Général, membre de l'Institut
Prononciation :
Louis Marie Maximilien de Caffarelli du Falga, plus communément nommé Maximilien Caffarelli, est l’aîné d’une fratrie de dix enfants. Cinq de ses six frères connaîtront des carrières remarquables sous la Révolution et l’Empire, le sixième mourra fusillé à Quiberon pour sa participation au débarquement que les royalistes y tenteront en 1795.
Maximilien naît au château du Falga (appartenant alors à l’intendance de Languedoc, aujourd’hui au département de Haute-Garonne) le 13 février 1756, de Marguerite-Louise-Félicité d’Anceau et de Pierre-François-Maximilien Caffarel — devenu de Caffarelli en 1739, grâce à la délivrance par les autorités romaines d’un diplôme attestant la parenté des Caffarel languedociens avec les Caffarelli romains. Bien que les registres des églises réformées de Montpellier et de Revel, berceaux de la famille, semblent la démentir, cette filiation supposée renforce les prétentions nobiliaires des Caffarel.
Le jeune Maximilien est scolarisé au collège bénédictin de Sorèze, situé à une vingtaine de kilomètres de la seigneurie du Falga. Il y manifeste de brillantes dispositions pour les études, en particulier pour les mathématiques — le célèbre mathématicien Étienne Bezout, visitant l’établissement, est lui-même frappé par ses capacités. Cet écolier doué ne s’enferme d’ailleurs pas étroitement dans une discipline, mais s’intéresse également à la littérature, à la philosophie et à la morale. En 1774, Maximilien séjourne à Paris pour se perfectionner en mathématiques. Gaspard Monge figure parmi ses professeurs. Les deux hommes se lient alors d’une amitié qui ne prendra fin qu’avec la mort de Caffarelli.
Par goût personnel et fidélité à une certaine tradition familiale, Caffarelli souhaite rejoindre l’arme du Génie. Il se présente à l’examen, est reçu et intègre l’école d’application de Mézières. Deux années de formation font de lui en 1777 un aspirant au corps royal du génie, avec rang de lieutenant en second d’infanterie.
Les années suivantes se passent dans diverses garnisons (Calais, Dunkerque, Grandville, Cherbourg, où il collabore aux travaux du port en 1782 puis de 1786 à 1790).
En 1786, à la mort de sa mère, Caffarelli se contente d’une part d’héritage égale à celle de chacun de ses frères et soeurs bien que la loi lui en accorde la moitié en tant qu’aîné d’une famille noble. Durant le congé qui lui a été octroyé à cette occasion, il assume provisoirement la charge du domaine familial tout en dispensant aux enfants et aux paysans du village du Falga, ainsi qu’à ses propres domestiques, des leçons de lecture, d’écriture et d’arithmétique. À l’expiration de cette période, il reprend son service.
Plusieurs fonctions électives lui sont confiées dans les assemblées provinciales au cours des premiers mois de 1789. Il y siège avec le tiers état plutôt qu’avec la noblesse. On lui doit l’une des premières propositions connues de déclaration des droits, qui est cependant repoussée. Il échoue également à se faire désigner député aux États généraux.
En 1792, Caffarelli reprend du service comme adjoint d’état-major à l’armée du Rhin. Mais après la journée du 10 août de cette même année, qui prélude à la chute de la royauté, il n’accepte pas de prêter sans l'examiner le nouveau serment exigé des militaires. Ce refus entraîne sa destitution puis son éloignement, les officiers limogés se voyant interdire de séjourner près de la frontière même lorsqu’ils se sont réengagés, à son instar, comme simple soldat.
Caffarelli retourne d’abord à Paris, où il occupe bénévolement divers postes en attendant que la Convention examine une accusation portée contre lui en son sein. Ses juges, les comités militaire et de surveillance réunis, ne se contentent pas de l’acquitter, mais demandent également sa réintégration dans l’armée. Cette requête étant restée sans effet, Caffarelli rentre donc au Falga, où il retrouve ses frères ramenés au bercail par des raisons similaires.
Le 26 octobre 1793 (5 brumaire de l’an II), en vertu de la loi sur les suspects, il est arrêté avec ses quatre soeurs et un de ses frères (deux autres subiront bientôt le même sort). On l’incarcère à Toulouse, dans le couvent des Carmélites alors transformé en prison. La détention de Caffarelli se prolonge quatorze mois durant. Il l’occupe à des études d’économie, de langues et à la rédaction de traités et de mémoires sur des sujets variés qu’il adresse à des personnages marquants comme Emmanuel Sieyès ou André Jeanbon Saint-André. Ceux-ci les utilisent parfois dans des rapports ou dans leurs propres interventions à la tribune de la Convention. Comme pour tant d’autres, sa libération ne se produit qu’après le 9 thermidor et la chute de Maximilien Robespierre. Encore lui faudra-t-il l’attendre plus de deux mois après cet événement.
