Date et lieu
- 16 juin 1815 à Ligny (province de Namur, Wallonie, Belgique) et ses alentours proches.
Forces en présence
- Armée du Nord (moins de 60 000 hommes) sous le commandement de l'Empereur Napoléon Ier Bonaparte.
- Armée prussienne, dite Armée du Bas-Rhin (environ 83 000 hommes) dirigée par le maréchal Gebhard Leberecht von Bluecher, Fürst von Wahlstatt.
Pertes
- Armée française : de 7 à 12 000 tués ou blessés.
- Armée prussienne : de 12 à 25 000 morts ou blessés, 8 000 déserteurs.
Panoramique aérien du champ de bataille de Ligny
Le 16 juin 1815, lors de la bataille de Ligny (parfois dénommée bataille de Fleurus), Napoléon remporte la dernière victoire de sa carrière. Ce succès ne s'avère cependant ni décisif ni même suffisant pour empêcher les Prussiens de prendre, le surlendemain près de Waterloo, une part déterminante à la défaite finale de l’Empereur.
Situation générale
Voyant ses offres de paix repoussées sans ménagement par les Alliés après son retour d'exil à l'île d'Elbe
À la tête de l’armée du Nord, réunie à la hâte, il pénètre en Belgique par Thuin (au sud-ouest de Charleroi) le 15 mars 1815, dans l’intention de battre séparément ses deux ennemis avant qu’ils ne puissent faire leur jonction. Les troupes de Wellington sont en effet cantonnées autour de Bruxelles
Le même jour, après la prise de Charleroi, l’Empereur confie au maréchal Michel Ney 25 000 hommes environ et l’envoie s’emparer, sur la gauche de l’armée française, du carrefour des Quatre Bras
Les forces en présence
Napoléon dispose des IIIe, IVe et VIe corps d’infanterie, respectivement sous les ordres de Dominique-Joseph-René Vandamme, Étienne Maurice Gérard
L’effectif total ne dépasse pas les 60 000 hommes, car l’armée est loin d’être parfaitement concentrée et de nombreuses unités piétinent encore au sud de la Sambre
Blücher, pour sa part, peut aligner le Ier corps de Hans Ernst Karl von Ziethen
Le IVe corps de Friedrich Wilhelm Bülow von Dennewitz
Il semble que des ordres mal rédigés ou mal compris — August Neidhardt von Gneisenau, chef d’état-major de Blücher, et Von Bülow se détestant cordialement — soient à l’origine de ce contretemps.
Le terrain
Les Prussiens ont choisi leur position pour ses capacités défensives. Un ruisseau, La Ligne, sur laquelle ils s’appuient d’un bout à l’autre du champ de bataille, forme un obstacle de nature à gêner l’ennemi sans interdire les contre-attaques :
Le village de Ligny a en outre été fortifié avec soin. Les rues sont barricadées, les accès aux ponts rendus impraticables, la ferme d’En-Haut
Blücher a positionné Ziethen le long du ruisseau, à Wagnelée, La Haye [dit aussi Long-Pré], Saint Amand
Côté français, Vandamme est placé à l’ouest (gauche) face à Saint-Amand
Le plan de Napoléon prévoit d’assaillir avec force la droite prussienne afin de pousser Blücher à y envoyer les réserves rassemblées au centre. Les Français porteront alors leur attaque principale sur celui-ci, devenu plus fragile.
Les combats
Napoléon arrive à Fleurus
Blücher, après s’être concerté avec Wellington vers 13 h au moulin de Bussy
La bataille commence vers 14 h 30 ou 15 h. Au signal de l’attaque — trois coups de canon tirés à intervalle régulier par une batterie de la Garde —, le IIIe corps marche aussitôt sur Saint-Amand
Une demi-heure plus tard, la division de Jean-Baptiste Girard fond sur le lieu-dit Le Hameau de Saint-Amand [dit aussi Beurre-sans-Croûte]
Les pertes françaises sont élevées : plus du quart de la division est hors de combat à 16 heures. Ses deux brigades ont vu tomber leurs généraux, le général Girard lui-même est mortellement blessé à la ferme de La Haye
Au centre, vers 15 h, Gérard lance trois colonnes sur Ligny. Les premiers assauts, menés par la division de Marc Nicolas Louis Pécheux, échouent du fait de la supériorité de l’artillerie prussienne. Une fois renforcés par deux batteries de la Garde, les canonniers de Gérard peuvent effectuer une préparation suffisante pour que l’attaque suivante parvienne jusqu’à la rive sud de la Ligne.
