Inquiétude
Vous ne trouverez pas dans ce numéro de La Gazette de France, l'article de J. Richard que vous étiez en droit d'attendre.
Après avoir retardé jusqu'à la dernière limite de nos possibilités l'impression de notre journal, nous avons dû nous résoudre à le mettre sous presse sans avoir reçu la prose de notre collaborateur et ami.
Bien que réputé au sein de la profession pour sa ponctualité dans la remise de ses articles, J. Richard n'a donc pu, cette fois, s'acquitter des obligations qu'il a contractées auprès de ses lecteurs et de sa rédaction !
Nous ne le cacherons pas, cette entorse à tous ses principes n'est pas sans nous inquiéter.
La mission que nous lui avons confié, bien qu'il l'ait acceptée avec enthousiasme, n'est pas sans péril. Les aventures que J.R. a rapportées dans son article du 11 août sont là pour nous le rappeler. Il est inutile d'attendre des hordes cosaques au milieu desquelles il exerce son métier - son art - qu'elles fassent la différence entre combattants et hommes de lettres. Pas plus que les balles et les boulets entre lesquels il se fraye un chemin glorieux et parsemé des monuments littéraires qu'il édifie au passage.
Ars longa, vita brevis
, dit-on. Fasse le ciel que nous n'ayons pas à nous consoler de sa disparition précoce en relisant ses immortels articles !
Le Ministère de la Guerre, pas plus que celui de l'Administration de la Guerre, tous deux sollicités, n'ont pu nous apporter aucune information. Mais nous n'avons pas renoncé pour autant à tout espoir. M. Henri Beyle, ancien condisciple de J. Richard à l'Ecole Centrale de Grenoble, sur le point de partir pour la Russie, nous a promis de consacrer toute son énergie, une fois sur place, à rechercher notre ami.
A défaut de le trouver, il s'est engagé à nous envoyer ses propres réflexions sur la marche de la Campagne.
Guillaume R. L'Efaffasé
Rédacteur en chef de La Gazette de France, ce 2 septembre 1812, à Paris.