N & E
Napoléon & Empire

Bataille de Dresde

Date et lieu

  • 26-27 août 1813 à Dresde, capitale de la Saxe, sur les bords de l'Elbe (actuellement dans le land de Saxe, en Allemagne).

Forces en présence

  • Armée française (40 000 puis 120 000 hommes) sous le commandement du maréchal Laurent de Gouvion-Saint-Cyr puis de l'Empereur Napoléon Ier.  
  • Coalition russo-austro-prussienne (180 000 hommes) commandée par le feld-maréchal Karl Philipp Fürst zu Schwarzenberg.  

Pertes

  • Armée française : environ 10 000 morts ou blessés.  
  • Coalition russo-austro-prussienne : autour de 38 000 morts, blessés ou prisonniers, 40 canons.  

Panoramique aérien du champ de bataille de Dresde

Vue du champ de bataille de Dresde.

La bataille de Dresde, qui dure deux jours, est la dernière victoire importante de Napoléon Ier en Allemagne. En nette infériorité numérique, il y remporte une éblouissante victoire tactique, qu'il ne sera pas en mesure d'exploiter.

Situation générale

L’armistice de Pleiswitz [Pläswitz, Pielaszkowice], signé après les batailles de Lützen et Bautzen entre la France et la coalition russo-prussienne, a pris fin le 10 août 1813 avec l’échec de la médiation menée par le chancelier autrichien, Clemens von Metternich. Deux jours plus tard, l’Autriche a rejoint les alliés et déclaré à son tour la guerre à la France.

Plan d'action des Coalisés

Les Alliés ont organisé trois armées principales : celles de Bohême, de Silésie et du Nord, confiées respectivement au prince Carl Philipp zu Schwarzenberg, au général Gebhard Leberecht von Blücher et au prince royal de Suède, ci-devant maréchal Jean-Baptiste Bernadotte.

L’armée de Bohême regroupe 120 000 Autrichiens, 70 000 Russes et 60 000 Prussiens. Les Russes obéissent aux ordres de Mikhaïl Bogdanovitch Barclay de Tolly (Михаи́л Богда́нович Баркла́й-де-То́лли), les Prussiens à ceux de Friedrich Kleist von Nollendorf  ; le prince de Schwarzenberg commande en chef.

Dispositions des forces françaises

La stratégie adoptée par les Coalisés consiste à resserrer peu à peu l’armée française dans un cercle suffisamment restreint pour que les trois masses alliées puissent l’assaillir de concert et l’accabler sous le nombre. En attendant, chacune d’elles doit refuser le combat lorsqu’elle se trouvera face à Napoléon en personne.

Napoléon a établi sa ligne de défense sur l’Elbe . Dresde [Dresden], ville de quelques 60 000 habitants et capitale du Royaume de Saxe, en est le point névralgique. Il y a installé son centre opérationnel.

Le centre historique de Dresde, après reconstruction
Le centre historique de Dresde, après sa reconstruction. Photo de Michèle Grau-Ghelardi

En amont, les bourgs de Königstein (in der Sächsische Schweiz) et de Lilienstein, de chaque côté du fleuve, et le pont qui les relie, commandent les débouchés des monts de Bohême. En aval, les garnisons de Torgau, Wittenberg, Magdebourg [Magdebourg] et Hambourg [Hamburg] tiennent les passages sur l’Elbe. Un poste a aussi été improvisé à Werben [Werben an der Elbe], la distance entre les places de Hambourg et Magdebourg paraissant trop importante.

Derrière ce premier cordon, Napoléon a réparti ses forces d’une façon qui répond parfaitement à la stratégie adverse, dont il a anticipé les grandes lignes :

  1. Les 30 000 hommes du XIVe Corps, récemment formé et confié au maréchal Laurent de Gouvion-Saint-Cyr, stationnent à Königstein, sur la rive gauche de l’Elbe, à une trentaine de kilomètres en amont de Dresde. Ils barrent ainsi la route de Peterswalde [Petrovice] par où l’ennemi pourrait déboucher de Bohême en Saxe pour surgir sur les arrières de l’armée française.
  2. Dominique-Joseph Vandamme, commandant lui aussi un corps de 30 000 combattants, occupe, à Lilienstein, face à Gouvion-Saint-Cyr, la rive droite du fleuve. De là, il garde les passages de la Bohême vers la Lusace.
  3. Dans cette même région, un peu plus à l’est, les Corps de Józef Antoni Poniatowski et de Claude-Victor Perrin, dit Victor surveillent le défilé de Zittau, autre brèche dans les monts de Bohême.

Si l’ennemi débouche par la route de Peterswalde, toutes les dispositions sont prises pour que le maréchal Gouvion-Saint-Cyr en ralentisse d’abord l’avancée avant de s’enfermer dans le camp retranché établi à Dresde. Ses forces, conjuguées à la garnison de la ville, paraissent suffisantes pour y résister le temps nécessaire à l’arrivée de secours.

Combats initiaux contre l'armée de Silésie

Dans les jours qui précèdent la bataille, Napoléon inspecte les positions de Gouvion-Saint-Cyr et de Vandamme, puis se porte plus à l’est. Il pénètre un moment en Bohême pour évaluer les intentions de Schwarzenberg et déduit de ses mouvements que celui-ci se prépare soit à enlever Dresde soit à marcher sur Leipzig pour se placer entre l’armée française et le Rhin.

Néanmoins, avant de revenir combattre l’armée de Bohême, l’Empereur entend au préalable neutraliser au moins provisoirement celle de Silésie. C’est presque chose faite le 22 août, quand un courrier rédigé par Gouvion-Saint-Cyr lui apprend que l’armée du Danube se présente, débouchant comme attendu par Peterswalde. Napoléon s’organise aussitôt afin d’en tirer parti d’un mouvement qu’il a anticipé.

La Garde prend le chemin de Dresde. Le Corps d’Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont l’accompagne, de même qu’une partie importante de la cavalerie de Victor de Faÿ de La Tour-Maubourg . Ordre est envoyé à Vandamme et Victor de reculer sur l’Elbe. Ainsi, 180 000 hommes auront rejoint Dresde dans les quatre jours, dont au moins 80 000 au cours des deux premiers.

