Prononciation :
Jean-Joseph Dubois-Foucou naît à Toulon, le 19 février 1748. Il est élève en chirurgie à l'hôpital de la même ville et à l'hôpital de la Charité de Paris. Il est qualifié maître chirurgien dès 1766. Le 22 juillet 1771, il devient officiellement membre du collège royal de chirurgie de la capitale. A partir de ce jour, il officie en tant que chirurgien-dentiste [1].
Son nom est, en fait, tout simplement Dubois, mais il a préféré lui adjoindre celui de Foucou, l'un de ses parents, lequel était un artiste [2].
Le 22 juillet 1775, Dubois-Foucou est maître en l'art et science de chirurgie de Paris, ayant soutenu une thèse intitulée De dentis vitiose positorum curatione [3].
De 1783 à 1785, il exerce rue sainte Marguerite à Paris, avec son oncle Vincent. De 1785 à 1796, il officie dans la même maison que Etienne Bourdet, dentiste du roi Louis XV, rue Croix-des-petits-champs. De 1797 à 1805, il est au 1325/6, rue des Bons enfants, butte des Moulins. De 1806 à 1807, il est installé au 1, rue des Bons enfants. Enfin, de 1808 à 1830, il termine sa carrière au 2, rue Caumartin [4].
En mars 1783, Bourdet, dentiste de Louis XV et de Louis XVI, lui vend la survivance de sa charge auprès du roi pour la somme de 150 000 livres. Louis XVI le nomme son opérateur pour les dents par brevet décerné à Versailles le 4 mai 1783. A cette époque, il soigne déjà le futur Louis XVIII depuis le 6 avril 1783, le futur Charles X, et la famille royale [5].
Dubois-Foucou succède à Bourdet après sa mort en 1789, auprès du roi, mais n'apparaît dans l'Almanach royal qu'en 1791. Le 1er août 1790, il est appelé au chevet de Louis XVI pour un abcès dentaire, de sévérité minime selon lui. Alors au Temple, Louis XVI demande le 10 août 1792, une « éponge pour les dents » à son dentiste qui la lui fournit. Enfermé précipitamment, la famille royale est démunie de tout. En décembre 1792, nouvelle fluxion du roi [6]. Louis Capet (comme il est désigné alors) en présence des commissaires de garde auprès de lui, a demandé, en raison d'une fluxion des dents dont il est attaqué depuis quelques jours, que l'on fasse venir un dentiste qu'il consulterait pour son mal, et il a désigné, à cet effet, le citoyen Dubois-Foucou.
Le Conseil général de la Commune refuse d'accéder à sa demande, le 22 décembre 1792.
Extrêmement procédurier, Dubois-Foucou attaque en justice Nicolas Dubois de Chémant, autre dentiste, au sujet de l'invention des dents minérales. De nombreux échanges dans les journaux, dont le journal de Paris de 1789, ont précédé cette démarche (numéros du 26 avril 1788, 22 avril 1789, 26 avril 1789, etc). Le 26 janvier 1792, il est débouté et doit, par jugement, payer les frais de procès. Plus tard, lorsque Dubois de Chémant est parti en Angleterre, Dubois-Foucou poursuit ses recherches et réalise ses propres dentiers en porcelaine [7].
Le 25 février 1793, Dubois-Foucou demande la résiliation de sa charge. Le 12 mai 1794, il assigne en justice la veuve Bourdet et lui demande le remboursement de 120 000 livres. Le 2 novembre 1794, le dentiste perd définitivement son procès et la veuve n'a pas à lui rendre un centime.
En janvier 1805, une proposition est faite de ses services pour occuper la fonction de chirurgien-dentiste de l'Empereur sans traitement [8]. Dubois-Foucou est cité pour la première fois dans l'Almanach impérial de 1806 [9].
