Date et lieu
- 10 mai 1796 au pont de Lodi, sur la rivière Adda, au sud-est de Milan (Lombardie, Italie).
Forces en présence
- Armée française (17 500 hommes) sous le commandement du général Napoléon Bonaparte.
- Arrière-garde de l’armée autrichienne (9 500 hommes) commandée par le général Karl Philipp Sebottendorf.
Pertes
- Armée française : autour de 1 000 tués ou blessés.
- Armée autrichienne : de 315 (selon les sources autrichiennes) à 1 100 (selon les sources françaises) morts ou blessés.
Panoramique aérien du champ de bataille de Lodi
Situation générale
Napoléon Bonaparte, après avoir passé le Pô à Plaisance [Piacenza], remonte la rive droite de l’Adda, un de ses affluents du nord, à la recherche de la faille dans le dispositif adverse qui lui permettra de franchir ce nouveau cours d’eau et de poursuivre l’ennemi. Le général en chef autrichien Johann Pierre de Beaulieu-Marconnay, surpris par un passage qui s’est effectué 80 kilomètres en aval de ses prévisions, vient en effet d’évacuer Milan [Milano] pour faire retraite sur Crémone [Cremona].
Bonaparte envisage dans un premier temps de traverser l’Adda à Pizzighettone [45.18647, 9.77955] :
Il y renonce toutefois, la cité étant trop bien défendue.
Il teste alors les forces de l’arrière-garde autrichienne aux environs
Puis Napoléon Bonaparte et son chef d'état-major le général Louis-Alexandre Berthier remontent le cours de l'Adda vers le nors-ouest et arrivent à Lodi
L’ouvrage, large de douze mètres et long de près de deux-cents (cent toises), vient de servir à faire traverser la rivière aux ultimes détachements autrichiens se trouvant encore sur la rive droite de l’Adda. Il est défendu par l’arrière-garde autrichienne, commandée par le général Karl Philipp Sebottendorf, et si ce dernier n’a toujours pas donné l’ordre de le détruire, c’est que les Autrichiens sont loin de s’attendre à subir si vite une attaque sérieuse des Français. Mais Bonaparte, bien au contraire, croyant Beaulieu présent avec toutes ses forces derrière Lodi, veut passer à tout prix pour l’empêcher de s’enfuir.
Les combats
Lorsqu’il arrive devant le pont, accompagné seulement de la cavalerie du général Marc Antoine Bonnin de La Bonninière de Beaumont
Sebottendorf recule ses troupes hors de portée des tirs français et les organise en deux lignes. La première comprend trois bataillons, munis de vingt bouches à feu qui prennent le tablier en enfilade ; la seconde, formée de cinq autres bataillons, se tient plus en arrière, appuyée par la cavalerie. Au total, le général Sebottendorf dispose de 9 500 hommes. Les forces françaises sont presque deux fois moindres.
Prévoyant la difficulté du passage, Bonaparte, après avoir examiné la position ennemie du haut du campanile de Santa Chiara, envoie sa cavalerie et l’artillerie légère verts l'amont :
Leur mission et de chercher un gué vers le nord, du côté de Montanasso [Montanaso Lombardo] [45.33520, 9.47130]. Bonaparte espère ainsi les voir déboucher quelques heures plus tard sur le côté droit du dispositif autrichien, ce qui lui permettra alors de lancer son infanterie à l’assaut du pont.
En fin d’après-midi, alors que Beaumont ne se montre toujours pas, les 6 000 hommes de la division Masséna se présentent sur le champ de bataille après avoir marché depuis six heures du matin. Bonaparte décide de jouer son va-tout et de tenter l’assaut sans attendre davantage.