Le 23, Napoléon n’a donc aucune inquiétude sur le sort de la ville, quand il finit de repousser Blücher aussi loin que possible au-delà de la rivière Katzbach [Kaczawa], jusqu’à Jauer [Jawor]. En milieu de journée, l’Empereur part pour Görlitz. Il y apprend que la population comme les autorités de la ville de Dresde, roi de Saxe et généraux chargés de la défense compris, s’alarment de l’immensité des forces alliées qui les menacent. Les hauteurs autour de la cité, sur la rive gauche de l’Elbe, en sont paraît-il couvertes. Napoléon envoie Joachim Murat évaluer la situation.

Les Coalisés devant Dresde

Les quatre colonnes de l’armée de Bohême, respectivement sous le commandement de Johann Joseph Cajetan von Klenau und Janowitz , d'Ignáz Gyulai von Máros-Németh und Nádaska  (souvent appelé Giulay dans les textes français), Kleist et Piotr Khristyanovitch Wittgenstein (Пётр Христианович Витгенштейн), viennent en effet de déboucher en Saxe par quatre routes différentes.

La colonne de Wittgenstein a été la première à se présenter. La 43e division du général Michel Marie Claparède , placée en avant-garde sur la route de Peterswalde, lui a chèrement disputé le plateau de Berggiesshübel avant de battre en retraite.

Le 23 août, Gouvion-Saint-Cyr se replie sur Dresde. Il a auparavant confié à la 42e division la défense des forts de Koenigstein et de Lilienstein, du pont sur l’Elbe qui les relie et des postes bordant le fleuve. Ce faisant, il interdit à l’ennemi de franchir le cours d’eau.

Toujours convaincu que la ville a les moyens de résister plusieurs jours à un assaut, Napoléon conçoit une nouvelle manoeuvre. Il n’en attend rien de moins que de s’emparer de l’armée de Bohême tout entière avec les souverains qu’elle abrite (roi de Prusse et tsar de Russie), en arrivant dans le dos des Alliés, par Lilenstein et Koenigstein, pour les prendre en tenaille entre Dresde et lui.

Mais dans la cité elle-même, le spectacle des hauteurs alentour couvertes de troupes ennemies trouble de plus en plus les esprits. Des messagers partent les uns après les autres demander à Napoléon qu’il ramène sur place toutes ses réserves pour repousser l’assaut. Murat lui-même ne peut que constater la présence d’une armée innombrable, paraissant décidée à attaquer.

Rapport de Gourgaud et revirement de Napoléon

À une lettre de Napoléon lui rappelant les moyens qu’il a de résister, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr se contente de répondre qu’il fera son possible, sans ne pouvoir rien garantir. Napoléon s’irrite de cette excessive circonspection. Le 24, il expédie à Dresde un officier d’ordonnance, Gaspard Gourgaud, chargé d’examiner à fond la situation avant de revenir en toute hâte rendre son rapport.

À son retour, le 25 au soir, Gourgaud trace un tableau si calamiteux de l’état des choses que Napoléon modifie ses plans pour voler sans tarder au secours de la ville.

Atermoiement des Coalisés

Le 25, en effet, trois des quatre colonnes alliées sont déjà réunies sur les hauteurs de Dresde. Seul Klenau, dont la route est la plus longue, se fait attendre. Au quartier-général du Tsar et du prince de Schwarzenberg, installé au château de Nöthnitz   [51.00362, 13.73009] à Bannewitz, Antoine Jomini (passé au service de la Russie durant l’armistice) ainsi que les plus hardis conseillers du tsar Alexandre Ier (Александр I Павлович Романов), sachant Napoléon absent, prêchent pour attaquer immédiatement les divisions de Gouvion-Saint-Cyr, encore déployées dans la plaine devant la cité.

Jean-Victor Moreau (récemment revenu d’Amérique pour conseiller le Tsar) ne partage pas ce point de vue. Le prince de Schwarzenberg clôt la discussion en indiquant qu’il n’agira de toute façon pas avant l’arrivée de sa quatrième colonne, prévue pour le lendemain.

Nouveau plan de Napoléon

Napoléon, de son côté, imagine une nouvelle combinaison moins prometteuse mais plus sûre, et qui reste séduisante. Il va envoyer à Königstein les 40 000 hommes du Corps de Vandamme pendant qu’il se portera sur Dresde avec 100 000 autres. La ville ainsi sauvée, il se fait fort de battre les coalisés sous ses murs.

Une fois ces derniers vaincus, Vandamme, qui se sera entre-temps rendu maître du camp de Pirna et de la route de Peterswalde, tombera sur leurs arrières pour les décimer ou les capturer. Quant à ceux qui réussiront à lui échapper, leur retraite s’annonce des plus pénibles sur les mauvais chemins qu’ils devront se résoudre à emprunter.

La décision prise, Napoléon envoie aussitôt à Dresde la Vieille Garde, déjà parvenue aux alentours de Stolpen, ainsi que la cavalerie de Latour-Maubourg et la moitié de la division du général François Antoine Teste  positionnée au bord de l’Elbe. La Jeune Garde et le Corps de Marmont, qui se dirigent vers Lowenberg [Lwówek Śląski] depuis le 23, reçoivent le même ordre, ainsi que le Corps de Victor en route vers Koenigstein de puis Zittau.

À tous, Napoléon commande de marcher toute la nuit pour se placer à l’aube derrière le Corps du maréchal Gouvion-Saint-Cyr. Vandamme se voit également prescrire de nouvelles instructions : traverser avec ses 40 000 hommes le pont établi entre Lilienstein et Koenigstein, prendre le camp de Pirna, et bloquer la chaussée de Peterswalde. L’Empereur lui-même se met en route après un court repos et se présente à Dresde le 26 août à 9 heures, où son arrivée suscite l’enthousiasme.

Après avoir visité et rassuré le roi de Saxe Frédéric-Auguste Ier (Friedrich August I.) , il rejoint le maréchal Gouvion-Saint-Cyr devant la ville.