Ce ruisseau, qui coule encaissé entre deux talus, avec ses berges envahies de saules et de haies vives garnies de tirailleurs embusqués, constitue une solide défense. D’autant que derrière lui se dressent les fermes d’En-Haut et d’En-Bas, l’Église, le château et les maisons du village dont les murs ont été crénelés.
Des combats d’un acharnement croissant se déroulent dans le bourg jusqu’à 19 heures avec des fortunes diverses qui font basculer la victoire dans un camp ou dans l’autre une demi-douzaine de fois dans l’après-midi. Tous les témoignages insistent sur la fureur prodigieuse des combats menés pour franchir la Ligne, prendre les deux ponts
Plus à l’est, sur l’aile droite française, et jusqu’à 18 heures environ, les opérations sont peu soutenues : quelques escarmouches, un duel d’artillerie de faible intensité. La mission de Grouchy consiste essentiellement à empêcher les Prussiens de dégarnir leur gauche, ce que la seule présence de ses troupes, par la menace qu’elles font peser sur la route de Namur, suffit à assurer. Les Prussiens, en effet, ne peuvent se permettre de se laisser couper du corps de Von Bülow, dont ils attendent l’arrivée.
À partir de 16 heures, voyant son aile droite en difficulté, Bluecher n’hésite pas à mobiliser successivement toutes ses réserves d’infanterie et de cavalerie pour la renforcer. Vandamme réplique en engageant la division de Pierre Joseph Habert
Vers 18 heures 30, Blücher fournit un dernier effort pour écraser la gauche française. L’intensité de son artillerie atteint un maximum. À 19 heures, Vandamme se résigne à évacuer Saint-Amand et La Haye. Cependant, avec le renfort de quelques bataillons de la jeune Garde sous le commandement de Guillaume Philibert Duhesme
Sur la droite française, vers 18 heures, Von Thielmann part à l’attaque sur la route de Fleurus. Son offensive est rapidement arrêtée, entre Tongrinelle et Potriaux, par les divisions d’Étienne Hulot de Mazerny et d’Antoine Maurin. Les Français tentent alors de percer les défenses prussiennes. Ils franchissent la Ligne, prennent Tongrinne et Tongrinelle, puis Potriaux avant d’être bloqués à leur tour.
À la même heure, un officier de liaison envoyé par Vandamme annonce à l’état-major impérial l’arrivée d’une colonne inconnue progressant vers Wagnelée
Napoléon interrompt la mise en place de son dispositif d’attaque sur le centre adverse et se prépare à faire intervenir Drouot et les unités restantes de la Garde sur l’aile gauche.
Vers 18 heures 30, les nouveaux arrivants sont identifiés. Il s’agit en fait du corps de Jean-Baptiste Drouet d'Erlon, appelé à la rescousse quelques heures plus tôt par Napoléon bien qu’il soit en principe à la disposition de Ney. Ces 20 000 hommes, qui se présentent sur les arrières des Prussiens, ne recevront pourtant aucun ordre et feront bientôt demi-tour, rappelés par Michel Ney à Quatre Bras où ils arriveront trop tard et se montreront tout aussi inutiles qu’à Ligny.
Napoléon, cependant, se rend compte que Blücher ne s’est pas contenté d’affaiblir considérablement son centre au profit de son aile droite, mais qu’il a de surcroît consommé toutes ses réserves pour ce faire. L’Empereur décide donc qu’il est temps de le briser, comme il en a l’intention depuis le début. Il dispose pour cela de troupes fraîches et encore intactes : le VIe corps de Lobau, le IVe corps de cavalerie de Milhaud et la Vieille Garde, une trentaine de milliers d’hommes au total.
