N & E
Napoléon & Empire

Biographie de Napoléon Bonaparte
3. Le Consulat

Le coup d'état du 18 brumaire et l'installation du Consulat

De retour d'Egypte, Napoléon Bonaparte arrive à Paris le 16 octobre 1799 et s'installe rue de la Victoire. Il entame aussitôt une série de rencontres avec toutes les personnalités éminentes de la capitale, aussi bien politiques que militaires (les cinq Directeurs, Talleyrand, Moreau, Jourdan, Bernadotte...). A leur issue, il s'entend avec Sièyès. Celui-ci veut un nouveau régime pour remplacer le Directoire, discrédité dans l'opinion.

Mais les institutions ne permettent pas de réforme pacifique. Il faudra donc en passer par un coup d'état. Siéyès ne voit en Bonaparte que le militaire qui le mettra en oeuvre et lui permettra de parvenir à ses fins.

D'abord prévue pour le 7, l'opération a finalement lieu deux jours plus tard, le 9 novembre 1799 (18 brumaire An VIII). Plus difficile à réaliser que prévu, elle laisse Bonaparte maître de la situation. Il en profite sans tarder pour bouleverser les projets de son commanditaire.

Nommé Premier consul (les deux autres sont Sieyès et Roger-Ducos) il repousse le projet de constitution imaginé par Sieyès et en fait adopter un autre qui lui donne tout pouvoir (15 décembre). Dès le 24, il est assez fort pour éloigner Siéyès et le remplacer par Jean-Jacques Régis de Cambacérès. Charles-François Lebrun, lui, prend la place de Roger-Ducos.

Bonaparte prend, pendant ces premières semaines de pouvoir, une série de mesures visant à affermir le régime en refermant les plaies les plus profondes ouvertes par la Révolution : abrogation de la loi permettant de prendre des otages parmi les parents d'émigrés et les ci-devant nobles, annulation de la déportation de certains catégories de prêtres, signature d'un armistice avec les Vendéens, etc.

La mise en place des institutions nouvelles se poursuit durant les premiers mois de 1800 : limitation du nombre des journaux parisiens, création de la Banque de France, organisation (tenue secrète) d'une armée de réserve de soixante mille hommes sous le commandement direct du Premier Consul, loi portant sur la nouvelle organisation administrative de la France (elle crée en particulier les préfets), loi sur la nouvelle organisation des tribunaux.

Parallèlement, les mesures d'apaisement, renforcées encore en ce début d'année par la clôture de la liste des émigrés, produisent leur effet, amenant la soumission des Vendéens et de nombreux chefs royalistes, dont Georges Cadoudal (14 février).

Le 7 février 1800, la consultation populaire destinée à ratifier la constitution se termine. Les résultats, publiés le 18 suivant, donnent 3 011 007 oui pour 1 562 non.

Mais la France est toujours en guerre, en Europe, mais aussi en Égypte. Sur ce dernier théâtre d'opération, le 20 mars, non loin du Caire, le général Jean-Baptiste Kléber remporte la bataille d'Héliopolis qui conforte la main-mise française sur le pays. Le 6 mai Bonaparte quitte Paris pour l'armée ; c'est le début de la seconde Campagne d'Italie. Franchissant les Alpes par le col du Saint-Bernard Le col du Saint-Bernard Col du Saint-Bernard, par G.P. Bagetti, il fond sur le nord de l'Italie et entre à Milan moins de quinze jours plus tard, le 2 juin. Le 14, la victoire de Marengo La Torre Teodolinda à Marengo met fin à la campagne. Bientôt les Français sont à Turin Turin, vue depuis les hauteurs de Superga et à Gênes.

De retour à Paris le 2 juillet, Bonaparte se consacre à nouveau au gouvernement du pays. Une commission chargée d'élaborer le code civil est installée le 12 août ; un ministère du Trésor est institué le 27 septembre par dédoublement du ministère des Finances ; une suite de traités est signée, avec l'Espagne le 1er octobre (traité de San-Ildefonso), avec les États-Unis d'Amérique le 3 (traité de Mortefontaine) ; les négociations sur le Concordat débutent le 5 novembre avec l'envoyé du Pape Pie VII.

Sentant son pouvoir affermi, Bonaparte peut enfin répondre, le 7 septembre, au comte de Provence, qui lui avait écrit le 20 février : Nous pouvons assurer la gloire de la France. Je dis nous, parce que j'aurai besoin de Bonaparte pour cela, et qu'il ne le pourrait sans moi. Il le fait en lui adressant une brutale fin de non-recevoir : Vous ne devez pas souhaiter votre retour en France ; il vous faudrait marcher sur cent mille cadavres.