Organisation de la défense

Une série de collines domine la partie de Dresde située sur la rive gauche de l’Elbe. Les coalisés tiennent toutes ces hauteurs. Le dispositif de défense français trace un demi-cercle, touchant l’Elbe à chaque extrémité, l’est au faubourg de Pirna, l’ouest à celui de Friedrichstadt. Il se compose de plusieurs lignes.

La première ligne, la plus extérieure, comprend cinq redoutes. De la gauche à la droite française (donc de l'est vers l'ouest), on en trouve d’abord une devant l'octroi du faubourg de Ziegel [Ziegelschlag] [51.05361, 13.75796].

La seconde redoute est sise devant l'octroi de la route de Pirna [Pirnaer Schlag] [51.04567, 13.74961].

Une troisième redoute, à l'extrémité sud du jardin du palais Moczinski [Palais Moszinska], à l'octroi de Dohna [Dohnaer Schlag] [51.03940, 13.73845] protège la porte du même nom. Entre la seconde et la troisième redoute coule le Kaitzbach, un ruisseau canalisé :

Le Kaitzbach
Le ruisseau Kaitzbach qui traverse les faubourgs sud-est de Dresde. Photo de Michèle Grau-Ghelardi

La quatrième redoute, la plus grande, est située [51.04244, 13.72570] entre les octrois de Blinder [Blinder Schlag] et Falken [Falkenschlag]

Enfin, la cinquième, la plus occidentale, se trouve devant la barrière [Freiberg Schlag] de la porte de Freiberg [51.04792, 13.71894].

Des clôtures et des abatis relient ces redoutes entre elles. Derrière vient la vieille enceinte, constituée d’un fossé et de palissades. Des barricades, qui ferment les têtes de rues, parachèvent cet agencement.

En fonction de la disposition des Alliés sur les hauteurs, on s’attend à ce que les Autrichiens attaquent entre les barrières [Schläge] de Freiberg (sud-ouest) et de Dippoldiswalde (sud), les Prussiens directement sur le Gross-Garten [Großer Garten] , un jardin public s’étendant sur près d’un kilomètre de large et de deux à deux et demi de long, et les Russes entre celui-ci et l’Elbe.

Le Grosser Garten à Gruna
Le Großer Garten, entre le centre de Dresde et Gruna. Photo de Michèle Grau-Ghelardi

C’est sur la première ligne, connue comme le « camp retranché », que Gouvion-Saint-Cyr a installé ses troupes. La 45e division en tient la première moitié, du faubourg de Friedrichstadt à la barrière de Dippoldiswalde ; la 43e division en occupe la seconde moitié, jusqu’au faubourg de Pirna.

Devant celui-ci, le Gross-Garten. La 44e division du général Pierre Berthezène  s’y est installée, le gros des troupes au plus près du faubourg, pour ne pas trop l’éloigner de l’enceinte. Le reste s’est réparti entre de petits postes, disséminés dans la partie la plus périphérique du jardin de manière à se soutenir mutuellement.

Entre les redoutes, dont les feux ne se recoupent pas suffisamment, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr a distribué de l’artillerie attelée pour pallier cet inconvénient.

Napoléon approuve ces préparatifs après les avoir inspectées sous les balles des tirailleurs adverses. Puis il les complète avec les unités dont il dispose, à savoir les cuirassiers déjà arrivés et la Vieille Garde, qui les suit de près. La Jeune Garde ne doit faire son apparition qu’en toute fin de journée et les troupes de Marmont et Victor plus tard encore.

Jusque-là, donc, il décide d’installer la cavalerie de Latour-Maubourg, placée sous le commandement de Murat, en avant du faubourg de Friedrichstadt, à la droite de la 45e division, et de la soutenir par une brigade du général Teste précédemment positionnée sur l’Elbe.

Au centre, il renforce le lien entre les 45e et 43e divisions au moyen de Westphaliens prélevés sur la garnison de la ville. Enfin, il emploie une partie de la Vieille Garde à surveiller les diverses barrières afin d’y intervenir en désespoir de cause tandis que le reste se tient avec lui sur la place principale de Dresde, dans l’attente des événements.

Première journée de combats à Dresde : 26 août 1813

Passivité des Coalisés

Cependant, bien que l’ennemi ne puisse espérer prendre la cité qu’en l’attaquant avec la plus grande vigueur, il n’a encore entrepris aucune action d’envergure à la mi-journée. Les seuls accrochages concernent les tirailleurs de la 44e division, aux prises avec des Prussiens.

Cette étrange passivité découle des divergences internes à l’état-major coalisé. Moreau, le Tsar et même Jomini, souhaitent désormais abandonner toute idée offensive pour installer l’armée sur les hauteurs de Dippoldiswalde. Selon eux, Gouvion-Saint-Cyr, aujourd’hui replié dans son camp retranché, ne paraît plus si facile à battre que la veille, déployé dans la plaine. Comme il est probable que Napoléon ne l’a pas laissé sans ressources, les 5 ou 10 000 hommes que l’assaut coûterait aux coalisés risqueraient bien d’être gaspillés. Mieux vaut prendre une position sûre tout en restant menaçant.

Mais Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse, ne l’entend pas ainsi. Il objecte que ne rien tenter après le mouvement audacieux qui les a conduits sur les arrières de Napoléon témoignerait d’autant de timidité que d’inconséquence et choquerait en outre le patriotisme de ses soldats.

Si Jomini et Moreau ne sont pas ébranlés par ces arguments, le Tsar paraît indécis quand tout à coup les annonces quasi simultanées de la présence de Napoléon à Dresde et de l’approche rapide des masses de l’armée française tranchent la question. Reculer sur Dippoldiswalde s’impose.

Mais le prince de Schwarzenberg fait alors valoir que ce mouvement n’est pas si simple à envisager. La dernière colonne arrivée se trouverait selon lui en réel danger dans l’hypothèse d’un repli prématuré, car c’est elle qui devrait parcourir le plus long trajet, avec plusieurs vallées à traverser. Il faut donc se hâter lentement. Cependant, il convient également d’annuler tout projet d’attaque.

