Prince de Schwarzenberg
Charles-Philippe de Schwarzenberg naît le 15 (certaines sources donnent le 18, voire le 19) avril 1771 à Vienne [Wien], dans une prestigieuse famille de la haute aristocratie autrichienne. Il est le troisième fils du prince Jean de Schwarzenberg et de la comtesse Marie-Éléonore d’Oettingen-Wallerstein.
En 1788, à 17 ans, il rejoint comme sous-lieutenant le régiment d’infanterie de Brunswick, après avoir suivi la formation de l’Académie militaire thérésienne, à Wiener-Neustadt. Dès 1789, il reçoit son baptême du feu lors d’une guerre contre les Turcs. Le courage et l’aptitude au commandement qu’il manifeste aussitôt lui valent un avancement rapide. Nommé capitaine après un fait d’armes à Sabacz [Šabac], en Slavonie, il est promu major en 1790 et passe dans la cavalerie, comme dragon d’abord, puis comme uhlan en 1792.
La guerre qui éclate bientôt entre la France révolutionnaire et l’Autriche offre au jeune Schwarzenberg de nouvelles occasions de se mettre en évidence. Il les saisit dès le combat de Quiévrain (29/30 avril 1792) puis l’année suivante à Neerwinden (18 mars), Valenciennes, Oisy et Estreux-lès-Landrecies, ce qui lui vaut d’être promu lieutenant-colonel. Début 1794, à peine nommé colonel d’un régiment de cuirassiers, il se signale par une charge victorieuse qui change le cours de la bataille à Cateau-Cambrésis (26 avril). L’ordre militaire de Marie-Thérèse, que le jeune empereur François II lui remet en personne sur le champ de bataille, vient récompenser cet exploit. Schwarzenberg a tout juste 23 ans et n’en reste pas là. Il s’illustre à nouveau à Wurtzbourg [Würzburg] le 3 septembre 1796 et est élevé peu après au grade de général-major (général de brigade).
En 1799, Schwarzenberg participe aux batailles d’Ostrach et de Stockach et est promu Feldmarschall-Leutnant (lieutenant-général). Après une courte interruption de sa carrière nécessitée par l’état de santé de sa femme, il reprend du service lors de la campagne hivernale de 1800 et commande une division à Hohenlinden. Si l’engagement se solde par une défaite, son action personnelle sauve l’aile droite autrichienne. L’archiduc Charles lui confie ensuite la responsabilité de son arrière-garde. Charles-Philippe s’acquitte de cette charge à la complète satisfaction de son chef. En récompense, sur proposition de ce dernier, l’empereur octroie à Schwarzenberg la propriété d’un régiment de Uhlans. Cette unité conservera son nom jusqu’en 1918.
Après la fin des hostilités, le prince s’acquitte dans un premier temps de diverses tâches diplomatiques, en particulier à la cour du Tsar Alexandre Ier, avant de s’installer sur ses terres, en Bohême, jusqu’en 1805.
Lorsque la troisième coalition se noue, Schwarzenberg reçoit le commandement d’un des corps de l’armée principale, sous les ordres du général Karl Freiherr Mack von Leiberich. À la tête de l’aile droite, il participe, le 11 octobre 1805, à la bataille d’Haslach-Jungingen, contre la division française du général Pierre Dupont de l’Étang. Mais il a déjà quitté Ulm lors de la capitulation de cette ville. Après avoir transmis son commandement à l’un de ses subordonnés, il s’est échappé en traversant de vive force les lignes françaises le 14 au soir, en compagnie de l’archiduc Ferdinand d’Autriche (le général en chef nominal de l’armée) et de quelques milliers de cavaliers. Joachim Murat les poursuivra en vain cinq jours durant.
Ayant rejoint l’empereur François II et le Tsar Alexandre Ier en Moravie, Schwarzenberg prend part à la bataille d'Austerlitz avec son courage habituel, bien qu’il en ait contesté l’à-propos. La paix signée, l’empereur d’Autriche récompense ces services par une promotion au grade de commandeur dans l’ordre de Marie-Thérèse (mai 1806) et une nomination comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg. Le prince est chargé d’obtenir la neutralité des Russes, désormais alliés des Français, en cas de reprise de la guerre entre l’Autriche et la France. Ses efforts à ce poste lui valent de recevoir les insignes de chevalier la Toison d’Or en 1809.
Schwarzenberg ne rentre à Vienne que quelques jours à peine avant la bataille de Wagram, à laquelle il participe à la tête d’un corps de cavalerie. S’il influe peu sur le cours des combats, il facilite en revanche grandement la retraite de l’armée autrichienne. Deux mois et demi plus tard (26 septembre 1809), il est nommé général de cavalerie.
Une fois la paix revenue, Klemens Wenzel von Metternich, devenu chancelier, désigne Schwarzenberg comme ambassadeur à Paris. Celui-ci présente ses lettres de créance à Napoléon le 26 novembre 1809. À ce poste, le prince négocie avec succès l’union de l’Empereur des Français avec l'archiduchesse Marie-Louise, fille de l’empereur d’Autriche. Un fait divers tragique marque également son séjour parisien. Lors d’un bal donné dans les locaux de l’ambassade le 1er juillet 1810 pour célébrer le mariage impérial, un incendie se déclare dont les victimes se comptent probablement par dizaines. La censure n’en avoue pourtant qu’une seule, en la personne de la belle-soeur de l’ambassadeur, Pauline d’Arenberg.