Le nouveau comité de salut public l’appelle à Paris pour collaborer un temps aux travaux du comité militaire. Puis Caffarelli part avec le représentant Pierre Mathurin Gillet à l’armée de Sambre-et-Meuse avec le grade de chef de bataillon. Il y rencontre Jean-Baptiste Kléber, aux côtés duquel il est l’un des premiers à passer le Rhin dans la nuit du 5 au 6 septembre 1795. Les deux hommes se lient durant cette campagne d’une amitié qui ne se démentira pas. Les opérations, cependant, ne tournent pas à l’avantage des troupes françaises et celles-ci repassent le Rhin au mois de décembre. Le 6, en protégeant la traversée de la Nahe (un affluent situé sur la rive gauche du fleuve) par une unité de l’armée de Sambre-et-Meuse en pleine retraite, Caffarelli est blessé par un boulet de canon qui lui fracasse la jambe gauche. Le lendemain, l’amputation se révèle inévitable. Sa promotion au grade de général de brigade arrive quelques jours plus tard. Neuf mois de convalescence suivront.
Durant ce repos forcé, l’Institut national, que vient de créer la nouvelle Constitution de l’an III, se l’attache comme membre associé, dans la classe des Sciences morales et politiques. Après un séjour au Falga, Caffarelli retourne à Paris en septembre 1797. Il y renoue ses relations avec Kléber et entre dans l’orbite du général Napoléon Bonaparte. Celui-ci, chargé d’étudier la possibilité d’un débarquement en Angleterre, lui confie la gestion des travaux entrepris dans les ports du Pas-de-Calais, prélude à ce qui sera plus tard le camp de Boulogne.
Mais ce projet d’invasion est bientôt abandonné et l’armée d’Angleterre se transforme en armée d’Orient. L’Égypte et la route des Indes deviennent le nouvel objectif.
Bonaparte donne à Caffarelli le commandement du génie de son corps expéditionnaire. Il s’agit là d’une marque de confiance et d’estime. Elle apparaît d’autant plus éclatante que les anciens officiers de l’armée d’Italie composent l’essentiel de l’entourage de Bonaparte. À ce poste, Caffarelli prend une part considérable à la préparation de l’expédition. Il est en particulier chargé de la logistique pour tout ce qui concerne les scientifiques et les artistes. Il deviendra par la suite leur intermédiaire auprès du général en chef.
Durant la traversée de la Méditerranée, Caffarelli navigue à bord de l’Orient aux côtés de Bonaparte et de la commission des savants, participant aux entretiens qui les rassemblent et y trouvant l’occasion d’exposer ses propres idées. Il prend part à la prise de Malte puis à peine débarqué en Égypte, à la marche sur Alexandrie. Au cours de celle-ci, il n’hésite pas à arpenter le désert à pied malgré sa jambe de bois pour ne pas se trouver séparé de l’avant-garde par l’attente d’un cheval. Durant la conquête de la Basse-Égypte, il manifeste une telle témérité au cours des combats qu’une légende court dans l’armée selon laquelle le général en chef a dû l’en punir pour la tempérer.
Au Caire, il prend une part prépondérante dans la fondation des différents établissements voulus par Bonaparte : imprimeries française et arabe, laboratoire de chimie, cabinet de physique, observatoire. Il participe en outre à la construction de moulins, à l’amélioration des fours à pain et des approvisionnements en eau, au recensement des monuments antiques, à la mise en place d’écoles pour les mousses survivants de la flotte, établissement qu’il ouvre également à quelques élèves locaux. Bonaparte le nomme par ailleurs membre du conseil des finances, organe doté de très larges attributions.
Lors de la révolte du Caire, les insurgés, qui considèrent Caffarelli comme l’un des principaux responsables de l’expédition pour l’avoir vu à la tête de tous les travaux dans leur cité, le regardent comme l’une de leurs cibles prioritaires. Sa maison, dont il est par hasard absent, est parmi les premières prise et pillée.
Lorsque l’Institut d’Égypte est créé, Caffarelli en fait naturellement partie. Avec Monge, Claude-Louis Berthollet, Geoffroy Saint-Hilaire, Desgenettes, Andréossy et Fourier, ses collègues de l’institut national de France, il en forme même le noyau, auquel s’agrègent des officiers et administrateurs de l’armée. La première réunion de ce corps, destiné à faire redécouvrir au monde l’antique civilisation égyptienne, a lieu le 24 août 1798, sous la présidence de Monge et la vice-présidence de Bonaparte.
En nivôse, Caffarelli accompagne Bonaparte, Monge, Berthollet et Louis Costaz à Suez et, le 28 décembre 1798, manque se noyer au retour en traversant à gué la mer Rouge.
L’expédition de Syrie le voit commander la division du génie. Il participe aux prises d’El-Arich, de Gaza, de Jaffa et de Haïfa . À Saint-Jean d’Acre , il dirige les travaux du siège sans souci de sa sécurité personnelle, malgré les mises en garde de Bonaparte et de ses amis. Le 9 avril 1799, une balle lui fracasse le coude droit, une nuit qu’il s’est avancé trop près des lignes ennemies. Dominique Larrey l’ampute. Alors que la guérison semble en bonne voie, la blessure s’aggrave soudain et Caffarelli meurt le 27 avril suivant.
Le lendemain, l’ordre du jour lui rend un hommage appuyé : Le général Caffarelli emporte au tombeau les regrets universels. L’armée perd un de ses plus braves chefs ; l’Égypte un de ses législateurs ; la France un de ses meilleurs citoyens ; les sciences un homme qui y remplissait un rôle célèbre.
Louis Marie Maximilien Caffarelli du Falga, gravure de la fin du XVIIIème siècle
Le général Caffarelli repose dans un petit cimetière au nord de la vieille ville d'Acre