Début des combats : avantage aux Coalisés

Or, l’ordre d’effectuer une forte démonstration sur Dresde a déjà été diffusé et le contre-ordre ne survient pas assez vite. Si bien qu’à trois heures, les troupes coalisées s’animent enfin et une violente canonnade se déclenche, à la grande surprise du Tsar et du roi de Prusse. L’armée entière s’étant ébranlée, il devient impossible de l’arrêter et l’attaque se développe sur toute la périphérie de la ville.

Comme anticipé par les Français, le Corps russe de Wittgenstein s’avance entre l’Elbe et le Gross-Garten. Il se heurte à la 43e division au moment de franchir le Land-Graben, un gros ruisseau affluent de l’Elbe. Pris sous les feux croisés des première et seconde redoutes, de l’artillerie installée sur l’autre rive de l’Elbe et des batteries attelées, donc mobiles, prévues par Gouvion-Saint-Cyr, les Russes peinent à progresser. Ils parviennent cependant à enjamber le cours d’eau puis continuent de gagner du terrain.

Leur marche est facilitée par les succès des Prussiens de Kleist dans le Gross-Garten même. En considérable supériorité numérique (25 000 contre les 6 ou 7 000 Français de la 43e division), ils s’emparent bientôt du parc que leurs adversaires préfèrent abandonner plutôt que de risquer d’être coupés de la ville. Ce repli s’exécute avec méthode jusqu’entre les barrières de Pirna et de Dohna et se termine aux jardins du prince Antoine, qui précèdent le faubourg de Pirna. La 43e division s’y lie avec la 45e, qui défend le reste de l’enceinte.

Les Autrichiens, de leur côté, attaquent au centre les troisième et quatrième redoutes. Ils soumettent chacune d’elle au feu de cinquante canons, ainsi qu’à une fusillade intense. La troisième redoute, celle du jardin Moczinski, ne peut tenir et doit être évacuée par ses défenseurs. Les Autrichiens s’en emparent puis se préparent à redoubler leurs efforts sur la quatrième et à fondre sur la cinquième.

Telle est la situation vers cinq heures de l'après-midi. La position française est si compromise que le général Louis Friant , commandant des grenadiers de la Vieille Garde, fait monter en ligne quelques compagnies de ce corps malgré les ordres qui prescrivent de le ménager. Faisant honneur à leur réputation, ces unités d’élite franchissent les barrières de Pilnitz et de Pirna et repoussent par leur feu puis à la baïonnette les têtes de colonne russes. Du côté de la porte de Freiberg, les fusiliers de la garde les imitent en culbutant les assaillants autrichiens.

Arrivée des renforts français : la bataille change de physionomie

Tandis que la Vieille Garde s’illustre, la jeune entre dans Dresde. Ce sont quatre divisions de 8 à 9 000 hommes qui montent aussitôt en ligne, les 1re et 2e commandées par le maréchal Adolphe Édouard Casimir Joseph Mortier, les 3e et 4e par le maréchal Michel Ney. Napoléon affecte les divisions Pierre Dumoustier  (1re) et Pierre Barrois  (2e) à la barrière de Pirna où les Prussiens commencent à se lier aux Autrichiens après avoir conquis le Gross-Garten ; les divisions Pierre Decouz  (3e) et François Roguet  (4e) se dirigent vers la barrière de Pilnitz pour y affronter les Russes.

Simultanément, Murat, que le général Teste et son infanterie viennent de rejoindre, reçoit l’ordre de charger avec toutes ses forces dans la plaine qui s’étale devant Friedrichstadt.

Ces nouvelles dispositions inversent le cours du combat. Les Russes, d’abord bloqués, sont bientôt culbutés par les colonnes des 3e et 4e divisions et rejetés sur le Land-Graben, qu’ils repassent en désordre. L’une des divisions appuie ensuite sur sa droite pour dégager à la baïonnette le jardin du prince Antoine, attaqué par les Prussiens. Puis elle s’unit aux 43e et 44e divisions pour récupérer la troisième redoute en l’assaillant simultanément sur trois côtés. Six cents Autrichiens y sont pris.

À l’extrême droite française, le général Teste, sorti par la porte de Freiberg avec sa brigade derrière Murat, s’empare du village de Klein-Hambourg. Devant lui, Murat et ses douze mille cavaliers obligent les Autrichiens à regagner les hauteurs dont ils sont descendus dans la plaine de Friedrichstadt.

Bilan de la journée et plan d'attaque français pour le lendemain

Face à ce retournement de situation, les Coalisés se résolvent à la retraite, laissant de 3 à 4 000 morts et blessés sur le terrain, ainsi que 2 000 prisonniers. Les Français n’ont perdu que 2 000 hommes environ.

Très satisfait de la journée, Napoléon espère davantage encore de celle du lendemain, persuadé que les Alliés ne peuvent rester sur cet échec sans tenter de le réparer. Avec les 40 000 hommes supplémentaires qu’il attend (IIe Corps de Victor et VIe Corps de Marmont), il se croît en mesure d’obtenir une victoire décisive. En examinant les positions ennemies au soir du 26, du haut d’un clocher de la ville où il est déjà monté plusieurs fois dans l’après-midi, il a conçu une manoeuvre dont il anticipe les plus éclatants résultats.

Napoléon a remarqué que la plus grande part des troupes autrichiennes, à la gauche des coalisés, se trouve séparée du gros de l’armée par une gorge profonde et encaissée au fond de laquelle coule la rivière Weisseritz , affluent de l’Elbe dont l’embouchure se situe entre Dresde et le faubourg de Friedrichstadt.

La vallée du Weisseritz
La vallée du Weisseritz [Plauensche Grund]. Photo de Michèle Grau-Ghelardi

Ainsi placées, ces unités ne peuvent espérer aucun secours du reste des forces alliées. De surcroît, le terrain sur lequel elles se tiennent semble également le plus favorable aux évolutions de la cavalerie. L’Empereur décide donc de joindre le Corps de Victor à celui de Murat et de les précipiter sur l’extrême gauche autrichienne, qui, isolée par la vallée de Plauen [Plauensche Grund, c’est le nom donné aux gorges du Weisseritz], ira s’y engloutir.

