N & E
Napoléon & Empire

Jean-Antoine-Claude Chaptal (1756-1832)

Comte de Chanteloup

Prononciation:

Blason de Jean-Antoine-Claude Chaptal (1756-1832)

Né le 5 juin 1756 à Nojaret, en Languedoc, Jean-Antoine-Claude Chaptal est initié à dix ans au latin par le bénéficier de la cathédrale de Mende. Il rejoint, les cinq années suivantes, le collège des doctrinaires de Mende. Son oncle, médecin à Montpellier, l'envoie suivre un cours de philosophie au collège de Rodez. En 1774, il entame des études de médecine à Montpellier. En 1776, il soutient sa thèse intitulée Coup d'oeil physiologique sur les sources des différences parmi les hommes au point de vue de la culture des sciences. Phénoménale, elle est éditée à deux reprises [1]. Il est docteur en 1777, puis incorporé dans la Société royale, dans la section des aides-anatomistes. Très vite, après l'autopsie d'un adolescent qui se réveille au cours de l'opération, il souhaite prendre du recul par rapport à la médecine, cette expérience l'ayant traumatisé [2]. Il n'envisagera plus la médecine que sous l'angle de la santé publique.

Aussi, se consacre-il alors à la chimie. En 1781, Louis XVI donne son accord pour la création d'une chaire de chimie à Montpellier qui est confiée à Chaptal en 1782 [3]. Il devient alors professeur de chimie à l'Ecole de médecine de Montpellier [4]. La même année, il publie son livre Mémoires de chimie [5]. En 1787, il reçoit les « Lettres de noblesse et la décoration de l'Ordre du Roi » pour ses activités industrielles [6].

En 1789, professeur de chimie à l'École de médecine de Montpellier, il se montre immédiatement favorable à la Révolution.

En 1792, il publie Les éléments de chimie. Ce livre est immense, fait le tour du monde et est traduit dans de nombreuses langues. Il y décrit un procédé révolutionnaire de fermentation du vin et de bonification du sucre. C'est ce qui est communément appelé "la chaptalisation" [7]. Dans le même temps, lui est donnée la charge de mettre en place une chaire de chimie à Toulouse.

Son action politique le fait entrer dans la mouvance girondine. Après l'arrestation des principaux députés de ce parti à la Convention, le 2 juin 1793, il adhère au mouvement fédéraliste et devient le président de son Comité central. L'échec de la révolte et la parution de son Dialogue entre un Montagnard et un Girondin entraînent son arrestation. A sa libération, une dizaine de jours plus tard, une discrète retraite dans les Cévennes lui semble s'imposer.

C'est pourtant là qu'un arrêté du Comité de Salut public vient faire appel à ses services en le nommant Inspecteur des poudres et des salpêtres dans le Midi (décembre 1793). Le mois suivant, Lazare Carnot et Pierre-Louis Prieur, de la Marne, lui ordonnent de se rendre à Paris pour prendre le poste de directeur de l'Agence révolutionnaire des poudres et salpêtres et la direction de la poudrière de Grenelle. Son refus initial se heurte à l'intransigeance de Carnot. Menacé de réquisition, il finit par obtempérer. Sous sa direction, la fabrique double sa production, puis la quadruple.

En septembre 1794, il est missionné pour réformer l'enseignement de la médecine en France [8]. De plus, il occupe la fonction de professeur de chimie végétale de l'Ecole centrale des travaux publics, future école polytechnique [9]. Lorsque la poudrière explose, il s'en retourne à Montpellier. Il y réorganise l'école de médecine en 1795, puis ouvre une usine de produits chimiques. En 1796, il est également élu en tant que membre associé de l'Institut. En 1798, il en est définitivement membre [10]. Il prend aussi la suite de Claude-Louis Berthollet au professorat de chimie de l'Ecole polytechnique.

Ses affaires sont florissantes. Il les vend pourtant. En 1798, il emmène sa famille s'installer à Paris et ouvre une usine aux Ternes et à Nanterre. Il publie alors son Essai sur les vins [11].

