Nicolas Deyeux

Nicolas Deyeux voit le jour à Paris, le 21 mars 1745. Après une scolarité sans anicroche au collège Mazarin, il apprend la pharmacie aux côtés de son oncle. Il n'est pas étranger au succès de l'officine familiale puisqu'il plaît terriblement à la gent féminine qui le prise au point de dévaliser les produits de beauté du magasin et de lui faire amener des commandes chez des clientes en mal d'aventures. Il ne cachera jamais son goût prononcé pour les récits grivois, voire érotiques [1].

En 1772, il obtient son diplôme de maître en pharmacie. Fort logiquement, il prend la suite de son oncle et travaille pendant quinze ans à son échoppe. En parallèle, il devient en 1777 démonstrateur au collège de pharmacie qui vient d'ouvrir ses portes.

De 1782 à 1797, il est l'un des rédacteurs du Journal des découvertes et perfectionnemens de l'industrie nationale et étrangère, de l'économie rurale et domestique, de la physique, de la chimie, l'histoire naturelle, la médecine domestique et vétérinaire, enfin des sciences et des arts qui se rattachent aux besoins de la vie publié de 1782 à 1831, par François Buisson [2]. En 1787, il vend son commerce parce qu'il se sent plus attiré par la recherche [3].

Il se consacre aussi à l'enseignement et fait paraître de nombreux travaux, seul ou en association, dans le Journal de physiques, les Annales de chimie ou bien encore le Journal de pharmacie.

En 1790, Antoine-Augustin Parmentier et Nicolas Deyeux remportent un prix de la Société royale de médecine grâce à leur mémoire détaillant leur étude chimique du lait. En 1791, les deux hommes gagnent à nouveau ce prix en faisant une Analyse du sang, titre du mémoire présenté à l'institution [4]. Il produit aussi des mémoires sur l'opium, sur la noix de gale et l'acide gallique. Un autre mémoire co-écrit avec Herbin sur la maladie de la pierre et la dissolution des calculs humains est fortement remarqué. Il contribue aussi à une réédition commentée des travaux d'Olivier de Serres, agronome favori d'Henri IV [5].

Pendant la Révolution, son frère, activiste royaliste, est guillotiné le 7 juillet 1794. De fait, il est inquiété et s'en sort in extremis, son frère ayant travaillé avec lui un temps. Il demeure professeur au collège de pharmacie et à la faculté de médecine où il enseigne la chimie [6].

Le 25 novembre 1797, il est élu membre de l'Institut de France, dans la section de chimie de la classe de physique et mathématiques.

Le 6 juillet 1802, il est nommé membre du conseil de salubrité et d'hygiène du département de la Seine [7].

C'est logiquement qu'en 1804, Jean-Nicolas Corvisart le démarche pour prendre la charge de premier pharmacien de l'Empereur. C'est officiel le 18 juillet 1804. A ce poste, il reçoit un revenu annuel de 6 000 francs. Pourtant, c'est avec de nombreuses réticences qu'il accepte. En effet, effrayé par les combats et la mort environnante, il ne veut pas suivre la Grande Armée et désire rester exclusivement dans la capitale [8]. Il ne s'en cache d'ailleurs pas auprès de Napoléon. Sire, votre confiance me flatte, mais je mets à mon acceptation une unique condition : je n'irai pas à l'armée... lui dit-il [9].

Dévoué à sa tâche, d'une susceptibilité exacerbée, en perpétuelle hésitation, il structure la pharmacie de la cour impériale de main de maître pendant dix ans. Aidé par d'autres pharmaciens, il leur délègue son pouvoir lors des campagnes militaires. Ainsi, Edme-Jean Baptiste Bouillon-Lagrange accompagne l'Empereur dans ses déplacements de 1805 à 1807, Charles-Louis Cadet de Gassicourt le suit en Autriche en 1809 et Pierre Charles Rouyer est près de lui en Espagne en 1808, en Russie en 1812, et en Saxe en 1813 [10].

La gestion de la pharmacie à la cour génère de nombreuses protestations. Le 21 mars 1812, en colère, Napoléon décrète la mise en place d'une grande pharmacie aux Tuileries, agrémentée d'antennes sur les lieux de villégiature de l'Empereur. A la suite de cette décision, Deyeux se fâche définitivement avec Cadet de Gassicourt qui arrondit ses fins de mois en surfacturant les produits vendus par son commerce à l'Empereur [11].

C'est Corvisart qui affirme la stérilité de Joséphine et qui essaie de la traiter. Mais sa patiente lui demande toujours plus de médicaments. Le médecin finit par lui donner un placebo à base de mie de pain conçu par Nicolas Deyeux [12].

Le 31 mai 1811, il s'occupe activement du roi de Rome qui a été inoculé le 4 du même mois [13].

Est-ce ces missions ou bien le succès de son association avec Benjamin Delessert dans la production de sucre de betterave, le 2 janvier 1812 ? Toujours est-il que Deyeux voit ses émoluments passés à 8 000 francs par an [14].

Pendant les Cent-Jours, Deyeux étant atteint par la limite d'âge, Charles-Louis Cadet de Gassicourt lui succède dans sa fonction auprès de l'Empereur, mais sans jamais disposer du titre reçu par Deyeux en 1804 [15].

En 1820, Deyeux est élu membre de l'Académie de médecine. Pendant la Restauration, il conserve ses fonctions d'enseignant. Le 18 novembre 1822, il est destitué du corps professoral suite à une manifestation estudiantine, tout comme René Nicolas Dufriche-Desgenettes. Louis-Philippe le réinvestit dans sa chaire le 5 octobre 1830, mais, trop vieux, Deyeux cesse toute activité [16].

Le 25 avril 1837, il meurt à Passy.

C'est sous la Restauration, en 1819, que Nicolas Deyeux a été fait membre de la Légion d'honneur.