L'année 1800 se termine pourtant de façon contrastée pour le Premier Consul : si Jean Victor Marie Moreau écrase les Autrichiens à Hohenlinden Hohenlinden le 3 décembre, si une ligue des neutres (dirigée de fait contre l'Angleterre) se constitue le 16, rassemblant la Russie, la Suède et le Danemark puis la Prusse, ces bonnes nouvelles sont gâchées par l'attentat dont Napoléon Bonaparte est l'objet le 24, rue Saint-Nicaise L'attentat de la Rue Saint-Nicaise, par Raimurs et qui fait vingt-deux morts et cinquante-six blessés.

L'attentat est d'abord attribué aux Jacobins, dont cent trente, considérés comme complices, sont déportés sans jugement dès le 5 janvier 1801. Les auteurs présumés, eux, sont jugés et pour certains condamnés et exécutés tout au long de ce mois, avant que les véritables instigateurs (des royalistes) ne soient démasqués. Quant aux autorités, elles prennent prétexte de l'attentat pour rendre la justice plus expéditive : suppression des jurys, du droit d'appel et de cassation pour toute une série de crimes.

Une intense activité diplomatique et administrative

Ces soucis n'interrompent pas les efforts diplomatiques de Bonaparte visant à mettre fin aux guerres de la Révolution : le 9 février 1801 la paix entre la France et l'Autriche est signée à Lunéville ; le 27, il écrit au tsar Paul Ier, avance qui aboutit dès le 6 mars à l'ouverture de négociations avec la Russie ; le 18, les négociations de paix avec le royaume de Naples aboutissent ; le 21, le traité d'Aranjuez est conclu avec l'Espagne.

Seuls les Anglais poursuivent les hostilités. Leurs armées, débarquées en Égypte le 6 mars, battent les Français à Canope le 21. Mais la démission du premier ministre William Pitt « le jeune », le 14, peut laisser espérer, là aussi, une inflexion de la politique britannique. Napoléon Bonaparte se juge en tout cas assez fort pour réunir à la France la rive gauche du Rhin (8 mars) et le duché de Parme (21 mars).

Sa grande préoccupation, les mois suivants, est la négociation du Concordat. Il mandate son frère aîné Joseph Bonaparte pour négocier avec l'envoyé plénipotentiaire du Pape, le cardinal-secrétaire d'État Consalvi. L'affaire est rondement menée et le Concordat signé le 15 juillet 1801 Concordat, avant d'être ratifié le 8 septembre par le Premier Consul.

Au plan intérieur, Bonaparte poursuit son oeuvre de reconstruction administrative avec l'installation, le 28 mars, d'une commission chargée de rédiger le code criminel ; le début de la discussion du Code civil au Conseil d'État le 23 juillet ; l'organisation de la gendarmerie nationale le 31 ; l'installation de commissions chargée de rédiger pour l'une le code commercial (3 août), pour l'autre le code rural (10 août) ; l'institution des inspecteurs généraux du Trésor public le 6 septembre ; la création d'un directeur général et de quatre administrateurs de douanes le 16 ; la création d'un ministre du Trésor public le 27.

En automne 1801, de nouveaux traités de paix sont signés : avec le Portugal le 29 septembre, avec la Russie le 8 octobre. Mais surtout, des discussions s'engagent avec l'Angleterre après la fin des hostilités en Égypte où les restes du corps expéditionnaire français sont acculés à la capitulation, au Caire le 27 juin, dans le reste du pays le 31 juillet. Les premiers échanges de vue débouchent le 1er octobre sur la signature de préliminaires de paix. S'ensuit l'ouverture de véritables négociations, à Amiens, le 3 décembre.

L'année 1801 se clôt pour Napoléon Bonaparte par le départ de l'expédition de Saint-Domingue sous le commandement de son beau-frère le général Victor Emmanuel Leclerc (14 décembre). Sa mission est de réconquérir l'île, tenue par Toussaint Louverture ; il y débarque le 6 février 1802.