La gauche des Alliés détruite, Ney, avec toute la Jeune Garde attaquera en masse leur droite et la repoussera sur les hauteurs dont elle est descendue. Conséquence supplémentaire de ces mouvements, les Coalisés perdront la possibilité d’utiliser la route de Freiberg pour leur retraite et devront emprunter celle de Peterswalde que Vandamme verrouille avec 40 000 hommes. L’ennemi n’aura plus d’autre choix que de fuir en Bohême par de mauvais chemins où ses poursuivants lui infligeront des dommages considérables.

Ayant conçu ce plan, Napoléon s’attelle aussitôt à sa réalisation :

  1. Le général Teste est placé sous les ordres du maréchal Victor, lui-même subordonné à Joachim Murat. Celui-ci dispose ainsi de 20 000 fantassins et 12 000 cavaliers pour remplir la mission que l’Empereur lui confie : tourner les Autrichiens par leur gauche et les jeter dans la vallée de Plauen.
  2. Le VIe Corps du maréchal Marmont s’installe au centre à la barrière de Dippoldiswalde, devant la Vieille Garde et la réserve d’artillerie. Les trois divisions du XIVe Corps de Gouvion-Saint-Cyr se réunissent en une colonne serrée entre les barrières de Dippoldiswalde et de Dohna. Sa droite se lie à Marmont, sa gauche touche au Gross-Garten. Napoléon fait savoir à ses subordonnés qu’il se tiendra au centre et que les VIe et XIVe Corps recevront leurs instructions sur le terrain et directement de lui.
  3. Le maréchal Ney, avec la Jeune Garde au complet et une partie de la cavalerie, commandée par Etienne-Marie-Antoine-Champion de Nansouty , est chargé de chasser les Russes de la plaine entre Striesen et Döbritz puis de les renvoyer sur les hauteurs une fois la gauche des coalisés en déroute.
  4. Les redoutes, en particulier celles du centre, sont rééquipées et renforcées, en personnel comme en puissance de feu.
  5. Enfin, outre les batteries des Corps de Marmont et de Gouvion-Saint-Cyr, il fait installer au centre plus de cent canons de la garde, en prévision d’un intense duel d’artillerie.

Tandis que ses deux ailes prendront l’offensive, l’Empereur compte rester immobile au centre avec 50 000 hommes, se réservant d’intervenir là où les événements l’exigeront. En attendant, entouré de ses maréchaux, il passe la soirée avec le roi de Saxe. Manifestant un entrain remarqué, il ne craint pas d’annoncer à son hôte une bataille aussi décisive que victorieuse pour le lendemain.

Préparatifs des Coalisés

Les Alliés affichent bien moins de sérénité. Ils hésitent entre le risque de connaître un nouvel échec coûteux en renouvelant leur attaque et la nécessité ne pas donner à leur revers le caractère d’une véritable défaite en se retirant sur les flancs des monts de Bohême comme conseillé la veille par Moreau. Faute de mieux, l’on décide de ne pas bouger des coteaux sur lesquels on se trouve et qui constituent une excellente position.

En laissant aux Français le soin de prendre l’initiative, les coalisés entendent bénéficier à leur tour d’un point d’appui solide pour leur résister avant de les rejeter sur les faubourgs de Dresde. Le danger représenté par la vallée de Plauen ne frappe personne. Le prince de Schwarzenberg affaiblit même les troupes qui opèrent au-delà en y prélevant des unités pour muscler son centre. Il compte en vérité sur l’arrivée du reste du Corps de Klenau pour compenser cette ponction.

Ces renforts attendus surviennent effectivement durant la nuit, si bien que le lendemain, ce sont 180 000 coalisés que vont affronter 120 000 Français et Westphaliens. S’y ajoutent les 20 000 Russes du prince Eugène de Wurtemberg (Eugen Friedrich Karl Paul Ludwig von Württemberg) , positionnés devant Pirna, et les 40 000 Français du Ier Corps de Vandamme qui s’apprêtent à les attaquer.

Deuxième journée de combats à Dresde : 27 août 1813

Positions des belligérants et premiers mouvements français

Le 27 août au matin, le temps est mauvais : pluie et brouillard, ce qui n’est pas pour déplaire à Napoléon, dont les mouvements de troupes sont dissimulés par les intempéries :

  1. Le général Teste s’établit devant le village de Lödbda, à l’entrée du vallon de Plauen, d’où ont débouché la veille les grenadiers autrichiens du général Vincenzo Federico Bianchi (Vinzenz Ferrerius Friedrich Freiherr von Bianchi) .
  2. Le maréchal Victor, avec ses trois divisions, attend que Murat et la cavalerie de Latour-Maubourg, partis à l'aube, aient tourné la gauche autrichienne en passant par Priesnitz [Briesnitz].
  3. Au centre, Marmont se range au pied des hauteurs de Räcknitz.
  4. À sa gauche, Gouvion-Saint-Cyr se prépare à attaquer les coteaux de Strehlen en s’installant devant le Gross-Garten.
  5. À l’extrême gauche Ney, la Jeune Garde et la cavalerie de Nansouty prennent position face aux Russes entre Gruna et Döbritz.
  6. Napoléon se place lui-même à la barrière de Dohna.

Les Alliés n’ont apporté que des modifications de détail à leur dispositif :

Wittgenstein à l’extrême droite se tient avec l’essentiel des troupes russes entre les villages de Prohlis et Leubnitz. Seule son avant-garde est descendue dans la plaine, le gros de ses forces occupe les hauteurs.

Il a sur ses arrières, côté droit le grand-duc Constantin (Великий князь Константи́н Па́влович et la cavalerie de la garde russe ; côté gauche les grenadiers de Mikhaïl Andreïevitch Miloradovitch (Михаил Андреевич Милорадович, vers Klein-Pestitz [Kleinpestitz].