Lorsque Bonaparte prend le pouvoir en 1799, Chaptal intègre le conseil d'Etat. Le 6 novembre 1800, il devient ministre de l'Intérieur par intérim. Il est titularisé à cette fonction le 21 janvier 1801 [12]. A ce poste, il modernise l'administration des prisons, actualise le mode de fonctionnement des professions médicales, réforme les structures hospitalières, etc. Son activité est énorme. Il s'implique totalement et ne se contente pas de finaliser les idées du gouvernement ou d'Antoine-François Fourcroy au Sénat quant à la mise en place de l'enseignement médical. Il réfléchit, construit, les améliore et les perfectionne. Il n'hésite pas à défendre les siennes, du moins celles qu'il estime justifiées, comme la création en 1802, d'une école de sages-femmes. De 1802 à 1814, cette école diplôme environ 1 300 élèves [13]. Avec elles, il fait diminuer de façon vertigineuse la mortalité infantile. Fervent adepte de la vaccination, il en fait une promotion très active sans la rendre obligatoire pour ne pas heurter. Il cherche à humaniser les conditions de vie dans les hôpitaux, à commencer par la mise en place d'un service de religieuses qui avait été aboli par la Révolution [14]. Il réforme aussi les écoles de pharmacie [15].

En 1801, il parraine la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Il en prend la présidence en 1802, qu'il conservera jusqu'à sa mort. D'ailleurs, en 1819, dans ce cheminement logique, il fera paraître un ouvrage intitulé De l'industrie française [16].

Le 18 février 1802, Chaptal nomme huit membres de l'expédition scientifique de retour d'Egypte, avec pour mission de collecter tout le matériel scientifique et de le publier. Cette entreprise avait été initialisée par Kléber en 1799. De 1809 à 1828, paraîtront ainsi les 20 volumes intitulés Description de l'Egypte ou Recueil des observations et recherches qui ont été faites en Egypte pendant l'expédition de l'armée française [17].

C'est également sous son ministère que sont rétablies les chambres de commerce, qu'est créée l'Ecole des arts et des métiers, que sont construites les principales routes et de la presque totalité des canaux sur le territoire français [18], qu'est réorganisée l'administration des prisons, que sont entrepris des grands travaux d'embellissement de Paris, qu'est intensifiée la lutte contre la mendicité, que sont mises en place des études statistiques, qu'est organisée la première exposition des produits de l'industrie.

Le 27 juillet 1803, Chaptal est reçu à l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen [19].

Le 5 août 1804, désapprouvant l'évolution du régime, il démissionne de ses fonctions et reprend, sur son domaine de Chanteloup, des recherches qui l'occupent à plein temps. Peu de temps après, il fait paraître un Traité de chimie appliquée aux Arts. Napoléon le nomme au Sénat le 6 août 1805 ; il y est peu présent mais occupe tout de même la charge de trésorier [20]. L'Empereur le fait comte d'Empire en 1808.

Parmi les préoccupations de Chaptal, le sucre de betterave lui permet d'obtenir une aide concrète de l'Institut en 1811 [21]. Le blocus maritime décrété par les Anglais empêche les échanges commerciaux. Ceci est aggravé par le blocus continental ordonné par Napoléon. Le sucre se raréfie. Il faut donc trouver d'autres moyens. Chaptal s'associe aux travaux de Benjamin Delessert sur le sucre de betterave qui aboutissent le 2 janvier 1812. Aussitôt, sont mises en chantier trois écoles expérimentales de chimie sucrière à Albi, Quiers et Bogo San Lepolero. L'année suivante, cinq autres sont créées. Napoléon fait aussi construire à Rambouillet une fabrique de sucre dont la capacité de production monte jusqu'à 200 tonnes par an [22].

Les créations successives d'une usine à Nanterre puis d'une autre près de Martigues (Bouches-du-Rhône), au plan d'Aren, font de Chaptal l'un des pères de l'industrie chimique française. Ces usines prospèrent et fabriquent de la soude, de l'acide sulfurique et de l'alun. Il en ouvre trois autres sur le sol français.

En décembre 1813, pour faire face à l'invasion imminente, il accepte une mission de commissaire extraordinaire à Lyon.

En avril 1814, il est de ceux qui votent la déchéance de l'Empereur mais se tient ensuite à l'écart durant la première Restauration.

Les Cent-Jours le voient prendre la Direction générale de l'Agriculture, du Commerce et de l'Industrie, avec le titre de ministre d'État et le rang de pair.

Louis XVIII, à son retour, commence par le chasser de la chambre des Pairs puis, quatre ans plus tard, autorise sa réintégration.

Membre de la loge de la Parfaite Union, à Montpellier, il avance en franc-maçonnerie avec une conviction sans cesse renouvelée [23].

Ruiné par son fils à qui il a confié la co-direction des usines en 1809, il doit vendre en 1823 son domaine de Chanteloup acquis en 1802, pour rembourser ses dettes [24]. Il meurt le 30 juillet 1832, à Paris, désargenté mais considéré comme l'un des plus grands chimistes de son temps, après avoir vu ses ouvrages traduits en plusieurs langues.

Il repose dans la 89e division du cimetière du Père Lachaise   Tombe de Jean-Antoine-Claude Chaptal.

