Italie pour l'organiser dans les régions de Lucques et de Toscane6.
Nicolas Heurteloup, chirurgien en chef de la Grande Armée, publie un mémoire sur l'inoculation de la vaccine à l'hôpital de Milan, en 18017.
Dans l'armée, René-Nicolas Dufriche-Desgenettes vaccine lui-même son fils en 1802. Napoléon fera à cette occasion, un véritable battage médiatique. En 1806, Jean François Coste et Pierre-François Percy rédigent un rapport qui est transmis à l'ensemble des états-majors. Aucune disposition n'ayant été véritablement prise, la démarche reste sans suite. Au début de l'année 1807, 2 066 soldats ont été vaccinés. Parmi eux, 755 seulement connaissent un résultat satisfaisant. A l'abdication, ce chiffre a triplé, mais au vu des effectifs de la Grande Armée, il demeure dérisoire8.
A partir de 1802, Antoine Augustin Parmentiers, premier pharmacien de la Grande Armée, réalise, à son domicile, les premières expérimentations de vaccination. Il se bat dès lors pour que la vaccine soit inoculée aux plus démunis et que des centres d'inoculation soient effectivement mis en place dans chaque département9. De 1805 à 1813, Il contribue activement, avec les médecins Pinel et Guillotin, aux campagnes de vaccination contre la variole entreprises dès 1799, avec l'appui du général Bonaparte10.
Sur la recommandation de Louis-Alexandre Berthier également, Napoléon nomme Jean-François Coste médecin en chef de la Grande Armée en 1803. Coste est de toutes les campagnes (Austerlitz, Iéna et Eylau) et se dépense sans compter pour défendre ses vues. Au camp de Boulogne, il organise et contraint les soldats à la vaccination antivariolique, mais le fait avec une grande prudence, n'hésitant pas à insister avec fermeté sur des mesures d'hygiène à appliquer sur le terrain avec la plus grande rigueur. Ses conseils tombent en désuétude devant la misère des hôpitaux de fortune, les rationnements décrétés par l'administration et les combats de plus en plus meurtriers11.
Suite à la vaccination du roi de Rome, le 11 mai 1811, réalisée par Husson en présence de Napoléon, les préfets, s'appuyant sur la publicité de ce geste, obtiennent des résultats extrêmement probants. Ainsi, dans les cinq dernières années de l'Empire, un enfant sur deux est vacciné dans la moitié des départements français. Les résultats sont si bons que la maladie décroît sensiblement et descend à des chiffres très nettement inférieurs à ce qu'avait connu la France avant 178912.
Edme Joachim Bourdois de la Motte, grand ami de Bonaparte et premier médecin du Roi de Rome, avait toujours manifesté le plus grand intérêt pour les essais de vaccination contre la variole. En 1818, il se fait admettre à la Société pour l'extinction de la petite vérole par la propagation de la vaccine et devient président du comité central de vaccine. Il réussit même en 1831, à obtenir de son ami Talleyrand, devenu ambassadeur à Londres, quelques échantillons du vaccin dont la France manquait alors cruellement13.
Si Napoléon n'est pas devenu l'auteur de la loi rendant obligatoire la vaccination, par manque de temps, Bourdois de la Motte a, quant à lui, poursuivi son oeuvre14.
Remerciements
Cet article, à l'exception des intertitres, a été rédigé par M. Xavier Riaud, Docteur en Chirurgie Dentaire, Docteur en Epistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques, Lauréat et membre associé national de l'Académie nationale de chirurgie dentaire, Chevalier dans l'Ordre National du Mérite, Chevalier dans l'ordre des Palmes Académiques, médaillé d'honneur de la Société napoléonienne internationale, et mis en ligne avec son aimable autorisation.
Références bibliographiques pour cette notice
- COQUILLARD Isabelle, Personnalité des deux Empires : La longévité médicale du Docteur Edme Joachim Bourdois de la Mothe, in Napoleonica, 2009/3, n°6, pp. 146-170.
- CUVIER Georges, Recueil des éloges historiques lus dans les séances publiques de l'Institut royal de France, F. G. Levrault (éd.), tome 3, Paris, 1827.
- DUPONT Michel, Dictionnaire historique des Médecins dans et hors de la Médecine, Larousse (éd.), Paris, 1999.
- GOURDOL Jean-Yves (a), Antoine-Augustin Parmentier (1737-1813), pharmacien des Armées, vulgarisateur de la pomme de terre, in http://www.medarus.org, 2010, pp. 1-4.
- GOURDOL Jean-Yves (b), Joseph Ignace Guillotin (1738-1814), médecin, humaniste et homme politique français, in http://www.medarus.org, 2010, pp. 1-12.
- LEMAIRE Jean-François, Napoléon et la médecine, François Bourin (éd.), Paris, 1992.
- LEMAIRE Jean-François, Coste, Premier médecin des armées de Napoléon, Stock (éd.), Paris, 1997.
- LEMAIRE Jean-François, La médecine napoléonienne, Nouveau Monde/Fondation Napoléon (éd.), Paris, 2003.
- MEYLEMANS R., Les grands noms de l'Empire, in Ambulance 1809 de la Garde impériale, http://ambulance1809-gardeimperiale.ibelgique.com, 2010, pp. 1-22.
- Sans auteur, Catalogue des livres de la bibliothèque de feu M. Jean Noël Hallé, De Bure frères Librairie, Paris, 1823.
Notes
- 01. LEMAIRE, 1992 & 2003 ↑
- 02. LEMAIRE, 1992 & 2003 ↑
- 03. LEMAIRE, 1992 & 2003 ↑
- 04. GOURDOL ((b), 2010 ↑
- 05. Sans auteur, 1823 ↑
- 06. CUVIER, 1827 ↑
- 07. DUPONT, 1999 ↑
- 08. LEMAIRE, 1992 & 2003 ↑
- 09. MEYLEMANS, 2010 ↑
- 10. GOURDOL (a), 2010 ↑
- 11. LEMAIRE, 1992, 1997 & 2003 ; Dupont, 1999 ↑
- 12. LEMAIRE, 1992 & 2003 ↑
- 13. COQUILLARD, 2009 ↑
- 14. LEMAIRE, 1992 & 2003 ↑