Date et lieu
- 30 novembre 1808 dans les gorges de Somosierra (ou Somo-Sierra) dans la Sierra Guadarrama, à 90 Km au nord de Madrid, en Espagne.
Forces en présence
- Armée française (environ 35 000 hommes, dont 6 000 seront réellement engagés), incluant une brigade de chevau-légers polonais du Duché de Varsovie, sous le commandement de l'Empereur Napoléon 1er.
- Armée espagnole (environ 13 000 hommes, 8 000 participant aux combats) commandée par le général Benito de San Juan.
Pertes
- Armée française, cinquante-sept Polonais tués ou blessés (sur cent-cinquante ayant pris part à la charge).
- Armée espagnole, de 200 à 2 000 tués selon les sources, 16 canons, 10 drapeaux.
Panoramique aérien du champ de bataille de Somosierra
Charge de cavalerie plus que véritable bataille, Somosierra est surtout l'occasion pour les cavaliers polonais de se couvrir d'une gloire chèrement payée par des pertes considérables. C'est ce jour-là que Napoléon aurait déclaré : Impossible n'est pas Français
.
La situation générale
Début novembre 1808, Napoléon est arrivé à Vitoria [Vitoria-Gasteiz} , au Pays Basque espagnol, pour y prendre la tête des armées françaises en Espagne. Son but est de ramener son frère Joseph dans la capitale de son royaume, qu'il a dû quitter précipitamment, le 30 juillet précédent, peu après la capitulation de Pierre Dupont de l'Etang à Bailén (22 juillet).
Pour ce faire, l'Empereur a déplacé en Espagne la moitié des forces françaises d'Allemagne et dispose donc de soldats aguerris. S'ensuit une série de défaites espagnoles qui mettent bientôt l'Empereur à portée de Madrid. Arrivant de Burgos, il lui reste cependant à franchir la chaîne montagneuse du Système central (Sierra de Guadarrama, Sierra de Somosierra, Sierra de Ayllón), que traverse la route reliant les deux villes.
Le site du combat
Le point de passage obligé est au col de Somosierra [41.13472, -3.58108], un peu avant le village du même nom. Y mène une route assez étroite et encaissée, formant défilé sur les six derniers kilomètres, facile à défendre .
C'est évidemment l'endroit que choisit le général espagnol Benito de San Juan pour barrer la route aux Français. Des treize mille hommes environ dont il dispose, il en installe huit à neuf mille sur les hauteurs de Somosierra, avec vingt-deux canons répartis en quatre batteries échelonnées tout au long de la route .
Chacune commande un des principaux coudes du défilé : la première peu après un petit pont de pierre [41.15348, -3.58221] qui franchit le ruisseau Duratón , la dernière, forte d'une dizaine de pièces, au-dessus du col lui-même et d'une petite chapelle [aujourd'hui l'ermitage de Nuestra Señora de la Soledad] :
Premiers contacts
Le 29 novembre, à Boceguillas , Napoléon est informé des dispositions prises par l'ennemi et bute à Sepulveda sur son avant-garde. Celle-ci, après avoir repoussé une première attaque, parvient à s'échapper à la faveur de l'obscurité.
Le lendemain, à 9 heures du matin, Napoléon fait d'abord donner son infanterie. Dans un épais brouillard, le maréchal Victor envoie trois colonnes à l'assaut, l'une de la route, les deux autres des pentes qui la bordent, ces deux dernières devant tomber sur les flancs des Espagnols. La nature plus aisée du terrain et une mauvaise coordination amènent la colonne ayant emprunté la route à se présenter seule devant la première batterie espagnole, qui la cloue sur place.
La charge des Polonais
Vers onze heures, Napoléon arrive avec la cavalerie. Il s'avance vers le petit pont de pierre, observe la situation (le brouillard s'est levé), et, constatant que l'infanterie ne parvient pas à progresser, ordonne une charge de cavalerie. Toutes les autorités s'accordent à juger qu'il s'agit d'une mission impossible.