En 1806, Gervais-Chardin, parfumeur de Leurs Majestés Impériales et Royales, livre 52 boîtes d'opiat dentifrice pour un montant de 306 francs, 15 douzaines de cure-dents en buis et en ivoire. Le 25 octobre 1808, il livre 24 douzaines de cure-dents en buis, 6 boîtes de corail fin pour les dents au prix de 36 francs et 28 boîtes d'opiat superfin facturées 168 francs. Le 20 mars 1815, le parfumeur Teissier fournit 3 boîtes d'opiat en bois d'ébène pour la somme de 18 francs et 28 pots d'opiat à la rose au coût de 56 francs. Tous ces produits sont destinés à l'hygiène bucco-dentaire de l'Empereur [10]. Est-ce à la demande de Dubois-Foucou que ces parfumeurs ont effectué ces livraisons ? Il est possible de l'envisager. En effet, chaque opérateur pour les dents conseillait au roi qu'il servait l'usage de ses onguents et de ses potions personnelles. Pourquoi Dubois-Foucou n'en aurait-il pas fait autant auprès de Napoléon Bonaparte ? Toutefois, rien ne l'atteste non plus [11].
La requête est accordée et il officie sur la personne de Napoléon de 1806 à 1813 [12]. Jamais durant son règne, le monarque ne semble avoir eu recours aux services de Dubois-Foucou, excepté pour des nettoyages [13]. Ses émoluments se montent à 600 francs par an et ne sont mentionnés pour la première fois qu'en 1808. Jean-Nicolas Corvisart, par exemple, médecin personnel de l'Empereur, perçoit la somme modique de 30 000 francs par an [14].
En 1808, Dubois-Foucou publie Exposé de nouveaux procédés pour la confection des dents, dites de composition et Lettre adressée à MM. les dentistes sur les dents minérales [15].
Les attributions et obligations du chirurgien-dentiste personnel de Napoléon sont mentionnées au titre 8 dans le règlement pour le service de santé de la maison de leurs Majestés impériales et royales qui a été rédigé en 1811 [16].
Art. 1er : Le chirurgien-dentiste est tenu de se présenter à la cour lorsqu'il est appelé immédiatement ou par le premier médecin ou par le premier chirurgien.Art. 2 : Il est également tenu de se présenter à l'infirmerie impériale lorsqu'il en est requis par le premier médecin ou d'après la demande du premier chirurgien ou du chirurgien de quartier pour y faire quelque opération de son ministère ; dans les cas urgents il s'y rendra sur leur invitation immédiate.
Dans un mémoire de réparation d'un nécessaire à dents de Napoléon, sur la quittance en date de 1810, sa signature apparaît :
vendu pour le service de sa Majesté l'Empereur et Roi :[17].fait deux instruments manquant au Nécessaire de sa Majesté... 36 francs
fait six tiges à rugines en remplacement sur des manches montés en nacre garnis en or... 54 francs
fait un manche avec virole en or sur le miroir portatif du Nécessaire... 15 francs
Signé Grangeret avec la mention "approuvés les objets ci-dessus mentionnés".
Signé Dubois-Foucou, chirurgien-dentiste de leurs Majestés impériales et royales
Ces instruments semblent avoir pour objectif la réalisation sur la personne de Napoléon de soins conservateurs. Dubois-Foucou intervient dans une autre réparation du nécessaire le 27 mars 1815.
Vendu pour le service de sa Majesté l'Empereur, et d'après les ordres de Monsieur Gourrean et Monsieur Dubois, dentistes de sa Majesté :[18].réparation complète a neuf des instruments et du Nécessaire à dents de sa majesté... 94 francs
"Certifié véritable"
Signé : Grangeret avec la mention "reçu le tout en bon état"
Signé Dubois-Foucou
Napoléon a donc grande confiance en son dentiste. En effet, l'Empereur lui laisse toute liberté quant à la confection, les réparations éventuelles et l'entretien des coffrets impériaux, pour ceux destinés à l'hygiène dentaire tout du moins. Les deux mémoires précédemment cités faisant état de réparations sur des rugines à détartrer démontrent sans contestation possible les sollicitations fréquentes du dentiste par Napoléon pour des détartrages. Toutefois, si Dubois-Foucou est libre de ses choix, ceux-ci sont tout de même visés par Corvisart [19].
Jean Joseph Dubois-Foucou devient aussi le dentiste personnel de Louis XVIII qui le garde uniquement parce qu'il s'est occupé du roi décapité, puis de Charles X [20]. Louis XVIII le rappelle aux mêmes fonctions à partir du 9 janvier 1815 [21]. Le 14 janvier 1815, dans une lettre au ministre de la maison du roi, Dubois-Foucou atteste avoir conçu et fait la commande, en lieu et place de Louis XVIII, d'un nécessaire à dents avant avril 1814 [22]. Pourtant, le 6 mars 1815, malgré la satisfaction réelle du nouveau roi, le secrétaire général du ministre de la maison du roi demande justification au dentiste des 1 162 francs, somme très élevée pour l'époque, demandés par le coutelier pour la fabrication du coffret [23].