Le champ de bataille à Klein-Pestitz
Le champ de bataille à Kleinpestitz

Les Prussiens de Kleist complètent l’aile gauche alliée, entre Leubnitz et Räcknitz. Eux aussi ont installé leur avant-garde dans la plaine, non loin de Strehlen.

La garde prussienne, elle, prend position un peu en retrait. Russes et Prussiens obéissent à Barclay de Tolly. Viennent ensuite, au centre, les divisions autrichiennes du comte Hieronymus Karl von Colloredo-Mansfeld  et de Jean-Gabriel-Joseph-Albert du Chasteler de Courcelles , échelonnées depuis Räcknitz jusqu’à Plauen [Altplauen] . Le Tsar s’établit dans le premier de ces villages, accompagné de Moreau. De là où il se trouve, il pourrait presque apercevoir Napoléon.

La gauche est sous la responsabilité directe des Autrichiens :

Les grenadiers de Bianchi, détachés du Corps de Gyulai, occupent le terrain à l’est du ravin de Plauen, vers Gittersee [51.00650, 13.69695], précédant les réserves autrichiennes commandées par le prince Frédéric Joseph Ludwig Carl August de Hesse-Hombourg (futur Frédéric VI) .

Gittersee : le bois
Le bois de Gittersee

Le reste du Corps de Gyulai se tient à Töltschen, à l’ouest de la gorge de Plauen.

Il y a encore, sur sa gauche, la division d’infanterie d’Alois Gonzaga Joseph Franz de Paula Theodor von Liechtenstein , à Rosthal [Roßthal] [51.03088, 13.67392] et Corbitz [Altgorbitz / Obergorbitz]  [51.03737, 13.66995]

Puis, encore plus à gauche, la division de Joseph Mesko von Felso-Kubiny , avant-garde du Corps de Klenau, entre Comptitz [Altgompitz] [51.044235, 13.64013] et Altfranken [51.03408, 13.64585].

Reprise des combats : offensives françaises sur les ailes

La canonnade commence dès que le brouillard se lève quelque peu. Le grand nombre de bouches à feu présentes sur le champ de bataille (1 200 à peu près) lui donne aussitôt une forte intensité.

Bientôt, à droite, le général Teste expulse les tirailleurs autrichiens du village de Löbda, et s’avance jusqu’au débouché du vallon de Plauen. Le maréchal Victor forme ses troupes en colonnes, qui entreprennent de gravir les hauteurs pour enlever les villages de Töltschen, Rosthal et Corbitz. Enfin, Murat galope avec ses soixante escadrons à droite (ouest) de la chaussée de Freiberg. Ce mouvement s’achève vers 10 heures 30.

Au centre, Gouvion-Saint-Cyr déloge les Prussiens du village de Strehlen puis se met à leur poursuite vers les hauteurs de Leubnitz. Mais les Prussiens se reprennent, font face, et un engagement violent débute. Ney se déploie entre Gruna et Döbritz puis avance sur Reick avec ses 36 000 hommes et cinq ou six mille chevaux, repoussant Wittgenstein.

Ces manoeuvres sur les ailes durent jusque vers onze heures, tandis que la bataille se résume presque à la canonnade qui se perpétue, les combats du Corps de Gouvion-Saint-Cyr exceptés.

Les Coalisés s’inquiètent surtout de la marche de Ney, car ils ignorent tout de ce qui se passe sur leur gauche au-delà du vallon de Plauen, que le relief rend invisible. Jomini propose de bloquer Ney, lorsqu’il aura atteint le village de Prohlis, en employant les réserves russes de Barclay de Tolly et de percuter simultanément son flanc droit en y projetant la masse des corps prussiens. Le Tsar soutient cette suggestion, Schwarzenberg l’accepte, les Prussiens en raffolent, l’ordre est transmis à Barclay.

Attaque de Murat et Victor

Vers onze heures trente, après s’être soigneusement coordonnés, Victor et Murat attaquent.

Victor envoie sur sa gauche la division Jean-Louis Dubreton  avec l’objectif, pour la brigade Jean Antoine Brun de s’emparer de Töltschen aux dépens des grenadiers de Nikolaus Joseph Rochus Ungnad von Weissenwolf, et pour la brigade Jacques (ou Joseph) Martin Madeleine Ferrière de prendre Rosthal à la division Aloïs Liechtenstein. Il fait marcher sur sa droite l’unique brigade de la division François Marie Dufour  sur le village de Corbitz, où se tient le reste de la division Aloïs Liechtenstein. Il garde en réserve la division Honoré Vial .

Murat, de son côté, après avoir tourné la division Mesko, à l’extrême gauche autrichienne, en avançant depuis Priesnitz jusqu’au village de Comptitz par Burgstädtel [51.05639, 13.66167] fond à son tour sur ces mêmes trois villages au signal de Victor.

Le Burgstädtel
La colline du Burgstädtel

Malgré l’intensité du feu d’artillerie puis de mousqueterie qui les accueille, les jeunes soldats français, bien encadrés, entrent en force dans Töltschen et Rosthal et s’en rendent maîtres rapidement. Corbitz tombe également, laissant deux mille prisonniers aux mains des assaillants.

Liechtenstein, tout en se repliant, remarque qu’un espace s’est ouvert entre les divisions Dubreton et Dufour. Il tente de s’y faufiler. La division Vial, gardée en réserve jusqu’alors, monte en ligne pour lui barrer la route tandis que Murat jette la division de cavalerie lourde d’Étienne Tardif de Pommeroux de Bordesoulle  sur les fantassins autrichiens.

Les carrés que forment ceux-ci sont aussitôt éventrés, la pluie torrentielle rendant leur feu inopérant. Les rescapés sont repoussés par les charges successives sur les crêtes entre Altfranken et Pesterwitz avant de rouler jusqu’à Potschappel, au fond du défilé de Plauen.