En Europe, Napoléon Bonaparte vient de se faire élire Président de la République italienne Consulta de la République cisalpine réunie en comices à Lyon, par N.A. Monsiau (25 janvier 1802), et s'apprête à signer avec l'Angleterre le traité d'Amiens Le Traité d'Amiens, par J.C. Ziegler (25 mars), qui permet à la France de connaître la paix pour la première fois depuis le 20 avril 1792. C'est cependant une paix rendue fragile par une politique extérieure provocante. Le 11 septembre, le Piémont est réuni à la France ; le 30, le Premier consul impose sa médiation aux cantons suisses dans le conflit qui oppose fédéralistes et unitaires et nomme, le 17 octobre, Michel Ney commandant des forces françaises en Suisse afin d'y ramener le calme, au besoin par la force ; le 20, une note de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord menace l'Angleterre d'une nouvelle guerre si elle n'évacue pas Malte.

Le Consulat à vie

Sur le plan intérieur, Bonaparte, qui vole de succès en succès, poursuit sa marche vers la monarchie. Le 6 mai 1802, le Tribunat propose qu'il soit donné au général Bonaparte, Premier Consul, un gage éclatant de la reconnaissance nationale. Le 8, un sénateur propose de le nommer consul à vie mais le Sénat se contente de le déclarer réélu pour les dix années qui suivront immédiatement les dix ans pour lesquels il a été nommé.

Le 9 mai, Bonaparte réclame que la sanction populaire vienne confirmer cette décision et le 10 un arrêté annonce l'organisation d'un plébiscite dont la question est devenue : Napoléon Bonaparte sera-t-il consul à vie ?. La réponse est nettement positive et le Sénat n'a plus, le 2 août, qu'à proclamer le résultat avant d'apporter, le 4, les modifications nécessaires à la Constitution. Dans les mois qui suivent, le Premier consul commence à recevoir des honneurs quasi royaux tandis que le régime renforce son contrôle sur les théâtres et les journaux et que l'Église et la Magistrature retrouvent des formes et des prérogatives perdues avec la Révolution.

Parallèlement, Bonaparte poursuit sa politique de réformes  : le 24 mars 1802 est installée une commission chargée de rédiger le code de procédure civile ; le 26 avril, une amnistie assez large est accordée aux derniers émigrés ; le 1er mai, une loi établit le régime de l'instruction publique. Le 19, un projet de loi instituant la Légion d'honneur est voté Plaque de Grand Aigle de la Légion d'Honneur. Le 19 novembre, la Direction générale des Musées est créée et Dominique Vivant Denon devient directeur général du musée du Louvre.

Aux Antilles, Toussaint Louverture est arrêté le 7 juin 1802, à peine plus de quinze jours après le vote d'une loi rétablissant la traite des noirs et l'esclavage conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789 (20 mai). Cette nouvelle politique entraîne un soulèvement général des esclaves noirs le 13 septembre.

Le général Leclerc meurt de maladie le 2 novembre 1802 tandis que l'expédition de Saint-Domingue tourne peu à peu au fiasco.

Durant toute l'année 1803, Napoléon Bonaparte prend de nouvelles mesures pour renforcer son autorité, récompensant les fidèles (trente et un sénateurs sont pourvus le 4 janvier de sénatoreries à vie), affaiblissant les pouvoirs rivaux (en décembre, le Corps Législatif perd le droit de nommer son président) et muselant l'opposition (l'Académie des Sciences morales et politiques, colonisée par les « idéologues », des républicains modérés, est supprimée). Peu à peu, une symbolique monarchique se met en place : à partir du 28 mars 1803, les nouvelles monnaies sont à l'effigie du Premier Consul. Seuls ses frères, Lucien comme Jérôme, qui contractent tous deux cette année-là des mariages désapprouvés par Napoléon, semblent capables de braver sa volonté.

Cependant, il poursuit les réformes et la réorganisation administrative : règlementation de l'exercice de la médecine ; création des écoles de pharmacie ; organisation du notariat ; vote d'une loi règlementant le fonctionnement des manufactures et des ateliers (elle interdit les coalitions d'ouvriers et établit la protection des marques) ; en avril 1803, une réforme monétaire installe ce qui deviendra le « franc germinal » avec la banque de France comme institut d'émission privilégié ; en septembre, les travaux extraordinaires des ponts et chaussées, creusement et réparations des canaux, dessèchement des marais reçoivent d'importantes dotations ; le livret ouvier est institué le 1er décembre.

Bonaparte n'omet pas de choyer l'Église et les écclésiastiques, aussi bien d'un point de vue pratique - leurs traitements deviennent insaisissables et ceux du haut-clergé sont revalorisés ; les séminaristes sont exemptés de la conscription - que symbolique - les noms des saints et des personnages de l'histoire ancienne deviennent les seuls acceptés comme prénoms pour l'état civil.