En 1812, à la demande de Napoléon lui-même, qui l’apprécie, Schwarzenberg reçoit le commandement du contingent autrichien incorporé dans la Grande Armée en vue de l’invasion de la Russie. À la tête de ces 30 000 hommes puis du VIIe corps tout entier, soit l’aile droite (sud) du dispositif, il inflige aux Russes plusieurs défaites mineures, à Gorodetschna (30 et 31 juillet) et à Wolkowisk [Vawkavysk] (15 et 16 novembre). En fin de campagne, il tient tête aux 80 000 hommes de l’amiral Pavel Vassilievitch Tchitchagov puis, après le passage de la Berezina, à ceux du général Alexandre-Louis Andrault de Langeron. En couvrant Varsovie, il facilite la retraite de l’armée française et donne à son ami de jeunesse, Józef Antoni Poniatowski, le temps d’organiser ses troupes polonaises. Schwarzenberg ramène ensuite le contingent autrichien à Cracovie, en Galicie, transmet son commandement à un adjoint et rejoint son poste diplomatique à Paris, peut-être dans le but de faciliter les futurs pourparlers de paix. En avril 1813, lors d’une entrevue à Saint-Cloud, l’Empereur Napoléon Ier lui témoigne à plusieurs reprises la satisfaction que lui ont donnée ses services. Et il ne s’agit pas là de paroles en l’air puisque Napoléon a déjà conseillé à son beau-père, l’empereur d’Autriche, de nommer Schwarzenberg feld-maréchal, recommandation suivie d’effet dès le 2 octobre 1812.
Après son retour en Autriche, en mai 1813, Schwarzenberg est choisi comme général en chef de la principale armée autrichienne, dite de Bohême, de préférence à l’archiduc Charles, pourtant favori dans l’opinion. Lorsque l’Autriche déclare la guerre à la France, le 11 août 1813, le prince a sous ses ordres autour de 250 000 hommes. Cela ne lui évite pas d’être battu à Dresde le 26 août par Napoléon, à la tête de troupes moitié moins nombreuses. Mais Schwarzenberg obtient une revanche éclatante deux mois plus tard à Leipzig, dans une bataille qu’il a lui-même planifiée, où il commande la principale armée alliée et à laquelle il prend une part décisive en conduisant personnellement une charge de cavalerie face à Murat. Après la victoire, il entre dans la ville le 19 octobre aux côtés d’Alexandre Ier, François II et Frédéric-Guillaume III de Prusse.
Schwarzenberg fait ensuite partie de ceux qui poussent les souverains alliés à poursuivre leur avantage sans tarder et, cet avis ayant été approuvé, passe le Rhin les 20 et 21 décembre 1813. En janvier 1814, il est nommé généralissime des forces coalisées. Les talents militaires qu’il a déployés jusque-là ne justifient pas à eux seuls ce choix qu’il doit tout autant à ses qualités de diplomate et à sa souplesse de courtisan. Le poste nécessite en effet la capacité à s’accommoder de la présence auprès (en fait au-dessus) de soi de trois souverains, bien résolus à donner leur sanction à la moindre des décisions prises.
Au cours de la campagne de France, Schwarzenberg opte pour une tactique prudente, qu’il ne parvient pas toujours à imposer à son plus remuant subordonné, le général prussien Gebhard Leberecht von Bluecher. Après un succès initial à La Rothière, la coalition connaît une série d’échecs imputables à ces désaccords, qui ne sont pas loin de remettre en selle Napoléon. Néanmoins, de nouvelles victoires lors des batailles d’Arcis-sur-Aube et de Fère-Champenoise, la décision de marcher coûte que coûte sur la capitale, ainsi que les défections et les trahisons au sein des élites militaires et politiques françaises, aboutissent à la capitulation de Paris (31 mars 1814), à l’abdication de Napoléon (4 avril) et à la chute de l’Empire (14 avril).
Les vainqueurs confèrent alors à Schwarzenberg les plus grands honneurs et l’empereur d’Autriche le nomme président du conseil aulique de la guerre (une sorte de ministère de la Guerre). Le 5 mai, le prince abandonne la direction des armées alliées pour rentrer en Bohême, non sans passer par Vienne, où il est accueilli dans l’enthousiasme.
Schwarzenberg ne participe pas au congrès de Vienne mais, lors des Cent-Jours, reçoit le commandement de l’armée du Rhin supérieur (250 000 hommes environ), qui ne prend aucune part à la campagne de Belgique et à la chute définitive de Napoléon. Il passe cependant le Rhin, en Alsace, le 22 juin 1815, et entre ainsi en France, où il ne reste que quelques semaines avant de retourner dans ses terres. Une première attaque cérébrale, en 1817, le laisse handicapé. Une seconde, survenue à Leipzig en 1820, provoque sa mort, le 15 octobre de cette même année. L’armée autrichienne honore sa mémoire par un deuil de trois jours.
Schwarzenberg est enterré à Orlik, en Bohême (actuellement en République tchèque) au coeur des anciennes propriétés de sa famille.
"Karl Philipp, fürst zu Schwarzenberg".
Une statue équestre du maréchal Charles-Philippe de Schwarzenberg , oeuvre de Ernst Julius Hähnel, honore sa mémoire depuis 1867 sur la place qui porte son nom à Vienne.