Les Prussiens se cramponnent toujours opiniâtrement à quelques points forts de Ligny : le château de Looz
Après quoi Gérard, avec les divisions Pécheux et celle de Louis Joseph Vichery
Napoléon, avec la cavalerie de la Garde, entre lui-même dans la bourgade et s’installe au lieu-dit La Tombe, sur un tertre [arasé en 1885 pour y trouver un hypothétique trésor]. Une fois le village définitivement conquis, la Garde grimpe sur le plateau de Brye où l’ennemi tente de se réorganiser.
Du côté de Vandamme, le IIIe corps, bien qu’éprouvé, passe également à l’attaque et chasse les troupes qui lui font face en direction de Ligny. À la faveur de l’obscurité naissante, les Prussiens reculent en résistant de leur mieux. Certains parviennent à se regrouper derrière Brye
Enfoncée au centre, l’armée prussienne cherche son salut dans une charge de cavalerie que Blücher mène en personne dans les parages de Saint-Amand. Il manque de peu se faire prendre lorsque son cheval est tué.
À 20 heures 30, le front prussien est définitivement disloqué. Les Prussiens ne songent plus qu’à décrocher, sauf sur l’aile droite française où les combats se poursuivent jusque tard dans la soirée. Napoléon, lui, installe son Quartier Général au Château de la Paix
Les pertes pèsent lourd des deux côtés. Elles oscillent selon les auteurs entre 7 000 et 12 000 tués et blessés pour les Français, entre 12 000 et 25 000 pour les Prussiens. S’y ajoutent, pour le camp allemand, 8 000 déserteurs. Il s’agit pour la plupart de soldats issus de provinces récemment rattachées à la Prusse, peu enclins à se faire tuer pour leurs nouveaux maîtres.
Conséquences
La défaite des Prussiens est moins complète que ne le croit Napoléon. En outre, jusque dans le milieu de la matinée du 17, l’Empereur, malgré les sollicitations de Grouchy, néglige de les faire poursuivre.
Les vaincus ont donc tout loisir d’organiser leur retraite en direction de Wavre
Quand Grouchy reçoit enfin l’ordre de prendre en chasse l’ennemi, avec sous son commandement les corps de Vandamme et de Gérard ainsi que la cavalerie de Pajol et d’Exelmans — en tout 32 000 hommes et 96 canons — il est encore retardé par un violent orage qui freine sa progression.
Le soir, les Prussiens ont gagné vingt kilomètres d’avance supplémentaire sur leurs poursuivants et les devancent de plus de quarante. Les fuyards ont de surcroît été rejoints à Wavre par le corps de Von Bülow, qui n’a pas participé aux combats, et se trouve par conséquent intact.
Blücher, malgré sa défaite du 16, est donc prêt, dès le 17, à intervenir le lendemain dans la bataille que le duc de Wellington s’apprête à livrer. Le généralissime anglais l’en a instamment prié dans les dépêches écrites depuis son quartier général
Carte de la bataille de Ligny
Tableau - «La bataille de Ligny», aquarelle de Théodore Yung (ou Jung) (Strasbourg 1803 - Strasbourg 1865)
La journée fut marquée par les marches et les contremarches inutiles du Ier corps de Drouet d’Erlon. En principe subordonné à Ney, celui-ci fut cependant appelé par Napoléon en cours de bataille afin de prendre les Prussiens à revers. Mais le maréchal Ney, informé trop tard, l’avait entretemps rappelé, si bien que ces 20 000 hommes ne furent au bout du compte engagés ni à Ligny ni à Quatre Bras.
Comme indiqué plus haut, le maréchal Bluecher faillit bien être fait prisonnier vers la fin de la bataille quand il eut son cheval tué sous lui et que celui-ci, en s’abattant, le cloua au sol à proximité de soldats français ... mais ceux-ci, dans la semi-pénombre et l'agitation du combat, passèrent sans le voir