Pendant ce temps, la division Dufour a repris sa marche le long de la chaussée de Freiberg alors que la division Dubreton refoule les grenadiers de Weissenwolf dans la Weisseritz, au fond du gouffre de Plauen. Murat, lui, harcèle la division Meszko pour éviter qu’elle ne se réunisse à celle d’Aloïs Liechtenstein. Après avoir subi dans leur retraite vers Compitz [Gompitz] maintes charges auxquelles ils n'ont eux aussi que leurs baïonnettes à opposer, du fait de la pluie diluvienne, les six à huit mille hommes qu’elle comprend encore, totalement encerclés par la cavalerie française, finissent par mettre bas les armes.

Il est quatorze heures. Sur leur flanc gauche, les Alliés ont déjà perdu plus de quinze mille hommes (quatre ou cinq mille morts et blessés, douze mille prisonniers) et trente canons. En pratique, cette aile n’existe plus.

Mort de Moreau et autres malheurs des Coalisés

Au centre, les opérations consistent essentiellement en un duel d’artillerie. Ne le jugeant pas assez violent, Napoléon fait ajouter trente-deux pièces de 12 de la garde, commandées par le colonel Charles Pierre Lubin Griois  et les fait avancer au plus près possible de leur cible, sans craindre de s’exposer lui-même aux boulets adverses.

Juste en face, à Räcknitz, l’état-major ennemi se trouve ainsi à portée de son feu. Le général Moreau s’en avise et engage le Tsar Alexandre à se reculer. Mais à peine a-t-il prononcé son avertissement qu’il est lui-même frappé aux jambes, et très grièvement.

Räcknitz vu depuis l'endroit où le général Moreau a été mortellement blessé
Räcknitz vu depuis le lieu où le général Moreau a été mortellement blessé

Ce malheur assombrit le moral d’Alexandre Ier, du commandement et même de l’ensemble de l’armée alliée lorsque la nouvelle se répand. Celle de la catastrophe de l’aile gauche s’y ajoute bientôt, puis du refus de Barclay d’effectuer la manoeuvre prescrite contre Ney, et enfin de la perte du camp de Pirna, pris par Vandamme.

Les généraux coalisés se concertent. Aucun secours ne peut être envoyé à la gauche du fait de la gorge de Plauen. À droite, les arguments sur lesquels Barclay s’appuie pour ne pas bouger apparaissent solides : déplacer son artillerie sur un terrain entrecoupé de canaux par un temps aussi exécrable, ce serait effectivement la sacrifier. De ce fait, cette aile risque bien d’être débordée par Ney qui avance sans opposition de Reick vers Prohlis. Enfin, la route de Peterswalde peut tomber d’un instant à l’autre aux mains de Vandamme.

Il se trouve des audacieux pour vouloir obstinément poursuivre le combat. Mais Schwarzenberg n’en a cure. Il a déjà perdu vingt-mille hommes, ses convois de munitions n’arrivent pas, Murat caracole sur ses arrières et Dieu sait quel sort attend la fraction du Corps de Klenau qui n’a pas encore rejoint. En tant que général en chef, Schwarzenberg refuse catégoriquement de s’entêter. L’ordre de retraite est donné sans que la route à suivre par chaque colonne soit précisément indiquée. Seul le principe d’un repli vers les monts de Bohême est acté.

Retraite des Coalisés

L’armée alliée se retire donc. On peut bientôt la voir repasser le faîte des collines qui surplombent Dresde. À gauche (est), Gouvion-Saint-Cyr et Ney se lancent à la poursuite des Russes ; à droite (ouest), Murat, parcourant la route de Freiberg, accumule prisonniers et prise de bagages ou d’artillerie.

À dix-huit heures, la bataille est terminée.

Au coucher du soleil, Napoléon s’en retourne à Dresde, où il est accueilli dans l’enthousiasme par la population d’abord, par le roi de Saxe ensuite, tous également soulagés de ne plus avoir à craindre que la ville subisse un assaut. Dans la soirée, il donne l’ordre que les Corps d’armée, après une nuit de repos, se lancent à la poursuite de l’ennemi dès l’aurore.

Dans le camp des coalisés, une fois atteint le sommet des hauteurs qui surplombent Dresde, on se met à discuter de la direction que doit prendre la retraite. Les uns ne veulent pas reculer plus loin que les contreforts des monts de Bohême. Les autres souhaitent s’abriter au-delà de la rivière Eger [Ohře], loin à l'intérieur du territoire autrichien. C’est en particulier l’avis du généralissime Schwarzenberg. Sans décider jusqu’où l’on rétrograderait, on se résout du moins à repasser les montagnes.

Reste à savoir par quel chemin. La route de Peterswalde, avec la présence de Vandamme à Pirna, est certes périlleuse mais utiliser les voies secondaires, peu praticables, provoquerait à coup sûr un encombrement problématique. De plus, les emprunter serait abandonner le prince Eugène de Wurtemberg, délogé par Vandamme et le comte Alexandre Ivanovitch Ostermann-Tolstoï (Александр Иванович Остерман-Толсто́й qu’on a envoyé à son secours.

Pour finir, il est convenu que Barclay, avec le gros des Russes, prendrait la route de Peterswalde et la rouvrirait au besoin ; que les Prussiens et une partie des Autrichiens suivraient à rebours l’itinéraire par lequel était arrivée la seconde colonne — à savoir Altenberg, Zinnwald, Teplitz [Teplice] — ; que le reste des Autrichiens remonterait la chaussée de Freiberg par Komotau [Chomutov] ; que tous ces mouvements débuteraient le lendemain (28 août) très tôt, pour parvenir à l’entrée des montagnes avant d’avoir l’ennemi sur ses talons.

Le 28 août, ses dispositions sont appliquées et les trois colonnes s’ébranlent, non sans appréhension quant au cours futur d’une campagne si mal entamée.

Bilan

Les Coalisés laissent sur le terrain dix à quatorze mille morts et quinze à seize mille prisonniers. Ils ont également perdu une quarantaine de canons. Côté français, ce sont huit à neuf mille hommes qui ont été mis hors de combat, la plupart par l’artillerie. Enchanté, Napoléon se promet d’autres satisfactions pour les jours à venir, en pensant au Corps de Vandamme et à ses 40 000 soldats, prêts à tomber sur les arrières de l’ennemi en retraite.