Après une courte reconnaissance, un aide de camp du maréchal Berthier la juge telle, le maréchal Bessières est opposé au projet, mais Napoléon n'en a cure. Dans sa colère, il prononce des paroles historiques : Impossible, impossible, je ne connais pas ce mot-là
(qui deviendra, le succès aidant : Impossible n'est pas Français
) et retire la mission à sa Garde pour la confier à l'escadron polonais de service auprès de lui ce jour-là.
La charge a donc lieu, et à fond, sous les commandements successifs du chef d'escadron Jan Leon Kozietulski, du capitaine Jan Dziewanowski puis du lieutenant Andrzej Niegolewski , qui tombent à tour de rôle sous le feu des Espagnols sans que se brise l'élan de leurs camarades. Les batteries sont enlevées les unes après les autres.
Les chasseurs à cheval de la Garde sont alors envoyés à la rescousse, avec le chef d'escadron Andrzej Tomasz Łubieński pour prendre le commandement de ce qu'il reste de chevau-légers.
Pendant ce temps, épouvantés, les Espagnols se sont mis à abandonner leurs positions. Les premiers cavaliers qui arrivent en haut du col constatent que la plupart de leurs adversaires se sont enfuis en abandonnant armes et bagages, massacrant sur place leur général pour avoir cherché à les retenir (selon d'autres sources, celui-ci mourra victime de mutins à Talavera le 7 janvier suivant).
Il en reste cependant quelques-uns autour de la dernière batterie, qui infligent au lieutenant Niegolewski, déjà durement touché durant la charge mais courageusement revenu parmi ses camarades, deux blessures supplémentaires par arme à feu et neuf par arme blanche. Napoléon, très ému, lui remettra sa propre croix de la Légion d'honneur en arrivant sur place.
La charge a duré sept minutes.
Trois autres escadrons de cavalerie polonais assurent la poursuite, suivis par les voltigeurs de l'infanterie.
Les suites de la bataille
La route de Madrid est désormais ouverte. Napoléon y entrera le 4 décembre suivant.
Les morts sont enterrés en grande pompe. Le lendemain, lors d'une revue tenue à Buitrago, Napoléon se découvre devant les survivants et leur déclare : Vous êtes dignes de ma Vieille Garde. Je vous reconnais pour ma plus brave cavalerie
. Pas moins de seize légions d'honneur leur sont distribuées.
Carte de la bataille de Somosierra
Tableau - "Bataille de Somosierra". Peint en 1810 par Louis-François Lejeune.
Le lieutenant Niegolewski se remettra de ses blessures et écrira, quarante-sept ans plus tard : Puissent beaucoup de jeunes gens avoir un pareil jour de fête
. Ce qui prouve que la notion de fête a beaucoup évolué depuis ...
On a parfois considéré la décision d'envoyer des cavaliers à l'assaut d'une succession de batteries d'artillerie comme injustifiable, voire criminelle. Certains y voient une illustration du peu de cas dont Napoléon faisait de la vie de ses soldats.
Outre que l'événement lui a donné raison, puisque cette charge a effectivement obtenu le succès espéré, il faut noter l'appréciation du général anglais William Francis Patrick Napier, peu susceptible de partialité en sa faveur, qui participa aux guerres de la péninsule et est considéré outre-Manche comme le meilleur historien de ces campagnes : ...la charge de la cavalerie polonaise était extravagante, mais, prise comme résultat de la juste idée qu'avait Napoléon de la valeur des troupes espagnoles et de sa promptitude à saisir l'avantage que lui offraient en ce moment les épaisses vapeurs qui couvraient la montagne, c'est une heureuse inspiration de son génie.
Un vitrail de la chapelle Nuestra Señora de la Soledad, représentant la Vierge de Czestochowa entourée de soldats polonais, a été offert par le ministère de la Culture et du Patrimoine national de la République de Pologne et l'ambassade de Pologne à Madrid en 2008, à l'occasion du bicentenaire de la bataille.
Crédit photos
Photos par Lionel A. Bouchon.Photos par Marie-Albe Grau.
Photos par Floriane Grau.
Photos par Michèle Grau-Ghelardi.
Photos par Didier Grau.
Photos par des personnes extérieures à l'association Napoléon & Empire.