Dégradation des relations avec l'Angleterre

La politique extérieure de Napoléon Bonaparte prolonge d'abord les tendances de l'année précédente : la Suisse reçoit sa nouvelle Constitution des mains du Premier consul (Acte de médiation du 19 février) et conclut un traité d'alliance avec la France ; en mars, le 24, la Diète de Ratisbonne modifie de fond en comble l'équilibre politique de l'Allemagne en application du traité de Lunéville.

Surtout, durant les mois de février et de mars 1803, la situation continue de se tendre avec l'Angleterre à propos de Malte. La rupture se produit en mai : le 11, la France rejette un ultimatum anglais et le traité d'Amiens est dénoncé dès le lendemain ; le 17, le gouvernement anglais décrète un embargo sur les navires français et s'empare de plus de 1200 vaisseaux et de 200 millions de marchandises ; le 22, les Anglais se trouvant en France sont arrêtés et le 23 c'est la déclaration de guerre de l'Angleterre.

Les premières hostilités ont lieu au Hanovre, que Bonaparte fait envahir par Adolphe Édouard Casimir Joseph Mortier le 27 mai et qui capitule le 4 juillet. Cette marche inexorable à la reprise du conflit entre la France et le Royaume-Uni est une des puissantes raisons qui aménent le Premier consul à vendre la Louisiane aux États-Unis (30 avril).

Simultanément, les préparatifs de la guerre avec l'Angleterre vont bon train : en juin 1803 est organisée une grande armée d'Angleterre, pour laquelle est créée en octobre une compagnie de guides-interprètes ; Bonaparte dresse en juillet un plan d'invasion, qui reçoit un début d'application dès l'automne : le Premier consul écrit lui-même une instruction destinée aux équipages des péniches de débarquement. Le 3 novembre puis à nouveau le 30 décembre, il se rend en inspection à Boulogne. De son côté le Royaume-Uni ne reste pas inerte, organisant le débarquement clandestin, le 21 août 1803, de Georges Cadoudal et quelques autres Chouans à la falaise de Biville, entre Dieppe et Le Tréport.

L'année 1803 se clôt sur de mauvaises nouvelles à nouveau venues des Antilles : le 28 novembre, Donatien-Marie-Joseph de Rochambeau et les restes de l'expédition de Saint-Domingue ont dû capituler.

Le principal événement du début de 1804 pour Napoléon Bonaparte est le complot, organisé avec la complicité de l'Angleterre, qui vise à l'assassiner. Tout commence le 16 janvier avec le débarquement clandestin d'agents royalistes, parmi lesquels Jean-Charles Pichegru, qui entre en contact avec Georges Cadoudal et le général Jean Victor Marie Moreau.

Le Premier consul est rapidement informé de la conspiration et réagit en faisant immédiatement arrêter Moreau (15 février). Les autres conjurés ne tardent pas à le rejoindre en prison : Pichegru le 27 février, Cadoudal le 9 mars. Leur procès s'ouvre le 25 mai, sans Pichegru qu'on a retrouvé étranglé dans sa cellule le 6 avril. Le 10 juin Cadoudal est condamné à mort (sentence exécutée le 25) tandis que Moreau ne se voit infliger que deux ans de prison, peine bientôt commuée en bannissement.

Entre temps, les déclarations effectuées par Cadoudal lors de son interrogatoire, mal interprétées, ont abouti à l'enlèvement en territoire étranger du duc d'Enghien, à son jugement expéditif par une commission militaire et à son exécution à Vincennes Le fort de Vincennes, au petit matin du 21 mars, jour de la promulgation du Code civil des Français ! Cette exécution, qui est reprochée à Napoléon comme un crime, pousse François-René de Chateaubriand à s'éloigner de lui, et met un terme aux espoirs de Louis XVIII de s'entendre avec lui.

Crédit photos

 Photo de Lionel A. Bouchon Photos par Lionel A. Bouchon.
 Photo de Marie-Albe Grau Photos par Marie-Albe Grau.
 Photo de Floriane Grau Photos par Floriane Grau.
 Photo de Michèle Grau-Ghelardi Photos par Michèle Grau-Ghelardi.
 Photo de Didier Grau Photos par Didier Grau.
 Photo de divers auteurs Photos par des personnes extérieures à l'association Napoléon & Empire.