Un court repos est accordé aux arrivants puis, vers dix-neuf heures, le deuxième régiment de carabiniers, composé de Savoyards, reçoit l’ordre de franchir le pont le premier. Les grenadiers, qui se sont organisés en colonne serrée derrière le rempart de la ville, doivent suivre. Au cri de Vive la République
, les Savoyards s’avancent sous les ordres de leur chef de bataillon Pierre Louis Dupas
Aussitôt, les généraux Masséna, Berthier, Dallemagne et Jean-Baptiste Cervoni
Sebottendorf ordonne alors la retraite. Beaumont, longuement retardé par la mauvaise qualité du gué qu’il a emprunté, paraît enfin sur le champ de bataille, mais trop tard pour intervenir efficacement dans la poursuite. De ce fait, les Autrichiens parviennent à se maintenir jusqu’à la tombée de la nuit dans le village de Fontana [45.33025, 9.52929], à 2 kilomètres au nord-est du pont :
Ils se retirent ensuite plus à l'est, sur la ville de Crema
Les Autrichiens sont peu vigoureusement pourchassés par des Français qui, fourbus, s’arrêtent et établisent leur camp à Tormo
Au soir de la bataille, Napoléon Bonaparte installe son quartier général au Palazzo Modignani
Bilan et conséquences
La journée a coûté aux Autrichiens autour de 2 000 soldats et de 14 à 20 canons. Les Français n’ont perdu que mille hommes environ.
La bataille du pont de Lodi conclut de manière victorieuse le deuxième acte de la campagne d’Italie. Le retrait des Autrichiens au-delà du Mincio, avec l’abandon de places fortes telles que Crémone et Pavie, donne aux Français la maîtrise de la Lombardie. Quelques jours plus tard, le 15 mai, ils entrent en toute tranquillité dans Milan, vide d’ennemis. Cependant, Bonaparte a dû laisser fuir aussi bien l’arrière-garde que le gros des forces autrichiennes. L’éclat du fait d’armes lui servira à masquer l’absence des résultats stratégiques attendus.
Carte de la bataille de Lodi
Tableau - « Passage du pont de Lodi par l’armée française ». Peint en 1797 par Louis-Albert-Ghislain Bacler d’Albe.
Selon P. G[ayant], Tableau des guerres de la Révolution de 1792 à 1815, Paris, Paulin, 1838, p. 120 : Il était jusque-là sans exemple qu’on eût enlevé d’emblée le passage d’une rivière aussi bien défendue.
C’est au soir de Lodi que Napoléon prend soudain conscience de son destin. Ainsi que le pseudo-Napoléon le dit fort bien dans le Manuscrit venu de Sainte-Hélène d’une manière inconnue (1817) : Après Lodi, je ne me regardai plus comme un simple général mais comme un homme appelé à influer sur le sort d’un peuple. Il me vint à l’idée que je pourrais bien devenir un acteur décisif sur notre scène politique. Alors naquit la première étincelle de la haute ambition.
À l’issue de la bataille, Bonaparte aurait été promu caporal par ses soldats, en reconnaissance de son courage. S’il s’agit très probablement d’une légende, le surnom affectueux de Petit Caporal
lui restera cependant attaché par la suite.
Cette bataille a donné, dès 1798, son nom à la rue du Pont-de-Lodi dans le 6e arrondissement de Paris.
Témoignages
Vous avez sûrement appris, mon très-cher père, les succès glorieux et rapides de l'armée d'Italie; il m'a été toutefois impossible de vous en instruire, car depuis notre arrivée à Nice nous n'avons eu qu'un seul jour de repos. Nous avons été continuellement en courses: d'abord sur les montagnes couvertes de neige, où nous avons beaucoup souffert, et ensuite dans les plaines riantes du Piémont. Il en était temps car nous étions exténués de faim, de fatigue et de misère. Après avoir traversé le Tanaro, la Bormida, le Pô et le Tessin, nous nous sommes, comme un torrent que rien n'arrête, roulés sur les plaines de la Lombardie. La bataille du 20 floréal, qui s'est donnée à Lodi, a été décisive. Nous avons, au pas de charge, traversé un pont très long ayant en front 30 pièces de canon et étant inquiétés sur notre flanc droit par des obus et un feu de mousqueterie très-nourri. Nous avons pris 20 pièces de canon; Dupas s'est conduit comme un brave qu'il est, cela fait honneur au pays. Je l'ai soutenu de mon mieux avec mes intrépides Allobroges. J'ai été fort content de mon frère François.
Deux fois la cavalerie autrichienne nous a chargés, mais nous lui avons opposé un rempart invincible de baïonettes; elle a pris la fuite, nous l'avons chargée à notre tour et nous l'avons mise en pleine déroute. A minuit nous étions encore à la poursuite de l'ennemi, et le combat finit faute de combattants. Si nous avions eu le talent de Josué, et que nous eussions pu faire rétrograder les ombres de la nuit, il ne se serait pas échappé un Autrichien. Il faut cependant avouer qu'ils se battent mieux que les Piémontais. [...]