Date et lieu
- 30 novembre 1808 dans les gorges de Somosierra (ou Somo-Sierra) dans la Sierra Guadarrama, à 90 Km au nord de Madrid, en Espagne.
Forces en présence
- Armée française (environ 35 000 hommes, dont 6 000 seront réellement engagés), incluant une brigade de chevau-légers polonais du Duché de Varsovie, sous le commandement de l'Empereur Napoléon 1er.
- Armée espagnole (environ 13 000 hommes, 8 000 participant aux combats) commandée par le général Benito de San Juan.
Pertes
- Armée française, cinquante-sept Polonais tués ou blessés (sur cent-cinquante ayant pris part à la charge).
- Armée espagnole, de 200 à 2 000 tués selon les sources, 16 canons, 10 drapeaux.
Panoramique aérien du champ de bataille de Somosierra
La situation générale
Début novembre 1808, Napoléon est arrivé à Vitoria [Vitoria-Gasteiz}
Pour ce faire, l'Empereur a déplacé en Espagne la moitié des forces françaises d'Allemagne et dispose donc de soldats aguerris. S'ensuit une série de défaites espagnoles qui mettent bientôt l'Empereur à portée de Madrid. Arrivant de Burgos, il lui reste cependant à franchir la chaîne montagneuse du Système central (Sierra de Guadarrama, Sierra de Somosierra, Sierra de Ayllón), que traverse la route reliant les deux villes.
Le site du combat
Le point de passage obligé est au col de Somosierra [41.13472, -3.58108], un peu avant le village du même nom. Y mène une route assez étroite et encaissée, formant défilé sur les six derniers kilomètres, facile à défendre
C'est évidemment l'endroit que choisit le général espagnol Benito de San Juan pour barrer la route aux Français. Des treize mille hommes environ dont il dispose, il en installe huit à neuf mille sur les hauteurs de Somosierra, avec vingt-deux canons répartis en quatre batteries échelonnées tout au long de la route
Premiers contacts
Le 29 novembre, à Boceguillas
Le lendemain, à 9 heures du matin, Napoléon fait d'abord donner son infanterie. Dans un épais brouillard, le maréchal Victor envoie trois colonnes à l'assaut, l'une de la route, les deux autres des pentes qui la bordent, ces deux dernières devant tomber sur les flancs des Espagnols. La nature plus aisée du terrain et une mauvaise coordination amènent la colonne ayant emprunté la route à se présenter seule devant la première batterie espagnole, qui la cloue sur place.
La charge des Polonais
Vers onze heures, Napoléon arrive avec la cavalerie. Il s'avance vers le petit pont de pierre, observe la situation (le brouillard s'est levé), et, constatant que l'infanterie ne parvient pas à progresser, ordonne une charge de cavalerie. Toutes les autorités s'accordent à juger qu'il s'agit d'une mission impossible. Après une courte reconnaissance, un aide de camp du maréchal Berthier la juge telle, le maréchal Bessières est opposé au projet, mais Napoléon n'en a cure. Dans sa colère, il prononce des paroles historiques : Impossible, impossible, je ne connais pas ce mot-là
(qui deviendra, le succès aidant : Impossible n'est pas Français
) et retire la mission à sa Garde pour la confier à l'escadron polonais de service auprès de lui ce jour-là.
La charge a donc lieu, et à fond, sous les commandements successifs du chef d'escadron Jan Leon Kozietulski, du capitaine Jan Dziewanowski puis du lieutenant Andrzej Niegolewski
Les chasseurs à cheval de la Garde sont alors envoyés à la rescousse, avec le chef d'escadron Andrzej Tomasz Łubieński
Pendant ce temps, épouvantés, les Espagnols se sont mis à abandonner leurs positions. Les premiers cavaliers qui arrivent en haut du col
La charge a duré sept minutes.
Trois autres escadrons de cavalerie polonais assurent la poursuite, suivis par les voltigeurs de l'infanterie.
Les suites de la bataille
La route de Madrid est désormais ouverte. Napoléon y entrera le 4 décembre suivant.
Les morts sont enterrés en grande pompe. Le lendemain, lors d'une revue tenue à Buitrago, Napoléon se découvre devant les survivants et leur déclare : Vous êtes dignes de ma Vieille Garde. Je vous reconnais pour ma plus brave cavalerie
. Pas moins de seize légions d'honneur leur sont distribuées.
Carte de la bataille de Somosierra
Tableau - "Bataille de Somosierra". Peint en 1810 par Louis-François Lejeune.
Le lieutenant Niegolewski se remettra de ses blessures et écrira, quarante-sept ans plus tard : Puissent beaucoup de jeunes gens avoir un pareil jour de fête
. Ce qui prouve que la notion de fête a beaucoup évolué depuis ...
On a parfois considéré la décision d'envoyer des cavaliers à l'assaut d'une succession de batteries d'artillerie comme injustifiable, voire criminelle. Certains y voient une illustration du peu de cas dont Napoléon faisait de la vie de ses soldats. Outre que l'événement lui a donné raison, puisque cette charge a effectivement obtenu le succès espéré, il faut noter l'appréciation du général anglais William Francis Patrick Napier, peu susceptible de partialité en sa faveur, qui participa aux guerres de la péninsule et est considéré outre-Manche comme le meilleur historien de ces campagnes : ...la charge de la cavalerie polonaise était extravagante, mais, prise comme résultat de la juste idée qu'avait Napoléon de la valeur des troupes espagnoles et de sa promptitude à saisir l'avantage que lui offraient en ce moment les épaisses vapeurs qui couvraient la montagne, c'est une heureuse inspiration de son génie.
Un vitrail de la chapelle Nuestra Señora de la Soledad, représentant la Vierge de Czestochowa entourée de soldats polonais, a été offert par le ministère de la Culture et du Patrimoine national de la République de Pologne et l'ambassade de Pologne à Madrid en 2008, à l'occasion du bicentenaire de la bataille.