Conséquences

À l’issue de la bataille de Dresde, considérable par les effectifs engagés et qui s’avère l’une de leurs pires déroutes, le moral des coalisés s’est effondré. Ils ne sont pas loin de craindre que les succès de l’année précédente n’aient été qu’un simple accident peu susceptible de se reproduire. Et leurs perspectives sont en effet plutôt sombres.

FMais les jours suivants vont voir se succéder les défaites françaises, concédées par les lieutenants de Napoléon : à Kulm le 30 août (Vandamme) puis à Dennewitz (Ney) le 6 septembre. S’ajoutant à celles déjà subies par Nicolas Oudinot à Gross-Beeren (23 août) et Étienne Macdonald à Katzbach (26 août), elles vont totalement annuler l’effet de la bataille de Dresde et rétablir la situation et la combativité des Alliés.

Carte de la bataille de Dresde

Batailles napoléoniennes - Carte de la bataille de Dresde

Tableau - "The death of Moreau, before Dresden, August 1813". Dessin de William Heath (1795-1840), peint à l'aquarelle par Thomas Sutherland (1785 - ?).

Batailles napoléoniennes - Tableau de la bataille de Dresde -

Napoléon, qui avait bien vu qu’un de ses boulets était tombé parmi les plus hauts dignitaires de l’armée coalisée, se demandait, en rentrant à Dresde, et n’avait de cesser de demander tout autour de lui : Qui donc avons-nous tué dans ce brillant escadron ? Un premier indice lui fut livré durant la soirée lorsqu’on lui amena le collier d’un chien trouvé dans la cabane où Moreau avait reçu les premiers soins. On pouvait y lire : J’appartiens au général Moreau.

Ordre de bataille français

Vieille Garde1ère division d'infanterie de la Vieille GardeGénéral Friant
Cavalerie de la GardeGénéral Nansouty1ère division de cavalerie de la GardeGénéral Ornano
2e division de cavalerie de la GardeGénéral Lefebvre-Desnouettes
3e division de cavalerie de la GardeGénéral Walther
Ier Corps de la Jeune GardeMaréchal Mortier1ère division d'infanterie de la Jeune GardeGénéral Dumoustier
2e division d'infanterie de la Jeune GardeGénéral Barrois
IIe Corps de la Jeune GardeMaréchal Ney3e division d'infanterie de la Jeune GardeGénéral Decouz
4e division d'infanterie de la Jeune GardeGénéral Roguet
Artillerie de la Garde
XIVe Corps d'arméeMaréchal Gouvion Saint-Cyr43e division d'infanterieGénéral Claparède
44e division d'infanterieGénéral Berthezène
45e division d'infanterieGénéral Razout
10e division de cavalerie légèreGénéral Pajol
Ier Corps de cavalerieGénéral Latour-Maubourg1ère division de cavalerie légèreGénéral Berkheim
3e division de cavalerie légèreGénéral Chastel
1ère division de cavalerie lourdeGénéral Bordesoulle
3e division de cavalerie lourdeGénéral Doumerc
Division d'infanterieGénéral Teste
Garnison de DresdeGénéral Durosnel
IIe Corps d'arméeMaréchal Victor4e division d'infanterieGénéral Dubreton
5e division d'infanterieGénéral Dufour
6e division d'infanterieGénéral Vial
VIe Corps d'arméeMaréchal Marmont20e division d'infanterieGénéral Compans
21e division d'infanterieGénéral Lagrande
22e division d'infanterieGénéral Frederichs
Ve Corps de cavalerieGénéral L'Héritier9e division de cavalerie légèreGénéral Klicki
5e division de dragonsGénéral Collaert
6e division de dragonsGénéral Lamotte

Ordre de bataille allié

Armée de BohêmeSchwarzenbergForces autrichiennesSchwarzenbergIIIe CorpsGiulay2e division d'infanterieGénéral Weissenwolf
4e division d'infanterieGénéral A. Liechtenstein
3e division de réserveGénéral Crenneville
2e division de cavalerieGénéral Lederer
IVe CorpsKlenau1e division d'infanterieGénéral Mayer
2e division d'infanterieGénéral Hohenlohe-Bartenstein
3e division légèreGénéral Mesko
Division de cavalerie?
Corps de réserveHessen Homburg1re division légèreGénéral M.Liechtenstein
1re division d'infanterieGénéral Colloredo
3e division d'infanterieGénéral Karl Léopold Civalart d'Happoncourt
1re division de réserveGénéral Chasteler
2e division de réserveGénéral Bianchi
1re division de cavalerieGénéral Nostitz
3e division de cavalerieGénéral Schneller
Forces russo-prussiennesBarclay de TollyCorps de batailleWittgensteinIer Corps (russe)Prince Gorchakov5e division d'infanterieGénéral Mesentzov
IIe Corps (prussien)von Kleist9e brigadeGénéral Klux
10e brigadeGénéral Pirch
11e brigadeGénéral Ziethen
12e brigadeGénéral Prinz von Preussen
Cavalerie de réserveGénéral von Roeder
Division de la garde russeGénéral Roth
Corps de cavalerie (russe)Pahlen1re division de hussardsGénéral Milesinov
Réserve d'infanterieGénéral Miloradovitch3e Corps de grenadiers (russe)Raievski1re division de grenadiersGénéral Choglokov
5e Corps d'infanterie de la gardeYermolov2e division d'infanterieGénéral Udom I
Réserve de cavalerieGrand-duc ConstantinCorps de cavalerie de réservePrince Galitzine1re division de cuirassiersGénéral Depreradovich
2e division de cuirassiersGénéral Kretov
3e division de cuirassiersGénéral Duka
Division de cavalerie légère de la gardeGénéral Chevich
Brigade de cavalerie de la garde prussienneColonel von Werder

La Campagne de Saxe de 1813 jour après jour  La campagne de Saxe de 1813 jour après jour

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Les prises de vues sont de Didier Grau, le montage de Lionel A. Bouchon.