"Jean-Antoine Chaptal, comte de Chanteloup" par Antoine-Jean Gros (Paris 1771 - Meudon 1835).

"Jean-Antoine Chaptal, comte de Chanteloup" par Antoine-Jean Gros (Paris 1771 - Meudon 1835).

Les liens de Chaptal avec l'Empereur étaient changeants. Il n'hésitait jamais à s'opposer à lui si ses convictions le justifiaient. Pourtant, Napoléon le gardera toujours en très haute estime et lui conservera toute sa confiance.

On lui doit par ailleurs un bilan précieux de la production française entre 1789 et 1815, intitulé De l'industrie française (1819).
Son nom est inscrit sur la Tour Eiffel, comme 72 autres savants. De plus, quatre écoles françaises portent son nom (à Paris, à Mende, à Quimper et à Saint-Brieuc) [25].

Remerciements

Cette notice biographique a été rédigée avec la participation de M. Xavier Riaud, Docteur en Chirurgie Dentaire, Docteur en Epistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques, Lauréat et membre associé national de l'Académie nationale de chirurgie dentaire, Chevalier dans l'Ordre National du Mérite, Chevalier dans l'ordre des Palmes Académiques, médaillé d'honneur de la Société napoléonienne internationale, et mise en ligne avec son aimable autorisation.

Références bibliographiques pour cette notice

• Bibliothèque Interuniversitaire (BIUM), communication personnelle, Paris, 2010.

• CHAPTAL Jean Antoine, Mes souvenirs sur Napoléon, Mercure de France (éd.), Paris, 2009.

• DUPONT Michel, Dictionnaire historique des Médecins dans et hors de la Médecine, Larousse (éd.), Paris, 1999.

• EMPTOZ Gérard, Célébrations nationales 2006 – Sciences et techniques – Jean-Antoine Chaptal, in http://www.culture.gouv.fr, 2006, pp. 1-2.

• GANIERE Paul, La bataille du sucre, in Revue du Souvenir napoléonien, janvier 1971, 257 : 15-18.

• https://fr.wikipedia.org (a, Description de l'Egypte, 2010, pp. 1-6.

• https://fr.wikipedia.org (b), Jean-Antoine Chaptal, 2010, pp. 1-4.

• http://lacitoyennete.com, Jean-Antoine Chaptal, un chimiste qui devient ministre de l'Intérieur, sans date, pp. 1-4.

• https://www.appl-lachaise.net, Chaptal Jean-Antoine, comte de Chanteloup (1756-1832), 2005, p. 1.

• LEMAIRE Jean-François, Napoléon et la médecine, François Bourin (éd.), Paris, 1992.

• Riaud Xavier, Bonaparte, fondateur de l'Institut d'Egypte, in The International Napoleonic Society, Montréal, 2010, http://www.napoleonicsociety.com, pp. 1-3.

• TULARD Jean, Chaptal, ministre de l'Intérieur, 21 janvier 1801, in Revue Napoléon, janv.-mars 2001, n° 5, pp. 5-9.


Notes

01. - http://lacitoyennete.com, sans date

02. - LEMAIRE, 1992

03. - http://lacitoyennete.com, sans date

04. - DUPONT, 1999

05. - http://lacitoyennete.com, sans date

06. - LEMAIRE, 1992 ; http://lacitoyennete.com, sans date

07. - http://lacitoyennete.com, sans date

08. - EMPTOZ, 2006

09. - EMPTOZ, 2006

10. - DUPONT, 1999 ; EMPTOZ, 2006

11. - http://lacitoyennete.com, sans date

12. - EMPTOZ, 2006

13. - LEMAIRE, 1992

14. - LEMAIRE, 1992

15. - TULARD, 2001 ; CHAPTAL, 2009

16. - EMPTOZ, 2006

17. - https://fr.wikipedia.org (a), 2010 ; Riaud, 2010

18. - DUPONT, 1999 ; EMPTOZ, 2006

19. - https://fr.wikipedia.org (b), 2010

20. - CHAPTAL, 2009

21. - http://lacitoyennete.com, sans date

22. - GANIERE, 1971 ; CHAPTAL, 2009

23. - DUPONT, 1999

24. - EMPTOZ, 2006

25. - https://fr.wikipedia.org (b), 2010


Adresse

70, Rue Saint-Dominique. Paris VIIème arrondissement  70 Rue Saint-Dominique

L'almanach Impérial de 1811 indique que le comte de Chanteloup réside à cette adresse.

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"Jean-Antoine Chaptal, comte de Chanteloup". Gravure du XIXème siècle.