En 1826, Jean-Joseph Dubois-Foucou cesse toute activité, mais au 15 décembre 1826, il est encore autorisé à conserver son titre. De fait, son nom est toujours cité dans l'Almanach royal de 1830, année de sa mort à Paris [24].
Jean-Joseph Dubois-Foucou. Portrait du XIXe siècle.
Dubois-Foucou a été marié. Il n'a pas reçu la Légion d'honneur et n'a pas été élevé à la noblesse d'Empire.
Remerciements
Cette notice biographique a été rédigée par M. Xavier Riaud, Docteur en Chirurgie Dentaire, Docteur en Epistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques, Lauréat et membre associé national de l'Académie nationale de chirurgie dentaire, médaillé d'honneur de la Société napoléonienne internationale, et mise en ligne avec son aimable autorisation.Références bibliographiques pour cette notice
• Almanachs impériaux, Testu & Cie imprimeurs, Paris, 1805 à 1813.• BARON Pierre, Dental Practice in Paris, in Dental Practice in Europe at the End of the 18th Century, sous la direction de Christine Hillam, Rodopi (ed.), Amsterdam, 2003.
• C.A.R.A.N., documents 02-233, 02-236, 02-815 et 02-816, Paris, 2010.
• Journal de Paris de 1789.
• LAMENDIN Henri, Anecdodontes, Aventis (éd.), Paris, 2002.
• LAMENDIN Henri, Praticiens de l'Art Dentaire du XIVème au XXème siècle, L'Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2007.
• MASSON Frédéric, Napoléon chez lui, Tallandier (éd.), Bibliothèque napoléonienne, Paris, 2004.
• Riaud Xavier, Napoleon and his teeth, in Napoleonic Scholarship, the journal of the International Napoleonic Society, n° 3, May 2010, pp. 125-129.
• ROUSSEAU Claude (a), Histoire de l'aménagement opératoire du cabinet dentaire – Le coffret d'instruments de chirurgie dentaire de Napoléon, l'énigme de son testament, in Actes de la Société Française d'Histoire de l'Art Dentaire, http://www.bium.univ-paris5.fr, sans date, pp. 1-5.
• ROUSSEAU Claude (b), Histoire de l'aménagement opératoire du cabinet dentaire – L'énigme posée par l'attribution à Louis XVIII ou à Charles X d'un « nécessaire à dents » de Pierre-François Grangeret, in Actes de la Société Française d'Histoire de l'Art Dentaire, http://www.bium.univ-paris5.fr, sans date, pp. 1-7.
• Sans auteur, Almanach royal présenté à sa Majesté, Guyot & Scribe (éd.), Paris, 1830.
• Société Odontologique de Paris,Les daviers de Napoléon, in https://www.sop.asso.fr, 2006, p. 4.
Notes
01. - ROUSSEAU (a) & (b), sans date ↑02. - ROUSSEAU (a), sans date ↑
03. - LAMENDIN, 2007 ↑
04. - BARON, 2003 ; Sans auteur, 1830 ↑
05. - ROUSSEAU (b), sans date ↑
06. - LAMENDIN, 2002 & 2007 ↑
07. - LAMENDIN, 2007, Journal de Paris de 1789 ↑
08. - ROUSSEAU (a) & (b), sans date ↑
09. - Almanach impérial, 1806 ↑
10. - C.A.R.A.N., 2010 ↑
11. - Riaud, 2010 ↑
12. - SOP, 2006 ↑
13. - MASSON, 2004 ↑
14. - ROUSSEAU (a) & (b), sans date ↑
15. - LAMENDIN, 2007 ↑
16. - ROUSSEAU (a), sans date ↑
17. - ROUSSEAU (a), sans date ; C.A.R.A.N., 2010 ↑
18. - ROUSSEAU (a), sans date ; C.A.R.A.N., 2010 ↑
19. - ROUSSEAU (a), sans date ; C.A.R.A.N., 2010 ↑
20. - LAMENDIN, 2007 ↑
21. - ROUSSEAU (b), sans date ↑
22. - ROUSSEAU (b), sans date ↑
23. - ROUSSEAU (b), sans date ↑
24. - Sans auteur, 1830 ↑